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Jacques Parizeau

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26e premier ministre du Québec

26 septembre 1994 au 29 janvier 1996

Parti Québécois

L’homme

Jacques Parizeau naît à Montréal, le 9 août 1930. Il est le fils de Germaine Biron et de Gérard Parizeau. Le couple habite sur la rue Marcil dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce à Montréal. Pierre Duchesne écrit que « son parrain, son grand-père paternel Télesphore Parizeau, et sa marraine, sa grand-mère maternelle Blanche Biron, portent fièrement Jacques Léon Joseph Parizeau à l’église des Dominicains, le jour de son baptême le 16 août. Son petit frère Michel naît quatorze mois plus tard, le 30 octobre 1931. Quant à Robert, le benjamin, il voit le jour le 7 novembre 1935 ».

Homme

Photographie de Jacques Parizeau lors de sa première communion le 27 avril 1938.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Jacques a près de quatre ans (1934) lorsque la petite famille déménage sur la rue Brillon toujours dans Notre-Dame-de-Grâce. En 1940, la famille déménage sur l’avenue Glencoe, à Outremont, pour se rapprocher de l’école des enfants.  

 

Le petit Jacques est un enfant vif, turbulent et bruyant. Gérard Parizeau, son père, relate que « pour son grand-père Biron, c’est la huitième merveille du monde. Ainsi, le dimanche, quand on reçoit la petite famille à diner […], M. Biron fait débarrasser le centre de la table et l’y installe. Et quand le bébé commence à faire entendre des sons informes, qui vont du gaga au gui-gui, il fait taire tout le monde en disant : “écoutez-le, comme c’est charmant !” »

 

Pierre Duchesne décrit qu’en raison des « fréquentations familiales, le jeune Parizeau a l’impression de bien connaître la France. Moins qu’un océan, c’est un ruisseau qui le sépare de ce pays. Par contre, les références culturelles de son milieu, celui du Québec, sont plus ténues. La culture populaire se limite presque uniquement à l’influence d’une personne, Sarah Saint-Jean, la bonne de la maison, qui habite avec la famille. C’est elle qui fait découvrir aux enfants Parizeau le Québec profond. […] Issue d’un milieu modeste, Sarah Saint-Jean apprend aux enfants des comptines et des chansons inconnues de la société outremontaise. »

 

Laurence Richard prétend qu’à « la maison, on l’éduque à l’européenne, conformément à la tradition de ce que Jacques appelle “la tribu”, tant du côté paternel que maternel : “Il s’agissait de deux familles de bourgeois très français. Ma formation a été européenne, française surtout.” Chez les Parizeau, on ne discutait que de politique française, britannique, européenne. Enfant, Parizeau ignorait qui était le premier ministre du Canada : “Je suis né dans la bourgeoisie internationale. J’étais au courant de la querelle entre la maîtresse de Reynaud et la maîtresse de Daladier en France et de son influence sur la défense nationale bien avant de savoir qui était premier ministre du Canada.” »

 

Très jeune, Jacques tient des propos intelligents. Son père se souvient « qu’un jour, nous discutions de la question de la Syrie. Je disais, sans me douter que mes prédictions se réaliseraient : “Les Anglais ont tort de vouloir bouter les Français hors du Proche-Orient. Cela leur reviendra sur le nez comme un boomerang.” Jacques m’écoutait. Puis, il me dit : “Papa, je ne voudrais pas être désagréable, mais tes idées me semblent un peu sommaires. Pour moi, les Anglais ne sont pas assez imprudents pour faire une chose pareille.” Il avait douze ans. »

 

Laurence Richard avance que « soucieux d’accroître ce désir d’autonomie et de lui inculquer le sens des responsabilités, ses parents l’inscrivent chez les louveteaux irlandais, au camp Powter, où l’on parle peu le français. C’est là, au lac Archambault, qu’il apprend à nager, à avironner, à diriger un bateau à voile, à jouer au tennis et à explorer la forêt. Jacques Parizeau garde de ces séjours le meilleur souvenir, autant des louveteaux anglophones que de la vieille madame Powter. »

Photographie du jeune Jacques Parizeau au camp Powter. Vers 1940.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Le goût de l’aventure

 

Laurence Richard souligne que « de neuf à seize ans, le jeune Parizeau passe une partie de ses vacances d’été aux Éboulements, près de La Malbaie, dans le comté de Charlevoix. Dès l’âge de treize ans, il part “sur le pouce”, sac au dos et tente sous le bras. Son premier voyage, il le fait avec le fils d’un notaire, Julien, qui deviendra lui-même notaire. Il fait le tour de la Gaspésie puis visite le Saguenay et l’Abitibi. Il s’arrête longuement à Percé. Il s’y fait des amis : Hélène Pelletier et Jacques Baillargeon, qui deviendra plus tard son mari. L’année suivante, à quatorze ans, il part avec son frère à la conquête de la province voisine, l’Ontario, et parcourt le sud de la péninsule. Il écrit alors à ses parents des lettres truffées de chiffres, de considérations géographiques, géologiques et économiques. »

 

Jacques a développé sa passion pour les connaissances et l’argumentation très tôt. Son père se souvient qu’en 1946, pendant deux mois, Jacques, âgé de 16 ans, traverse le Canada d’est en ouest avec l’un de ses amis. « Nous avions essayé de dissuader Jacques de partir, en invoquant l’absence de routes carrossables dans le nord de l’Ontario, dans le Manitoba et les provinces de l’ouest. Nous l’amenâmes chez le secrétaire du Royal Automobile Club qui, très astucieusement, invoqua les inondations et les feux de forêt. À tout cela, Jacques superbement avait une réponse. “Si les rivières débordent, nous attendrons qu’elles rentrent dans leur lit et s’il y a des feux de forêt, nous aiderons à les éteindre”. II ne restait plus qu’à souhaiter bon voyage à ces gosses qu’attirait l’Aventure. »

 

Laurence Richard complète que finalement « les deux jeunes gens traversent tout le Canada. De la côte ouest, ils prennent le chemin du retour, cette fois par les belles routes américaines, car ils n’ont pas du tout apprécié leur traversée du Canada à bord de véhicules d’un inconfort total, sur des routes cahoteuses. Au cours du voyage, les deux compagnons s’amusent et font des découvertes ensemble malgré leurs différences. L’un lit des vers, pendant que l’autre écrit de longues lettres consacrées à l’économie et à la géographie du pays qu’ils traversent. En voyage, Jacques expédie chez ses parents, par la poste, son linge sale qui lui revient, lavé, par le même chemin : “J’allais chercher à la poste restante le linge propre. Je gardais le papier, et je renvoyais un autre lot de linge sale”, raconte Parizeau en souriant. Les deux amis couchent sous la tente ou dans des abris de fortune : la prison de Brandon au Manitoba — on a la gentillesse de leur prêter un local ! — des kiosques à musique de Saskatoon, des parcs municipaux. »

Photographie du quai des Éboulements. Entre 1890-1965.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Études

 

Gérard Parizeau raconte que « quand Jacques eut six ans, nous décidâmes de l’envoyer à l’école Saint-Léon à Westmount. Mon beau-père était membre de la Commission scolaire et j’avais fréquenté Saint-Léon avant d’entrer aux HEC. Le problème du transport se posa pour Jacques d’abord, puis pour Michel. Germaine le résolut par des recommandations multiples — sorte de “briefing” avant la lettre. Puis, en accompagnant l’enfant elle-même, puis, enfin, pendant un jour ou deux en le surveillant de loin pour voir s’il suivait bien ses recommandations. Convaincue, elle cessa de se tracasser et Jacques put voyager seul en tramway. “Capable seul”, avait-il l’habitude de dire quand tout jeune, il ne voulait pas qu’on l’aidât à faire des choses que, dans sa sagesse de petit, il croyait pouvoir exécuter lui-même. Avant l’école Saint-Léon, on l’avait envoyé chez Miss Palmer, qui avait une maternelle pour jeunes enfants : sorte de “kinder-garden”, où on les habituait à vivre et à travailler ensemble. Jacques se faisait ainsi l’oreille à l’anglais ».

 

Gérard Parizeau ajoute : « Détail amusant, il nous revenait certains jours avec des chansons françaises, chantées avec un accent anglais, assez prononcé, mais charmant. Beaucoup plus agréable que celui que Michel et Bob nous rapportèrent de la rue dès qu’ils commencèrent à jouer avec les petits voisins. »

 

Laurence Richard décrit qu’à « l’âge de 7 ans, Jacques fait son entrée au collège Stanislas, à Outremont, un établissement français que fréquentent les enfants de la haute bourgeoisie francophone québécoise. Il est au nombre des premiers élèves de ce collège qui vient juste d’être fondé. Les enfants y reçoivent une éducation européenne : “Mes parents ont pris cette décision, explique Jacques Parizeau, en réaction contre les collèges dits classiques. Pour la première fois, on pouvait étudier l’algèbre sans compter les grains de chapelet ou les hosties. Évidemment on passait pour des suppôts de Satan.” Les parents Parizeau furent accusés d’être athées — ils étaient au contraire très pratiquants — pour avoir mis leur enfant dans une école où seuls le principal, son assistant et quatre ou cinq professeurs étaient prêtres. »

 

Pierre Duchesne affirme que « la classe dans laquelle Jacques Parizeau se retrouve est exceptionnelle. Parmi le groupe figurent, outre Charles Gonthier, Michel Dupuy, futur ambassadeur puis ministre dans le premier gouvernement de Jean Chrétien, Gilbert Choquette, cinéaste et écrivain, Jean Boulanger, avocat, André D’Allemagne, président du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), Michel Pasquin, directeur du crédit foncier franco-canadien. Et si l’on inclut les autres classes du collège, la liste s’allonge. Il faut alors compter Jacques-Yvan Morin, vice-premier ministre du Québec dans le premier gouvernement de René Lévesque, les cinéastes Claude Jutra et Michel Brault, Jérôme Choquette, ministre dans le premier gouvernement de Robert Bourassa, le juge Marc Brière, l’un des fondateurs du Parti québécois, et Marc Baudouin, qui deviendra le plus jeune diplomate à occuper le poste d’ambassadeur du Canada à l’étranger. Jérôme Choquette estime que la classe de Jacques Parizeau est de loin la “plus brillante qui a passé à Stanislas”. »

 

Pierre Duchesne souligne que « bien que Jacques Parizeau soit, au dire du professeur Boulizon, “un esprit compétitif voulant gagner à tout prix”, Gérard Parizeau, le père du jeune élève, affirme qu’il “serait exagéré de dire qu’il avait de très bons résultats en classe, à ce moment-là”. Jacques Parizeau a-t-il des souvenirs de la première distribution des prix ? “Non. Je n’en ai aucun ! Les deux premières années, je n’étais pas très bon.” Le futur professeur semble porter un jugement sévère sur ses débuts au collège, puisqu’à sa première année son nom est inscrit au livre d’or de la classe de septième. Il fait partie de la courte liste des élèves s’étant maintenus pendant toute l’année scolaire “par leur rang d’excellence, dans le premier tiers de la classe”. Il remporte également le prix d’honneur avec huit de ses compagnons, sur une classe comptant environ trente-deux élèves. Au cours de ses études, il ne remporte toutefois aucun premier prix, à l’exception du prix Dollard-des-Ormeaux, en 1946, offert à l’élève ayant présenté les meilleurs travaux en histoire du Canada. »

 

Gérard Parizeau déclare que ses fils Jacques et Michel n’étaient pas premiers de classe. « Jacques aurait été doué pour la musique et Michel pour la peinture. Mais nous craignions qu’en les formant de ce côté, nous amoindririons un effort déjà modéré. Bien doués tous les deux, ils avançaient, mais lentement. Ce n’est guère qu’après la puberté que l’un et l’autre se ressaisirent. Au moment des examens je les invitais à la pharmacie pour manger un “sundae géant” ou un “jumbo Ice cream soda” et pour causer. J’avais trouvé ce moyen de discuter avec eux “entre hommes”, comme je leur disais. Au début, Germaine était un peu froissée d’être ainsi mise de côté, mais elle comprit rapidement qu’ainsi traités les garçons prenaient mes avis plus au sérieux. Je leur demandais de fixer eux-mêmes leurs heures de travail à la maison. Nous ne sortions pas durant le mois précédant les examens. Nous n’intervenions pas. La seule surveillance était celle que nous exercions par notre présence. Chacun avait sa chambre, sa table de travail, ses livres. C’est un luxe qu’on ne peut se payer dans une nombreuse famille, mais, avec sa drôle de construction, notre maison se prêtait à cet isolement propice au travail, à la réflexion et à la lecture. »

 

Jacques reste huit ans au Collège Stanislas. Il y termine ses études avec la mention « Bien » aux deux parties du baccalauréat français. Il obtient son diplôme le 27 mai 1947.

Photographie du Collège Stanislas situé au 780, avenue Dollard à Outremont. 12 août 1942.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Conrad Poirier

Laurence Richard écrit : « Entourés de livres, les enfants lisent avec avidité. “C’est fou ce que j’ai lu ! Très rapidement, j’ai été plongé dans des débats philosophiques, cosmiques. Je trouvais, dans la collection de livres de mon père, tout ce qui pouvait me lancer sur de nouvelles pistes, opposer des thèses différentes. Les livres de mon père ont eu une énorme influence sur moi et c’est à partir de là que j’ai commencé à discuter avec lui.” »

 

Laurence Richard reprend des propos de Jacques Parizeau confirmant l’impact de sa famille sur son choix de carrière. « Ce qu’il y a eu probablement de plus important dans mes rapports avec ma famille, pendant à peu près toute ma vie, ce sont les repas du dimanche midi, qui ont joué un rôle majeur dans l’évolution de mes idées. Aussi loin que je me souvienne, quels étaient les grands thèmes de ces repas ? L’université, bien sûr. Tout le monde passait par l’université, évidemment. Et puis, les affaires : le milieu des affaires, l’état des affaires au Québec, le développement des affaires au Québec. On finit par absorber ces questions comme par osmose. »

 

Le 8 septembre 1947, Jacques Parizeau commence sa licence en sciences commerciales à l’École des hautes études commerciales (HEC) ou son père a enseigné. Laurence Richard rapporte que « le jeune Parizeau, orienté vers l’économie et les affaires par sa famille, perçoit les HEC comme une grande école. Mais au Québec, elle est encore considérée à ce moment-là comme une école d’étudiants sans ambition ou sans talent : “Les HEC, pour moi, ce n’était pas une école de minables, au contraire ! Quand je disais : ‘Je vais aux Hautes Études commerciales, à Montréal’, je pensais aux HEC à Paris, au Harvard Business School aux États-Unis, à ce que ces écoles représentaient.” Ses deux frères, Robert et Michel, inscrits eux aussi aux HEC, sont convaincus de la pertinence de leur choix. »

L’École des hautes études commerciales de Montréal est fondée en 1907. Elle reste à l’angle des rues Viger et Saint-Hubert jusqu’en 1970, à l’ouverture de l’édifice Decelles. Le bâtiment est maintenant occupé par les Archives nationales du Québec, où se trouve notamment le fonds Jacques Parizeau.

Photographie de la façade du premier immeuble de l’École des hautes études commerciales de Montréal, rue Viger. 

HEC Montréal

Fonds Directorat

Selon Wikipédia, « alors que la plupart des étudiants de cette époque s’intéressaient essentiellement à la comptabilité, Jacques Parizeau s’intéresse plutôt à l’économie politique, au commerce international ainsi qu’aux questions de contrôle des changes. Se classant parmi les meilleurs étudiants, il est remarqué par le professeur François-Albert Angers et par le directeur des HEC Esdras Minville. Économiste spécialisé en économie politique, Angers trouve en Jacques Parizeau un véritable disciple. Il le prend sous son aile, devient son mentor et développe avec lui une étroite relation. Malgré leurs intérêts communs, le mentor et le protégé s’opposent cependant sur le terrain de la politique. À cette époque où l’Union nationale de Maurice Duplessis domine la vie politique au Québec, contrairement à François-Albert Angers, Jacques Parizeau se sent peu interpelé par le nationalisme autonomiste (qu’il qualifie de “nationalisme […] essentiellement négatif, tourné vers le passé”). Intéressé davantage par les initiatives du gouvernement d’Ottawa (création des pensions de vieillesse, assurance-chômage, allocations familiales) que par la gestion des affaires courantes et le maintien des structures traditionnelles du Québec, Parizeau est alors un fédéraliste canadien convaincu. »

 

Gérard Parizeau note que « Jacques avait fait d’excellentes études aux HEC. Bon premier, il menait sa classe au pas de course, en lisant beaucoup, en discutant aussi. » Selon Wikipédia, « en mars 1950, Jacques Parizeau termine sa licence en sciences commerciales et présente sa thèse de fin de programme, intitulée “Le conflit des réalités subjectives et objectives de la théorie de la valeur”. Son travail lui mérite le prix Webster pour la meilleure thèse de l’année présentée aux HEC. »

 

François-Albert Anger est « professeur à l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal de 1937 à 1974, il est un pionnier du mouvement coopératif, de l’enseignement de la science économique et de la formation d’une classe de gens d’affaires francophones au Québec. Disciple d’Esdras Minville et d’Édouard Montpetit, mentor de Jacques Parizeau, spécialiste d’économie politique et auteur de nombreux travaux sur l’économie québécoise, il est également le fondateur du Service de recherche économique (devenu l’Institut d’économie appliquée, puis le département d’économie appliquée) des HEC. Penseur nationaliste, il est l’un des principaux collaborateurs et organisateurs de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay) créée en 1953. Il est aussi un acteur important du mouvement souverainiste québécois. Il a été président de la Ligue d’Action nationale, directeur de la revue L’Action nationale, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et du Mouvement Québec français. Par ses actions et ses écrits, François-Albert Angers est une figure majeure de la défense de la langue française et de l’identité québécoise. » - Wikipédia

Photographie de François-Albert Angers dans une salle de classe de HEC Montréal. 1986.

HEC Montréal

Fonds François-Albert Anger

En 1950, Jacques part vers la France pour approfondir sa formation. Son père confit qu’avant « son départ pour l’Europe, Jacques était très attiré par la gauche et, critiquant le système, il affichait à l’occasion une incrédulité qui nous peinait, mais contre laquelle nous avons tenu à ne jamais aller. Nous le sentions tendu, décidé, prêt à toutes les négations, toutes les discussions. C’était, déjà, cette contestation de tout : de l’être ou du non-être, de l’injustice de la société à la grandeur et à la générosité de certains idéaux politiques. J’étais un peu inquiet parfois. »

 

Ces études lui permettent d’obtenir deux diplômes de cycle supérieur ; l’un de l’Institut d’études politiques de Paris, l’autre de la Faculté de droit de Paris, en juin 1953. Lors de son séjour en France, Jacques loge sur la rue de la Tour dans le 16 ᵉ arrondissement de Paris. Son père croit que Jacques a appris beaucoup de choses à Paris dont l’art de bien manger et de choisir les bons vins.

 

En février 1953, Jacques décide de quitter Paris pour Londres et de s’inscrire à la London School of Economics. Selon Wikipédia, « intéressé par de nouvelles approches en économie, choisissant de se “spécialiser en économétrie et en théorie mathématique”, il soutient une thèse de doctorat dirigée par l’économiste James Edward Meade (disciple de John Maynard Keynes et lauréat du Prix Nobel d’économie en 1977) sur les échanges commerciaux du Canada de 1869 à 1952. »

 

Gérard Parizeau commente que Jacques y « travaillait dans la joie auprès de gens sérieux de caractère et un peu froids, mais très ouverts aux choses de l’économie. […] Il est curieux de voir comme Jacques a opposé aux théories un peu brumeuses du milieu et de ses maîtres un cerveau clair et précis. En somme, devant les problèmes de l’économie et les conceptions anglaises, il a apporté un jugement d’inspiration cartésienne et une facilité d’expression, fruit d’une formation antérieure à son séjour à Londres. »

 

En ce sens, Laurence Richard rapporte qu’à « l’occasion d’un colloque, Jacques tient tête à quelques-uns des participants dont [son directeur de thèse] Meade, keynésien convaincu, personne n’admet que l’on critique certaines idées du “maître”, ce que Jacques Parizeau ose faire. En rentrant chez lui, ce soir-là, un peu effrayé de son audace, il croit qu’il sera obligé de partir. Deux jours plus tard, Meade le convoque à son bureau et lui dit : “Everybody was against your ideas, but continue, it is good for thought.” À une autre occasion, alors que Jacques Parizeau fait un exposé brillant au tableau, Meade s’exclame devant les étudiants : “Another of my theoretical bubbles blowing in the air”. »

 

Selon Wikipédia, « au printemps 1955, à l’âge de 24 ans, Jacques Parizeau obtient son doctorat en économie de la London School of Economics. Il devient alors le premier Québécois à obtenir un doctorat de cette prestigieuse institution. » À Londres, Jacques vit dans un appartement aménagé de manière très rudimentaire, en soupente, du côté du Russell Square.

Photographie de James Edward Meade, professeur de Jacques Parizeau à la London School of Economics and Political Science.

London School of Economics and Political Science

Alicja Poznańska

 

Gérard Parizeau raconte que « revenu de Londres, Jacques arriva un soir à la maison, en nous parlant d’une Polonaise intelligente, gracieuse, dont il venait de faire la connaissance en rendant visite à notre vieil ami Léon Lorrain. Celui-ci lui offrait de le remplacer éventuellement dans ses fonctions à la Banque [canadienne nationale]. Jacques le remercie, en disant simplement qu’il aimait le professorat et qu’il désirait y faire carrière, même s’il était bien mal rémunéré. Avant de le laisser partir, [Léon Lorrain] l’amena à la bibliothèque pour lui présenter sa collaboratrice, jeune Polonaise qui avait fait les mêmes études que lui à l’Institut des Sciences Po, à Paris. »

 

Laurence Richard note qu’ils « ont fréquenté les mêmes lieux à la même époque, sans se rencontrer ! Pour Jacques et Alicja, c’est le coup de foudre. Alicja a des idées, elle sait les défendre et elle est pleine d’enthousiasme : voilà ce qui plaît tout de suite à Parizeau, qui est également sensible à sa grande gentillesse. »

 

Le 2 avril 1956, Jacques Parizeau et Alicya (Alice) Poznanski, fille de Bronislawa Ostrowska, pianiste, et de Stanislas Poznanski, industriel, se mariaient dans l’Église Saint-Raphaël à Montréal.

 

Photographie de Jacques Parizeau et Alice Parizeau. Vers 1973. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

Laurence Richard précise que « Alicja est apatride et orpheline. En 1945, après la chute de Varsovie, en Pologne, elle se retrouve sans ressources : elle n’a ni parents, ni amis, ni papiers. Les Parizeau accueillent avec joie cette jeune fille qui ne connaît au Canada qu’un cousin, quelques compatriotes et une amie. Ils l’aiment dès les premières rencontres. »

 

Née le 25 juillet 1930 en Pologne, elle passe toute son enfance à Cracovie. Wikipédia présente ainsi la vie de cette jeune femme avant son mariage. « Dès 1935, la possibilité d’une guerre fait l’objet de discussions dans le foyer de la petite Alice. Dès l’âge de dix ans, pendant la Seconde Guerre mondiale, elle rejoint le Maquis. Elle est agente de liaison dans l’armée de l’intérieur (Armia Krajowa). À cette époque, Alice Parizeau fait partie du mouvement scout et il lui paraît normal de distribuer des journaux clandestins et de recevoir une éducation aussi clandestine dans la maison de ses professeurs. En 1942, le père d’Alice est emprisonné. Elle aura comme première réaction de se dire qu’avec ses amis, elle va le faire libérer, mais elle ne le verra plus jamais. En 1943, la mère d’Alice meurt à son tour, la laissant orpheline. En 1944, elle participe aux batailles sur les barricades durant l’Insurrection de Varsovie. Après deux mois, elle est capturée et devient une des prisonnières de guerre incarcérées dans le camp de concentration de Bergen-Belsen (Allemagne). Elle reçoit à la fin du conflit la Croix de guerre pour preuve de courage face à l’ennemi. Envoyée à Paris par sa famille, elle y termine ses études et décroche successivement un baccalauréat français, une licence en droit et un diplôme en sciences politiques. En 1955, elle se rend au Québec pour les vacances et, devant l’offre d’être en charge d’une bibliothèque, renonce à rentrer en France. »

 

Après son mariage, elle est officière de réhabilitation pour la Ville de Montréal, puis journaliste, notamment à Cité libre, à Châtelaine, à La Presse, à La Patrie, au Maclean’s et dans Le Devoir. Elle est aussi recherchiste à Radio-Canada, puis titulaire de recherche en criminologie à l’Université de Montréal.

Photographie d'Alice Parizeau.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

Laurence Richard croit qu’en « créant la Société québécoise de la protection de l’enfance, elle fut le précurseur des services qu’assure aujourd’hui la Direction de la protection de la jeunesse. “Le plus grand péché de tout homme ou de toute femme, disait-elle, est de ne pas être attentif à autrui.” Pour elle, les enfants représentaient “la plus grande richesse de la collectivité”. »

 

Selon Victor-Lévy Beaulieu, « douée d’une énergie hors du commun, Alice Poznanska tomba littéralement en amour avec la culture québécoise, et plus particulièrement, sa littérature. […] Quelle énergie elle avait, quelle sensibilité aussi qu’elle exprimait dans le langage coloré qui était le sien — et de ses yeux émanait une luminosité qui, selon le mot de Robert Musil, vous traversait de part en part. »

 

Victor-Lévy Beaulieu prétend qu’en « épousant monsieur Parizeau qu’elle appelait affectueusement Jacek, Alice Poznanska lui apporta comme don sa passion de la littérature, celle de l’étranger aussi bien que la nôtre. […] ses racines polonaises étant tout à la fois souterraines et aériennes, elle écrivit des livres magnifiques sur son pays d’origine ; et ses nouvelles racines québécoises s’enfonçant rapidement dans la terre de sa nouvelle patrie, elle publia plusieurs romans sur la réalité de chez nous. Il faut lire Rue Sherbrooke ouest et Blizzard sur Québec qui en sont de vibrants témoignages. Quant à son amour pour le pays dont elle avait dû s’exiler, elle eut la grande générosité de nous le faire connaître dans une trilogie qui lui valut d’obtenir le Grand Prix européen des écrivains de langue française. Les livres étant pour ainsi dire immortels, nous pouvons donc lire ou relire aujourd’hui Les lilas fleurissent à Varsovie, La Charge des sangliers et Ils se sont connus à Lwow. »

Photographie d'Alice Parizeau et Jacques Parizeau. Vers 1973. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

En littérature, elle publie plusieurs romans :

 

Fuir, Déom, 1963

Survivre, Cercle du Livre de France, 1964

Rue Sherbrooke ouest, CLF, 1967

Les Militants, CLF, 1974

Les lilas fleurissent à Varsovie, 1981 — Prix littéraire européen de l’Association des écrivains de langue française en 1982

La Charge des sangliers, CLF, 1982

Côte-des-Neiges, CLF, 1983

Ils se sont connus à Lwow, CLF, 1985

L’Amour de Jeanne, Pierre Tisseyre, 1986

Blizzard sur Québec, Éditions Québec Amérique, 1987

Nata et le professeur, Éditions Québec Amérique, 1987

 

Voici d’autres de ses publications :

 

Voyage en Pologne, Éditions du jour, 1962

Les Solitudes humaines, Les écrits du Canada français, 1962

Une Québécoise en Europe « rouge », Fidès, 1965

L’Adolescent et la Société, Charles Dessart, Bruxelles, 1972

Ces jeunes qui nous font peur, René Ferron, 1974

L’Envers de l’enfance, Éditions La Presse, 1976

Le Placement familial de l’enfance, 1976

Le Traitement de la criminalité au Canada, Presses de l’Université de Montréal, 1977 (coll.)

Les Condamnés à des sentences intermittentes et les modes d’application de cette mesure judiciaire, 1977

Protection de l’enfant : échec ?, 1979

Recherche sur le rapport présentenciel, 1981

Rapport présentenciel et politiques criminelles, 1981

Mais comment tuer le dogme ?, Leméac, 1989

Un été, un enfant, Éditions Québec Amérique, 1990

Une femme, Leméac, 1991

 

Wikipédia souligne qu’un « événement politique aura marqué sa carrière : en 1988, elle reçoit l’Ordre du Canada. Les journaux ont largement fait état de la polémique au sujet de cette femme d’un indépendantiste, elle-même en faveur de la séparation du Québec, qui acceptait un honneur fédéral canadien. » Victor-Lévy Beaulieu confirme qu’Alice, « avant même de connaître monsieur Parizeau, elle affichait le fait qu’elle était indépendantiste. Pas nationaliste, pas autonomiste, pas souverainiste… indépendantiste. Ce que monsieur Parizeau n’était pas encore. »

 

Sachant qu’elle est atteinte d’un cancer du poumon incurable, elle décide d’écrire son autobiographie, intitulée Une femme, qui est publiée à titre posthume en 1991. Dans ce livre, elle retrace sa vie, partagée entre son amour profond pour une Pologne déchirée et un exil bénéfique, aux côtés de son mari Jacques Parizeau. Laurence Richard écrit que « les derniers mois d’Alice, atteinte d’un cancer du poumon, furent particulièrement éprouvants. Attentif, préoccupé, Jacques Parizeau se tenait presque toujours à son chevet, ne consacrant qu’un minimum de temps à ses fonctions. »

 

Victor-Lévy Beaulieu précise qu’Alice « mit du temps à accepter qu’elle n’en guérirait pas. Elle se rendit même jusqu’au Mexique où on lui avait dit qu’un médecin avait inventé une thérapie soi-disant miraculeuse. Monsieur Parizeau l’accompagnait partout dans ses déplacements, non seulement par loyauté et par fidélité, mais par amour pour cette femme grâce à laquelle il avait pu devenir ce qu’il avait toujours été. Il fera de même quand, plus tard, avant de mourir, Alice voudra revoir une dernière fois sa Pologne natale et Paris, la ville de sa libération. Je crois que le véritable monsieur Parizeau se trouve dans ce portrait qu’Alice fait de lui alors qu’ils sont à Mexico, dans ce faubourg qu’ils doivent habiter parce que la clinique “miraculeuse” a pignon sur rue tout près de là : “Jacek est d’une gentillesse incroyable. Lui qui aime bien manger avale des plats insipides sans grimacer, se passe de vin, fume en cachette comme un collégien et se promène avec moi dans les rues, parmi les détritus, parce que je veux marcher et que pour moi c’est l’unique moyen d’échapper à l’atmosphère de la clinique dans laquelle j’étouffe. Ce n’est ni la faute des médecins, ni du personnel, ni de la direction. C’est juste celle de la compassion, de ce sentiment de pitié à l’égard des autres et de moi-même qui me prend à la gorge.” Je l’ai déjà dit : cette clinique de Mexico est dirigée par un charlatan qui n’hésite pas à présenter à ses patients des radiographies truquées qui leur laissent croire à une guérison éventuelle… en autant, évidemment, qu’ils ne quittent pas la clinique et continuent à s’y faire traiter. Quand Alice comprend que, comme tant d’autres, elle est la victime d’une supercherie, sa désolation est sans limites, car elle se rend compte que ses jours sont comptés, et c’est là qu’elle dit à Jacek qu’elle voudrait revoir la Pologne et Paris avec lui. »

 

Le 30 septembre 1990, elle décède dans la maison du couple à Outremont. Le 3 octobre, plus de mille personnes assistent à ses funérailles à l’église Saint-Germain d’Outremont, à Montréal, pour lui rendre hommage.

Photographies de Jacques Parizeau et ses enfants, Bernard et Isabelle, lors des funérailles d'Alice Parizeau. 3 octobre 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Michel Gravel

Le couple a deux enfants, Bernard (médecin) et Isabelle (avocate). Hadrien, un des fils de Bernard est conseiller municipal du district de Saint-Sulpice à Montréal de 2017 à 2021 et siège au comité exécutif de Montréal de février 2018 à avril 2021.

Photographie d'Hadrien Parizeau, petit-fils de Jacques Parizeau, lors de la 16e législature du Forum étudiant à l'Assemblée nationale du Québec. Janvier 2008

Fonds Assemblée nationale du Québec

Photographe Daniel Lessard

Lisette Lapointe

 

En marge de la campagne référendaire de 1992, Jacques Parizeau fait la grande demande à Lisette Lapointe. Elle lui dit oui ! Ils officialisent leur union le 12 décembre 1992 à Sainte-Agathe-des-Monts.

 

Lisette Lapointe, de Laurette Picard, enseignante et de Philippe Lapointe, enseignant et cadre scolaire, naît à Montréal le 13 septembre 1943. Elle étudie en pédagogie et méthodologie à l’Institut Sœur-Sainte-Anne-Marie de Montréal. Elle obtint un permis d’enseignement de la Commission des écoles catholiques de Montréal en 1963 et un diplôme en gestion d’association (cadre d’association émérite) de la Société canadienne des directeurs d’associations de Montréal en 1985. Elle enseigne en techniques de secrétariat en 11e et 12e commerciale spéciale à la Commission scolaire de Montréal de 1963 à 1970.

 

Passionnée de politique, elle milite à la campagne électorale de Pierre Marois en 1970. En 1974 et 1975, elle est publicitaire au journal Le Jour à Montréal, et journaliste à l’hebdomadaire Le Trait d’union, en 1975 et en 1976. Elle agit comme attachée de presse du ministre Pierre Marois dans le cabinet Lévesque de 1976 à 1980. En 1981, elle est recherchiste pour la Centrale des syndicats démocratiques. De 1994 à 1996, elle est conseillère spéciale responsable de l’action communautaire autonome au cabinet du premier ministre Jacques Parizeau.

Photographie de Jacques Parizeau et Lisette Lapointe, lors de leur mariage le 12 septembre 1992.

Presse canadienne

Elle est la cofondatrice et directrice générale d’Auto prévention, une association sectorielle paritaire en santé et sécurité du travail du secteur des services automobiles à Montréal, de 1982 à 2003. En 1984, elle est conférencière au programme Santé et sécurité du travail à l’Université de Montréal et directrice d’un mémoire de maîtrise en hygiène industrielle à l’Université du Québec à Trois-Rivières en 1988. Elle est la fondatrice et imprésario de Gestion La Tramontane, une entreprise de gestion d’artistes, de 2002 à 2006.

 

Femme impliquée, elle est membre de la Société canadienne des directeurs d’associations (SCDA) de 1983 à 2004 et membre fondatrice de la coopérative d’habitation La Roseraie à Montréal en 1984. De 1985 à 2003, elle membre de l’Association des professionnels en ressources humaines du Québec (APRHQ) et de l’Association pour l’hygiène industrielle du Québec. Elle est aussi membre de l’Association pour la protection du lac de la Montagne à Saint-Adolphe-d’Howard de 1986 à 2008, de Médecins du monde de 1997 à 2008, de l’Union des artistes de 2000 à 2008, de l’Association des gens d’affaires d’Ahuntsic-Cartierville de 2006 à 2008. Elle est présidente d’honneur de la campagne de financement de la Fondation médicale des Laurentides en 1999 et de la Grande dégustation de vins de Saint-Adolphe-d’Howard en 2007.

 

L’avocat Marc Bellemare et Lisette Lapointe ont mené une bataille pendant plusieurs années pour abroger la clause du « no fault » dans le cas de criminels du volant, ce qui exposerait ceux-ci non seulement à des poursuites civiles de la part des
victimes, mais leur enlèverait le droit à des indemnités.

Photographie de Lisette Lapointe en conférence de presse avec l’avocat Marc Bellemare. 15 octobre 1996.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Pierre Côté

Selon Wikipédia, « en 2006, elle annonce sa décision […] de se porter candidate à l’élection générale québécoise de 2007 sous la bannière du Parti québécois. Elle songe d’abord à se présenter dans la circonscription de Deux-Montagnes, mais devant le refus de se désister d’un des deux candidats à l’investiture, elle se tourne finalement vers la circonscription de Crémazie, sans opposition d’un autre membre du parti. Elle est la première épouse d’un ancien premier ministre du Québec à se porter candidate à une élection générale. Elle remporte l’élection dans sa circonscription avec 170 voix d’avance sur sa principale adversaire, la députée libérale sortante Michèle Lamquin-Éthier.

 

Le soir de l’élection générale de 2008, Lisette Lapointe est réélue avec une majorité de 1412 votes. Le 6 juin 2011, elle démissionne du caucus du Parti québécois […]. Elle adhère ensuite au jeune parti Option nationale créé par Jean-Martin Aussant tout en gardant sa carte au PQ et en siégeant comme indépendante. Elle ne se représente pas aux élections générales de 2012.

 

Le 23 septembre 2013, elle annonce sa candidature aux élections municipales à Saint-Adolphe-d’Howard. Le 3 novembre 2013, elle remporte ces élections avec 36,82 % des voix devant quatre autres candidats, elle est officiellement assermentée mairesse quelques jours plus tard. Le 18 avril 2017, elle annonce qu’elle ne se représentera pas au poste de maire de Saint-Adolphe-d’Howard aux élections municipales. »

Lisette Lapointe est la première, et la seule, épouse d'un ex-premier ministre du Québec à se faire élire députée à l'Assemblée nationale du Québec.

Photographie de Jacques Parizeau avec son épouse Lisette Lapointe, députée de Crémazie. 2007.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Steve Deschênes


L'HOMME
 

Photographie de Gérard Parizeau entouré de son plus jeune fils Robert, et de son plus vieux, Jacques. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de Jacques Parizeau, finissant de l'École des hautes études commerciales de Montréal. 1950.

Collection privée

Photographie de Jacques Parizeau. Vers 1950.

Collection privée

Photographie de Jacques Parizeau avec ses enfants Bernard et Isabelle.

Collection privée


Alice
 

Photographie d'Alice Parizeau. Vers 1973. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

Photographie d'Alice Parizeau et Jacques Parizeau. Vers 1973. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

Réédition du livre Survivre d'Alice Parizeau. Leméac. 1986.

Collection Dave Turcotte

Livre Les Militants d'Alice Parizeau. CLF. 1974.

Collection Dave Turcotte

Livre Le Traitement de la criminalité au Canada d'Alice Parizeau et Denis Szabo. Presses de l’Université de Montréal. 1977.

Collection Dave Turcotte

Livre Blizzard sur Québec d'Alice Parizeau. Éditions Québec Amérique. 1987.

Collection Dave Turcotte

Livre Une femme d'Alice Parizeau. Leméac. 1991.

Collection Dave Turcotte


Lisette
 

Photographie de Jacques Parizeau et Lisette Lapointe, lors d'un rassemblement de fin de campagne référendaire à Longueuil. 29 octobre 1995.

Collection Dave Turcotte

Fonds Reuters

Photographe Shaun Best

Photographie de Lisette Lapointe lors d'une tournée électorale. 25 août 1994.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Michel Gravel

Photographie de Lisette Lapointe et Jacques Parizeau lors du conseil national du Parti Québécois du 5 novembre 1994 à Montréal.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Michel Gravel

Article sur Lisette Lapointe dans le magazine Madame au foyer. Novembre-décembre 1994.

Collection Alain Lavigne

Photographie de Lisette Lapointe accompagnée de ses proches lors de son assermentation comme députée de Crémazie. 25 avril 2007.

Fonds Assemblée nationale du Québec

Photographe François Nadeau

Photographie de Jacques Parizeau lors de l'assermentation de son épouse Lisette Lapointe comme députée de Crémazie. 25 avril 2007.

Fonds Assemblée nationale du Québec

Photographe François Nadeau

Signet de la députée Lisette Lapointe. Assemblée nationale du Québec. 2007.

Collection Dave Turcotte

Les Parizeau

Selon Wikipédia, « Jacques Parizeau descend de Jean Delpué, un soldat de la compagnie LaFreydière du régiment de Carignan-Salières, établi en Nouvelle-France depuis le 17 août 1665. » Pierre Duchesne précise qu’il « est tué lors d’une bataille avec les Iroquois le 2 juillet 1690 à Pointe-aux-Trembles. Les générations se succèdent, le nom Delpué devient Dalpé, puis Parizeau. »

 

Victor-Lévy Beaulieu avance qu’à « l’origine, cette famille-là portait le nom de Delpé très populaire dans le sud-ouest de la France. Être un Delpé, “c’est posséder un puits près de son habitation”, ce qui dans la vieille France n’était pas commun. Les Delpé firent beaucoup d’enfants et, pour se distinguer, ajoutèrent à leur nom de famille celui du lieu où ils vivaient. C’est ainsi que les ancêtres de monsieur Parizeau devinrent des Delpé dit Parizeau, ce qui signifiait qu’ils habitaient dans les environs de Paris. Les Delpé dit Parizeau arrivèrent en Nouvelle-France en 1674, s’installèrent à Varennes, puis à Boucherville, avant de s’établir définitivement dans l’ouest de Montréal. »

Famille

Jean Delpué épouse Renée Lorion le 19 novembre 1674 dans la paroisse Notre-Dame de Montréal. Le couple donne naissance à Jeanne, François, Jean, Nicolas, Marie Anne, Marie, Catherine et Pierre.

Acte de mariage de Jean (Delpé) Delpué dit Parisot et de Renée Lorion. 

WikiTree

Jean Delpué est décédé le 2 juillet 1690 à Pointe-aux-Trembles. « C’est l’époque de la recrudescence des attaques iroquoises. Les premières ont lieu au bout de l’île en 1687, suivi du massacre de Lachine le 5 août 1689. Plusieurs attaques suivent, approchant de son habitation. Comme tous les hommes en âge de porter les armes, il fait partie de la milice. Jean est tué lors de la bataille dite Le combat de La Rivière des Prairies ou la bataille de la Coulée Grou, le 2 juillet 1690. Il sera inhumé sur place le jour même avec d’autres et exhumé pour être réinhumé en 1694 à la Pointe-aux-Trembles de Montréal. » - WikiTree

Acte de sépulture de Jean (Delpé) Delpué dit Parisot. 2 novembre 1694.

WikiTree

La famille Parizeau est une des grandes familles de bâtisseurs du Québec. Laurence Richard écrit : « Inventif, travailleur acharné, doué du sens des affaires, têtu, déterminé et doté d’une conscience sociale incarnée dans un engagement personnel ; c’est ainsi que se caractérise “l’homo parizensis”, selon la formule de Gérard Parizeau, père de Jacques. Ces qualités sont issues en bonne partie du double héritage ancestral de la famille — français et écossais. »

 

Pierre Duchesne prétend que « peu avant le XXe siècle, les Parizeau entrent définitivement dans l’histoire comme l’une des premières familles francophones à correspondre aux caractéristiques d’une authentique bourgeoisie canadienne-française. Jacques Parizeau aime décrire le bourgeois comme un être qui n’est pas nécessairement riche, mais qui a l’habitude de l’argent. »

 

Laurence Richard questionne : « Entêté et persévérant, Jacques Parizeau ? Rien de surprenant à cela ! Son grand-père, Télesphore, était capable de tenir tête à un régiment. “On me voit dans la famille, raconte Jacques Parizeau, comme un descendant digne de Télesphore. Il était terrible. S’il pensait avoir raison, quatorze chevaux ne l’auraient pas arrêté.” La mère de Jacques Parizeau avait elle aussi la réputation de ne jamais abandonner la partie, mais elle y mettait plus de douceur. Plusieurs traits de caractère de Jacques Parizeau lui ont été transmis par ses ancêtres. L’histoire de sa famille dévoile beaucoup sur l’homme, sur ce qui l’a influencé, sur les valeurs et les idéaux transmis de génération en génération. »

 

Pour mieux comprendre qui est Jacques Parizeau, voici un bref portrait des membres de sa famille.

Son père Gérard Parizeau

 

Gérard Parizeau naît le 16 décembre 1899. Selon le site Web du Prix Gérard-Parizeau, « l’enfance du jeune Gérard se déroule dans des quartiers bourgeois, d’abord rue Saint-Denis, puis [rue Winchester] à Westmount. Il a un frère, Marcel (1898–1945), qui sera un architecte réputé, et deux sœurs, Germaine (1898-1950) et Claire (1901-1969).

 

Gérard Parizeau affiche un parcours scolaire plutôt décousu, interrompu quelque temps par la maladie. Son éducation primaire est acquise auprès de professeurs français qui tiennent des écoles privées. Il est ensuite brièvement inscrit au collège Sainte-Marie avant de terminer ses études initiales à la section anglaise de l’école Saint-Léon, dirigée par les frères des écoles chrétiennes. Il complète sa formation en autodidacte, en lisant énormément. En 1917, il entre à l’École des hautes études commerciales (HEC) […] et obtient en 1920 une licence en sciences commerciales. […]

 

En 1921, il devient le secrétaire particulier [du ministre fédéral de la Justice et procureur général] Lomer Gouin, ancien premier ministre du Québec (1905-1920). L’année suivante, il occupe la même fonction auprès d’Édouard Montpetit […]. En 1923, le jeune homme devient commissaire stagiaire au ministère du Commerce, à Ottawa […]. Quelques mois plus tard, il est touché par une vague de renvois au ministère. De retour dans sa ville natale, il y trouve un emploi à la Banque de Montréal. »

 

Lomer Gouin est échevin du quartier Est au conseil municipal de Montréal de février à novembre 1900. Il est candidat libéral défait dans Richelieu aux élections fédérales de 1891. Il est élu député libéral à l’Assemblée législative dans Montréal no 2 en 1897 et réélu sans opposition en 1900 et en 1904. Il est commissaire des Travaux publics dans le cabinet Parent du 3 octobre 1900 au 2 juillet 1901, date de sa nomination comme ministre de la Colonisation et des Travaux publics. Avec deux de ses collègues, Adélard Turgeon et William Alexander Weir, il démissionne du cabinet Parent le 3 février 1905. Il est réélu à l’élection partielle du 10 avril 1905 à la suite de sa nomination comme ministre. Il est élu dans la circonscription de Portneuf et défait dans Montréal no 2 aux élections de 1908. Il est élu simultanément dans Portneuf et dans Saint-Jean en 1912, mais résigne son siège de député de Saint-Jean le 14 novembre 1912. Il est réélu sans opposition dans Portneuf en 1916 et en 1919.

Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 23 mars 1905 au 8 juillet 1920, date de sa démission comme premier ministre. Il est procureur général du 23 mars 1905 au 25 août 1919. Il est ministre de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries du 30 septembre au 17 octobre 1907. Son siège devint vacant lors de sa nomination comme conseiller législatif de la division de Salaberry le 22 juillet 1920, mais n’y a jamais siégé. Il démissionne le 20 octobre 1921.

 

Il est élu député libéral à la Chambre des communes dans Laurier-Outremont en 1921. Il est nommé membre du Conseil privé le 29 décembre 1921. Il est réélu à l’élection partielle du 19 janvier 1922 à la suite de sa nomination comme ministre. Il est ministre de la Justice dans le cabinet King du 29 décembre 1921 au 3 janvier 1924. Il ne se représente pas en 1925. Il est nommé lieutenant-gouverneur de la province de Québec le 10 janvier 1929 et occupe cette fonction jusqu’à son décès.

Photographie de Lomer Gouin.

Assemblée nationale du Québec

Wikipédia rapporte qu’en « 1925, Gérard Parizeau commence à travailler pour Irish & Maulson, grande firme de courtage d’assurances de l’époque, [pour s’occuper de la clientèle francophone du cabinet]. En 1928, il commence à enseigner aux HEC. Il y enseigne notamment l’histoire du commerce et l’histoire économique du Canada. Après avoir réussi à traverser la misère de la Grande Dépression, le 1er janvier 1939, Gérard Parizeau quitte la firme Irish & Maulson pour fonder sa propre compagnie d’assurances. »

 

Le site Web du Prix Gérard-Parizeau note que chez Irish & Maulson, malgré ses succès, « il se heurte à la discrimination systémique qui frappe alors les francophones œuvrant pour des employeurs anglophones : quand vient le temps des primes et des promotions, les collègues de langue anglaise passent devant. Ce constat l’amène à décider de rompre les amarres et d’ouvrir son propre cabinet de courtage ». Wikipédia ajoute qu’en 1950, « il s’associe à d’anciens rivaux du milieu francophone de l’assurance et met sur pied le bureau Dupuis, Parizeau, Tremblay. Enfin, le 1er mars 1955, il rompt cette association pour créer, avec ses fils Michel et Robert, ainsi que cinq autres personnes, la Société Gérard Parizeau Inc. »

 

Selon le site Web du Prix Gérard-Parizeau, en 1960, « le cabinet prend le nom de Gérard Parizeau Ltée. Sous l’impulsion de Michel, l’entreprise connaît une forte croissance interne et devient l’un des grands cabinets du Québec. Le troisième fils, Robert, rejoint aussi son père, qui l’oriente vers un nouveau front, celui de la réassurance […]. Avec l’appui de cabinets français et britannique, Gérard Parizeau crée en 1961 une société de courtage de réassurance, Le Blanc, Eldridge, Parizeau Inc. En 1965, vient l’acquisition de la charte d’une compagnie d’assurance inactive, La Nationale, transformée en une entreprise de réassurance pour le marché canadien. Ainsi, sous l’œil bienveillant du père, chacun des deux fils a désormais sa niche : l’assurance et la réassurance. En 1971, le décès prématuré de Michel Parizeau vient bouleverser les projets de son père. L’année suivante, Gérard Parizeau et son fils Robert créent une société de holding, Sodarcan Inc., pour chapeauter les deux cabinets de courtage et la compagnie de réassurance. […] En 1997, près de 60 ans après la création du premier cabinet de la famille, la société Aon, d’envergure mondiale, acquiert Sodarcan. »

 

Homme cultivé et courtois, Gérard Parizeau s’intéresse énormément à la politique et à l’histoire. Dans les dernières années de sa vie, il devient historien. Lui-même grand lecteur, il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles. Discret, il affiche peu ses convictions politiques. Fidèle au Parti libéral, mais conservateur sur le plan des valeurs, il s’oppose farouchement au traditionalisme incarné par Maurice Duplessis. Il est nationaliste et membre de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Sa rigueur et sa conscience sociale ont eu une grande influence sur son fils. Quelques mois à peine avant que son fils n’accède au poste de premier ministre du Québec, Gérard Parizeau décède le 26 janvier 1994 à l’âge de 94 ans.

Depuis l’an 2000, le Fond Gérard-Parizeau créé par ses fils Jacques et Robert, décerne chaque année le Prix Gérard-Parizeau alternativement dans les champs de l’économie et de la gestion, puis de l’histoire, afin de souligner la contribution exceptionnelle à une sommité dans ces domaines.

Logo du Prix Gérard-Parizeau.

Fond Gérard-Parizeau

Sa mère Germaine Biron

 

Germaine Biron naît le 5 juin 1903 à Montréal. Elle est la fille de Blanche Fleury et d’Édouard Biron, un notaire réputé de Westmount. Laurence Richard soutient qu’Édouard Biron est « cultivé, indulgent, il est apprécié par ses petits-enfants. Son étude de notaire profite d’une réputation d’honnêteté et de compétence. Il incarne l’ordre, l’exactitude et la prudence. Secrétaire de la Chambre des notaires, il en devient rapidement président. »

 

Photographie du notaire Édouard Biron, grand-père maternelle de Jacques Parizeau.

Collection privée

En juin 1928, Gérard Parizeau et Germaine Biron se marient à l’église Saint-Léon-de-Westmount. Gérard Parizeau décrit, avec une pointe d’humour, son épouse ainsi : « Petite, maigrelette, elle ne pèse même pas cent livres au moment de son mariage. Très active, infatigable, elle va à l’Hôpital Sainte-Justine plusieurs fois par semaine. Elle est assez mondaine. Ou tout au moins, elle a le goût du monde, des gens, des potins. Elle aime aussi la lecture, et c’est cela qui la sauvera de l’ennui quand son époux sera repris par le démon du travail, peu de temps après son mariage. Très décidée, sachant ce qu’elle veut, elle est prête à s’opposer à un bataillon d’hommes. L’ironie est l’arme des faibles dira son mari quand il essaiera de lui tenir tête. Or, le faible, ce n’est pas elle. »

 

Wikipédia présente Germaine comme une « femme de tête, de caractère affirmé et combatif, Germaine Parizeau ne recule devant aucune polémique. Sa personnalité se reflète dans l’ambition qu’elle a pour ses trois fils. » Le site Web du Prix Gérard-Parizeau précise qu’elle fait « sa marque en tant que bénévole à l’hôpital Sainte-Justine où elle siègera également au conseil d’administration. [Tout au long des années 1920 et 1930], elle milite avec Thérèse Casgrain pour l’obtention du droit de vote des femmes au Québec. Au cours du Second Conflit mondial, elle copréside la section française du comité féminin des Emprunts de guerre et de la Commission de contrôle des prix et du commerce en temps de guerre. Cela lui vaudra d’être décorée de l’Ordre de l’Empire britannique. »

 

Laurence Richard soumet que « Germaine Parizeau a pour amie Thérèse Casgrain, l’une des plus grandes figures féministes de l’époque au Québec. Les deux femmes collaborent à la poursuite de divers objectifs : droit de vote des femmes aux élections provinciales, modifications au Code civil quant à la situation de la femme, égalité des salaires et de meilleures conditions de travail pour les femmes. Chaque année, Germaine Parizeau accompagne Thérèse Casgrain à Québec, à la tête d’une délégation, pour réclamer le droit de vote pour les femmes. Celles-ci obtiennent enfin gain de cause en 1944. »

Thérèse Forget Casgrain est une des grandes réformatrices et féministes du Québec et du Canada. Au cours des années 1920 à 1940, elle milite avec d'autres femmes à faire reconnaître les droits des femmes, en particulier le droit de vote et d'éligibilité au Québec.

 

Elle est la première femme élue à la tête d’un parti politique au Canada et au Québec.

Photographie de Thérèse Forget Casgrain. Mars 1952.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Gabriel (Gaby) Desmarais

Roch Côté rapporte les propos de Jacques Parizeau sur sa mère : « Ma mère, dit Parizeau, était à tout bout de champ à la radio, pour indiquer aux gens ce qu’il fallait surveiller, ce qu’il ne fallait pas accepter… Elle ne pouvait pas imaginer un instant que la société puisse fonctionner sans la participation active des femmes. Et, au fond, je n’ai jamais rencontré de femme plus féministe qu’elle. »

 

Germaine Biron décède le 14 avril 1993 à l’âge de 89 ans à Saint-Lambert. Tout comme son époux, elle n’aura pas la chance de voir son fils devenir premier ministre du Québec.

Son grand-père Télesphore Parizeau

 

Télesphore Parizeau naît le 27 décembre 1867. De 1890 à 1896, il étudie à Paris en médecine où il s’initie aux théories de Pasteur. Laurence Richard explique que dès son retour au Québec, il « ouvre un bureau à Montréal, rue Saint-Denis, près du square Viger. Il prend la direction du laboratoire clinique de l’hôpital Notre-Dame et enseigne l’histologie et la bactériologie à l’Université de Montréal qui, à l’époque, est installée rue Saint-Denis. Novateur et entêté, il s’oppose souvent au milieu médical, trop lent, selon lui, à adopter les idées nouvelles qu’il a rapportées de l’Institut Pasteur. Télesphore accueille tous les malades, les pauvres comme les autres. Il opère tous ceux qui en ont besoin, qu’ils le paient ou pas. Excellent chirurgien, il est très estimé de ses patients, qu’il traite en amis. » Il devient vice-doyen (1927-1934), puis doyen de la faculté de Médecine de l’Université de Montréal de 1934 à 1938.

 

Pierre Duchesne souligne que « lorsqu’il quitte cette fonction à l’âge de soixante et onze ans, Télesphore Parizeau reçoit le titre de Chevalier de la Légion d’honneur pour les services rendus à l’enseignement universitaire français au Canada. Il prend également une part active au déménagement du campus de l’Université de Montréal sur la montagne. »

 

Wikipédia avance qu’à « travers ses écrits et de nombreuses allocutions, il devient un des médecins les plus en vue du Québec. Il est notamment celui qui contribue à l’essor de la carrière d’Armand Frappier, un des principaux scientifiques issus du Canada français au 20e siècle. Il est un des membres fondateurs de l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal, qui deviendra plus tard l’Institut Armand-Frappier. Il est par ailleurs nommé membre à vie de l’Institut où la salle du conseil est baptisée en son honneur en 1973. Avec ses collègues Oscar-Félix Mercier, Louis de Lotbinière Harwood et Albert Le Sage, il participera activement à l’introduction de techniques chirurgicales modernes et à l’implantation de la médecine de laboratoire à l’hôpital Notre-Dame. » Il décède le 13 octobre 1961 à l’âge de 94 ans.

 

Photographie de Télesphore Parizeau, grand-père paternelle de Jacques Parizeau. Entre 1940 et 1949.

Collection Richard G. Gervais.

Assemblée nationale du Québec 

Photographe Notman & Sons

Sa grand-mère Léa Bisaillon

 

Léa Bisaillon naît le 24 septembre 1864 à Saint-Jean-sur-Richelieu, connu à l’époque sous le nom de Saint-Jean-d’Iberville. Elle est la fille de Victoria Munroe et Joseph Bisaillon. Elle épouse Télesphore Parizeau le 2 septembre 1897 à Saint-Jean-sur-Richelieu. Le couple a quatre enfants : Germaine (1898-1950) et Marcel (1898–1945), des jumeaux, puis Gérard (1899-1994) et Claire (1901-1969), la benjamine. Marcel Parizeau est un « architecte et ami de Paul Émile Borduas et des automatistes. Marcel jouera un rôle considérable, au même titre qu’Ernest Cormier, dans l’évolution de l’architecture au Québec » selon Laurence Richard. Claire quant à elle, est l’épouse du gynécologue Léon Gérin-Lajoie, vice-président de l’Organisation mondiale de la santé et vice-doyen du Collège de médecine de Montréal. Il est l’oncle de Paul Gérin-Lajoie, ministre de l’Éducation au début des années soixante et qui collaborera avec Jacques Parizeau.

 

Laurence Richard précise que c’est de Léa que Jacques « tient ses origines écossaises. Le grand-père de Léa, James Munro, né en Écosse, s’était installé à Saint-Jean-d’Iberville avec sa femme, Agnès Lymburner. Emportés par la maladie, ils laissèrent deux filles, Mary et Victoria, qui furent recueillies par une bonne. En 1862, Victoria épouse Joseph Bisaillon avec qui elle a une fille, Léa, la future grand-mère de Jacques. »

 

Issue d’un milieu modeste, Léa Bisaillon est elle aussi orpheline en bas âge. Elle est élevée dans la famille de son oncle, un hôtelier de Saint-Jean-sur-Richelieu. Alex Tremblay-Lamarche raconte que « l’hôtelier Amable Bisaillon n’hésite pas à offrir la main de sa nièce Léa au jeune Télesphore Parizeau […] lorsque celui-ci lui en fait la demande vers 1890. »

 

À Saint-Jean-sur-Richelieu, Amable Bisaillon (31 octobre 1837 — 18 octobre 1923) est conseiller municipal de 1881 à 1899 et maire de la ville de 1901 à 1903.

 

Photographie du maire Amable Bisaillon, oncle de Léa Bisaillon, grand-mère paternelle de Jacques Parizeau.

Musée du Haut-Richelieu

Gérard Parizeau écrit : « Vers 1904, nous passions l’été à Saint-Jean-d’Iberville. Ma mère y avait vécu une partie de sa jeunesse. Orpheline, elle avait été élevée avec sa sœur Éveline et son frère Edgar, par les Bisaillon qui y avaient un hôtel. Comme il l’a raconté ailleurs, mon père avait fait sa connaissance, en arrivant à Saint-Jean un soir qu’il avait parcouru la distance en voiture entre Boucherville et Saint-Jean. Il revint plus tard et, avant de partir en France pour ses études de médecine, il demanda sa main et fut agréé. Ils se marièrent longtemps après vers l’âge de trente ans […]. Nous sommes revenus régulièrement à Saint-Jean pendant les vacances, par la suite. […]

 

Mon père qui n’aimait pas la ville ne fut pas long à imaginer autre chose. À l’affolement de ma mère, il proposa d’acheter des tentes, de nous installer à deux milles de la ville en remontant le Richelieu, en face d’une petite rivière qui s’appelait, je crois, la rivière à la Barbotte : mince cours d’eau aux flots boueux venant de l’intérieur des terres. […] Certaines années, nous avons eu jusqu’à quatre tentes, l’oncle Edgar Bisaillon étant venu se joindre à nous. Il avait cette tente brune, à ventilateurs mobiles, que mes fils et leurs amis ont utilisée longtemps plus tard pour les camps scouts. »

 

Gérard Parizeau relate le trajet que son père doit faire tous les jours de l’été entre le campement familial à Saint-Jean-sur-Richelieu et son travail à l’hôpital Notre-Dame de Montréal. « Comme son train partait de Saint-Jean à sept heures et quarante, mon père devait quitter le camp assez tôt pour pouvoir se rendre à Saint-Jean, où il laissait le bateau dans une cabane, le long de la rivière près du pont du chemin de fer. II devait ensuite marcher jusqu’à la gare, prendre le train, se rendre à Montréal, traverser une partie de la ville pour aller à l’hôpital. Vers la fin de l’après-midi, le voyage se faisait en sens contraire par tous les temps : ce qui n’était pas commode et agréable tous les jours. À certains moments, le vent du sud prenait la rivière d’enfilade et la vague était assez forte en arrivant à Saint-Jean. Le vent s’accompagnait de pluies tenaces et abondantes qui faisaient monter le niveau de la rivière. […] Ces jours-là, mon père avait besoin de tout son courage pour ne pas envoyer tout promener et pour ne pas vivre comme tout le monde à la ville ou à la campagne, dans un endroit plus accessible. II faut dire, cependant, que nous n’étions pas très argentés à cette époque. »

 

Gérard Parizeau présente ses étés sur la rive de la rivière Richelieu. « Papa prenait deux semaines de vacances, qu’il passait avec nous. Notre grand plaisir était les promenades en bateau dans les environs. Mon père nous laissait conduire le yacht, ce qui n’était pas bien difficile puisque le Richelieu descendait tout droit vers Saint-Jean. Si elle n’était pas profonde, la rivière n’avait guère de hauts fonds. La navigation ne devenait un peu compliquée que plus haut, en remontant vers l’Île-aux-Noix, au-delà de Saint-Jean, ou plus bas après avoir atteint le canal [de Chambly], qui permettait d’éviter les rapides. Pendant l’été, des yachts battant pavillon des États-Unis passaient tous les jours devant notre campement. Venus du lac Champlain, ils se rendaient jusqu’à Saint-Jean ; d’autres allaient jusqu’à Sorel ou à Montréal. À ce moment-là, la circulation était assez active. Elle allait des petits aux très gros bateaux : l’exiguïté des écluses empêchant les plus gros de dépasser la ville. […]

 

Nous campâmes ainsi sur les bords du Richelieu pendant quatre ans, si je me rappelle bien. Durant le dernier été, mon père fit une crise de rhumatisme qui le cloua ou lit tout un mois. […] De là, mon père, toujours entreprenant, devait nous emmener dans une île à Vaudreuil, où nous passions près de quatre mois chaque année. Mon père lui restera fidèle jusqu’à 1924. »

 

Léa Bisaillon décède le 7 mars 1930 à Montréal, quelques mois avant la naissance de son petit-fils Jacques.

Son arrière-grand-père Damase Parizeau

 

Damase Parizeau naît en septembre 1841, à Boucherville. Il est le fils d’Aglaé Myllette et d’Antoine Parizeau. Pierre Duchesne affirme qu’il « fréquente la modeste école primaire du village. Son père est fermier et rien ne relie cette famille à la bourgeoisie montréalaise. L’école primaire terminée, Damase Parizeau tente de se trouver un emploi à Boucherville malgré son maigre bagage scolaire. À l’âge de dix-huit ans, comme il ne trouve toujours pas de travail satisfaisant, il quitte la campagne pour la ville. À Montréal, “ne pouvant trouver de place dans le commerce, il se [décide] d’apprendre un métier.” Il se fait menuisier, puis est aussitôt engagé par la Société M. Wm. Henderson où il occupe le poste de commis. Toujours dans le commerce du bois, il passe chez Jordan & Benard’s en 1868. À trente ans, le commis en chef devient entrepreneur. Il s’associe à un dénommé T. Préfontaine pour démarrer son propre commerce du bois. Quatre ans plus tard, il est devenu seul maître à bord. Il est aussi, pendant un certain temps, président de la Société des menuisiers et charpentiers. C’est l’un “des commerçants les plus en vue de Montréal”. Devenu prospère, il achète une magnifique propriété à Boucherville. […] En plus de son commerce, Damase Parizeau cultive à Boucherville une ferme de cent arpents et y fait l’élevage des chevaux et des bestiaux. Il est président du comité d’agriculture du comté de Chambly. »

La maison Quintal-Quesnel, située au 386 du boulevard Marie-Victorin à Boucherville est « construite entre 1727 et 1750 par le fils du pionnier François Quintal, elle constitue à cette époque une modeste maison en pierre des champs d’un étage et demi. En 1844, elle est acquise par Frédéric-Auguste Quesnel. » Homme politique, grand propriétaire foncier et commerçant de fourrures, il la transforme en villa. Selon le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, « au XIXe siècle, sur l’ancien chemin du Roy qui longe le fleuve Saint-Laurent à Boucherville, de nombreux estivants se font construire des villas ou encore acquièrent des bâtiments qu’ils utilisent comme résidences d’été. Cette route riveraine était d’ailleurs dès la fin du XVIIIe siècle un lieu privilégié des villégiateurs montréalais appartenant pour la plupart à la bourgeoisie marchande. »

 

À son tour, Damase Parizeau l’achète en 1882 et la transforme entièrement en 1887 « dans l’esprit éclectique victorien en lui ajoutant un étage et deux galeries superposées en façade ainsi qu’un recouvrement de planches de bois verticales à couvre-joints, des ouvertures et une profusion d’ornements. » Marie-Andrée Amiot rapporte que « les murs sont en pierre, mais la maison a été recouverte de bois à la fin du 19e siècle » par Damase Parizeau, qui est marchand de bois. « Le futé M. Parizeau se servait de la maison comme vitrine pour son commerce. En plus de remplacer les combles par un étage pleine grandeur, il a doté la façade de détails dignes des somptueuses propriétés louisianaises. »

 

En 1976, elle est restaurée et classée monument historique. Elle est rénovée en 2016.

Photographie de la maison Quintal-Quesnel, ancienne résidence de Damase Parizeau, arrière-grand-père paternel de Jacques Parizeau. 2010.

Journal La Presse

Photographe Alain Roberge

Photographie de la plaque de la maison Quintal-Quesnel, ancienne résidence de Damase Parizeau, arrière-grand-père paternel de Jacques Parizeau.

Ville de Boucherville

Il participe à la fondation de la Chambre de commerce de Montréal et en assure la présidence de 1890 à 1891. Pierre Duchesne révèle que « dès le début du XXe siècle, “les fondateurs de la Chambre de commerce jugent que les Collèges classiques préparent mal à la carrière des affaires”. Damase Parizeau se fait particulièrement insistant auprès du conseil d’administration de la Chambre afin qu’elle travaille “dans la mesure de son influence à relever le niveau des études commerciales dans notre province”. Un comité est mis sur pied le 2 juin 1893 qui servira de bougie d’allumage à la longue réflexion qui mènera finalement, après de multiples péripéties, à la création de l’école des Hautes Études commerciales. Le 4 octobre 1910, trente-deux étudiants assistent aux premiers cours de ce qui deviendra les HEC, trois lettres de noblesse dans un univers de chiffres. »

 

Bien que fidèle au Parti libéral d’Honoré Mercier, Damase Parizeau choisit d’abandonner les libéraux à la suite du scandale de la baie des Chaleurs et de se présenter pour le Parti conservateur aux élections de 1892. Il est élu député conservateur dans Montréal no 3 en 1892. Durant le mandat, la population se retourne contre les conservateurs en raison de la pendaison de Louis Riel. Aux élections suivantes en 1897, il est défait et est perçu comme un traître par ses anciens amis libéraux. En 1900, il tente de nouveau sa chance aux élections fédérales comme candidat conservateur dans Chambly-Verchères, mais sans succès.

 

Gérard Parizeau rapporte les écrits de son père Télesphore sur son père Damase : « Mon pauvre père, qui avait su créer de toutes pièces, une jolie fortune, se trouvait dans une position financière fortement obérée. II s’était, depuis quelques années, malgré les avis effrayés de la bonne maman, laissé entraîner vers la politique provinciale. Élu député de Montréal une première fois, il succomba dans une deuxième épreuve, après quatre années d’un dur travail et d’un dévouement exemplaire à l’intérêt public. À l’encontre de bien d’autres, la politique ne l’avait pas enrichi. Il en sortait ruiné aux trois quarts ; sa farouche honnêteté ne lui permit jamais la moindre compromission. Les frais d’élections d’une part, les détournements de fonds d’un employé qui avait toute sa confiance, la clientèle un peu négligée au bénéfice des affaires publiques, tout cela fit petit à petit glisser à l’abime les ressources pécuniaires si bien établies. Le hideux fantôme de la ruine et du désastre se dressait peu à peu dans le sinistre brouillard d’un avenir prochain. »

 

En 1903, à 61 ans, Damase déclare faillite et doit vendre sa maison de Boucherville et déménage à Chambly. Il meurt le 23 octobre 1915, à Montréal.

Son arrière-grand-mère Marie-Geneviève Chartand

 

Marie-Geneviève Chartrand, naît le 15 août 1844 à Montréal. Elle est la fille d’Angélique Desnoyers et Jean-Baptiste Chartrand. Elle épouse Damase Parizeau le 11 janvier 1864 dans la paroisse Notre-Dame de Montréal. Le couple à six enfants : Télesphore, Marie-Louise, Henri, Damase, Joseph et Louis.

 


LES PARIZEAU
 

Photographie de Gérard Parizeau, père de Jacques Parizeau. 1927.

Université de Montréal

Fonds de la Division de la gestion de documents et des archives

Photographe Albert Dumas

Le médaillon représente Télesphore Parizeau, le grand-père de Jacques Parizeau.

Livre Joies et deuils d'une famille bourgeoise 1867-1961 de Gérard Parizeau. Éditions du Bien public. 1973.

Collection Dave Turcotte

Livre La vie studieuse et obstinée de Denis-Benjamin Viger de Gérard Parizeau. Fides. 1980.

Collection Dave Turcotte

Photographie de Jacques Parizeau en conversation avec son père Gérard Parizeau et Michel Bélanger. Vers 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Len Sidaway

Photographie de Germaine Biron, mère de Jacques Parizeau.

Prix Gérard-Parizeau

Photographie de Télesphore Parizeau, grand-père paternelle de Jacques Parizeau.

Fonds de l'Institut Armard-Frappier

Photographe Blank et Stoller inc.

Bronze à l'effigie de Télesphore Parizeau. 1892.

Musée national des Beaux-arts du Québec

Sculpteur Louis-Philippe Hébert

Photographie de Léa Bisaillon, grand-mère paternelle de Jacques Parizeau, entourée de ses enfants : Marcel, Germaine, Gérard (père de Jacques Parizeau) et Claire.

Collection privée

Photographe Télesphore Parizeau

Photographie de Damase Parizeau, arrière-grand-père paternelle de Jacques Parizeau. 1892.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe J. Douglas Borthwick

L'économiste

Laurence Richard souligne que lorsque Jacques Parizeau « revient au pays, les économistes francophones sont rares au Québec. […] “À cette époque-là — dans les années cinquante —, un francophone dans n’importe quel métier un peu complexe était considéré comme un incompétent, souligne Parizeau. Nous étions encore perçus comme des faibles d’esprit, dans ce milieu.” Jacques Parizeau, lui, pénètre sans difficulté les cercles anglophones. Il écoute avec étonnement les francophones qui se plaignent de discrimination. Il ne comprend pas ce qu’ils lui racontent. La clef de l’énigme lui est un jour donnée par un professeur d’économie anglophone qui lui dit : “Vous êtes passé par l’Angleterre. Comment voulez-vous qu’on considère que vous n’êtes pas l’un des nôtres ? Vous considérer moins bon que nous serait nous renier nous-mêmes !” »

 

Laurence Richard ajoute, « un doctorat de la London School of Economics, ça impressionne. Même dans les milieux anglophones, Jacques Parizeau ne passe pas pour un incompétent : “[…] quand je suis revenu d’Europe, je parlais le français avec un accent français et l’anglais avec un accent britannique. Dans les deux groupes ici, je passais pour un sacré snob !” »

 

 

 Professeur à l'École des hautes études commerciales de Montréal (HEC) 

 

À l’automne 1955, Jacques Parizeau devient professeur aux HEC et se voit confier alors le cours de commerce international. Il se spécialise dans les questions d’économie politique, d’administration publique et de commerce international.

 

Laurence Richard note que « François-Albert Angers lui offre un poste de professeur aux Hautes Études commerciales… pour 2500 $ par année. “J’avais un salaire inférieur à celui d’un journalier à Montréal”, dit Parizeau. Les professeurs d’université n’ont obtenu à peu près aucune hausse de salaire depuis de nombreuses années. Le premier ministre Duplessis, particulièrement, refusait d’augmenter leur salaire. “J’ai choisi un métier de crève-faim.” En apprenant la décision de son fils, Gérard Parizeau se prend la tête entre les mains et lui demande de quoi il va vivre. “Cette réaction paternelle m’a au moins décidé à ne vivre que de ma paye. Il y a beaucoup de gens qui s’imaginent que Parizeau, il est riche ! Je ne suis pas riche, moi. Je vis de ce que je gagne.” En effet, Jacques Parizeau, contrairement aux autres membres de sa famille, n’a pas de fortune personnelle. Il choisit donc le métier d’enseignant, malgré ses ingrates conditions de travail, et refuse même un emploi à la Banque de Paris, où on lui offre deux fois et demie son salaire de professeur. Enseigner l’économie à l’université, c’est ce qu’il a toujours voulu faire. »

 

Selon Wikipédia, « en plus de ses tâches d’enseignement et de recherche, en 1956-1957, Jacques Parizeau commence à donner des conférences à la radio, à la télévision et dans des événements publics. Suivant l’exemple de son mentor, il offre également son expertise à différentes entreprises et organismes, notamment la Confédération des syndicats nationaux (CSN). À la suite d’un stage à l’Université Queen’s à Kingston, en 1958, il est embauché à la Banque du Canada. Malgré son doctorat de la LSE, Jacques Parizeau se bute à la résistance de ses supérieurs canadiens-anglais. La direction le relègue alors à un poste subalterne : celui de traducteur des rapports annuels de l’institution. Reflet du mépris envers les francophones, à la même époque, le plus haut placé des francophones dans la hiérarchie de la Banque du Canada était le gérant des bâtiments. »

 

Laurence Richard précise qu’en 1963, « Parizeau retourne travailler au Canada anglais, cette fois-ci pour la Commission Porter sur le système bancaire et financier. Tous les services de recherche de cette commission se trouvent à Toronto. Parizeau y prépare une étude sur l’administration de la dette fédérale. C’est un sujet — les questions monétaires et bancaires — sur lequel il a déjà travaillé avec François-Albert Angers : “La connaissance de l’administration de la dette publique que j’ai acquise à ce moment-là, dit Parizeau, m’a servi toute ma vie. J’ai passé six mois à n’étudier que cette question.” Malheureusement, il ne peut pas publier les résultats de son étude. La Banque du Canada a accepté de lui fournir la totalité de ses données sur ses opérations au jour le jour, à la condition qu’il s’engage à tout détruire une fois les travaux terminés et que la mention “secret” figure sur toutes les pages du rapport présenté à la Commission Porter. »

 

De 1955 à 1961, il est secrétaire général de la rédaction de la revue L’Actualité économique, revue du département précédemment dirigée par François-Albert Angers. Fait inusité, cette revue est fondée par son père Gérard Parizeau, trente ans auparavant. Selon Graham Fraser, après le Canadian Journal of Economies and Political Science, c’est « la plus importante revue d’économie au pays ».

 

Au final, Jacques Parizeau est professeur aux HEC de 1955 à 1976 et de 1985 à 1989. Il agit aussi à titre de directeur de l’Institut d’économie appliquée de cette école de 1973 à 1975.

Le 14 novembre 2023, la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques est inauguré à HEC Montréal. Le site Internet de la Chaire informe qu'elle a « pour mission d’analyser avec la plus grande rigueur académique plusieurs grands défis économiques auxquels le Québec est confronté.

Pour ce faire, la Chaire veut :

  • Enrichir les débats politiques et aider les décideurs publics avec des travaux d’une rigueur académique irréprochable;

  • Étudier les phénomènes ayant un impact majeur sur notre capacité à augmenter la productivité et la prospérité du Québec;

  • Renforcer les compétences de HEC Montréal en politiques économiques;

  • Rejoindre, inspirer et intéresser les étudiants et professeurs aux questions de politiques économiques touchant le Québec. »

Economiste


L'ÉCONOMISTE
 

Photographie de Jacques Parizeau. Entre 1961 et 1969.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de la façade du premier immeuble de l’École des hautes études commerciales de Montréal, rue Viger. Vers 1955.

HEC Montréal

Fonds Directorat

Photographie de la bibliothèque de l’École des hautes études commerciales de Montréal, rue Viger. Vers 1960.

HEC Montréal

Fonds Bibliothèque HEC Montréal

En 1893, l'homme d'affaires Damase Parizeau, arrière-grand-père de Jacques Parizeau, souligne devant la Chambre de commerce du district de Montréal, l'importance de relever le niveau de l'enseignement commercial. (Voir haut du panneau : texte et photographie de Damase Parizeau).

Photographie du panneau rappelant la création de l’École des hautes études commerciales de Montréal. 2024.

Collection Dave Turcotte

En 1907, l’École des hautes études commerciales de Montréal est fondée. Elle loge sur la rue Viger jusqu’en 1970. Le bâtiment est maintenant occupé par les Archives nationales du Québec, où se trouve notamment le fonds Jacques Parizeau.

Photographies de l'ancienne bibliothèque de l’École des hautes études commerciales de Montréal, aujourd'hui cœur des Archives nationales du Québec. 2024.

Collection Dave Turcotte

Le conseiller

 Conseiller économique et financier du premier ministre et du Conseil des ministres de 1961 à 1969 

 

Le 22 juin 1960, le Parti libéral dirigé par Jean Lesage est porté au pouvoir. Il met ainsi fin à un long règne de l’Union nationale tour à tour dirigé par Maurice Duplessis (1944-1959), Paul Sauvé (1959-1960) et Antonio Barette (1960). Avec son équipe du tonnerre, le nouveau gouvernement élu entame une série de réformes. C’est le début de la Révolution tranquille.

 

Laurence Richard affirme que « Jacques Parizeau ne peut demeurer longtemps à l’écart de la grande vague de la Révolution tranquille qui, dans tous les domaines, submerge le Québec au cours des années soixante. Il décide d’en être un artisan dans les domaines où il excelle : l’économie et les finances publiques. L’année 1961 est pour lui l’année charnière qui détermine une nouvelle orientation non seulement pour sa carrière, mais pour sa vie. »

 

Selon Wikipédia, « dans la foulée de ces transformations administratives, sociales, économiques, politiques et culturelles, en avril 1961, Jacques Parizeau est recruté par Roland Parenteau, un collègue des HEC, pour intégrer le Conseil d’orientation économique (COE). Cette entrée dans ce groupe de hauts fonctionnaires est un tournant majeur dans la carrière de Jacques Parizeau. Alors inconnu de tous, sauf de ses étudiants, le jeune professeur des HEC se retrouve soudain avec un accès rapide aux multiples couloirs du pouvoir politique. Il devient membre de divers comités produisant des rapports et des mémos, dans le but d’aider le premier ministre Jean Lesage à préparer ses réformes. »

Conseiller

Photographie de Jean Marchand, René Lévesque et Roland Parenteau lors du colloque de l'Institut d'économie appliquée. 1963.

HEC Montréal

Fonds Secrétariat général

Laurence Richard précise que Jacques Parizeau avait précédemment eu un mandat en 1960, sous le gouvernement d’Antonio Barrette, pour collaborer « à la préparation d’un Code du travail. Cette étude à laquelle participent un nombre égal de représentants du patronat et des syndicats et d’universitaires ne sera terminée que sous le gouvernement Lesage. Quant au Code du travail rédigé à partir de cette étude, il n’entrera en vigueur qu’en 1964, après bien des rebondissements et des luttes syndicales. »

Antonio Barrette est candidat conservateur défait dans Joliette en 1935. Il est élu député de l'Union nationale dans la même circonscription en 1936 et réélu en 1939, en 1944, en 1948, en 1952, en 1956 et en 1960. Il est ministre du Travail du 30 août 1944 au 8 janvier 1960 dans les cabinets Duplessis et Sauvé. Il est choisi chef de l'Union nationale le 8 janvier 1960. Il est premier ministre, président du Conseil exécutif et ministre du Travail du 8 janvier au 5 juillet 1960. Il démissionne comme député et chef de l'Union nationale le 15 septembre 1960. Il est ambassadeur du Canada en Grèce du 4 avril 1963 au 12 juillet 1966.

Photographie du nouveau premier ministre Antonio Barrette. Journal La Presse. 6 février 1960.

Collection Dave Turcotte

Nationalisation de l’hydroélectricité

 

Laurence Richard raconte qu’un « dimanche après-midi de 1961, René Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles du Québec, téléphone à Jacques Parizeau, professeur d’économie aux HEC. Parizeau n’a rencontré Lévesque que deux fois, à son émission Point de mire, à laquelle il a été invité.

“Pensez-vous qu’on peut nationaliser les compagnies d’électricité ? Demande Lévesque à Parizeau.

— Je n’en ai pas la moindre idée. Il faudrait voir le dossier, répond Parizeau.

— Venez chez moi. J’ai le dossier.”

Lévesque réside rue Woodbury, tout à côté de la rue Robert où habite Parizeau, près de l’Université de Montréal. Celui-ci se rend à pied chez le ministre, qu’il trouve installé derrière une pile de feuilles.

“Voilà le dossier, dit Lévesque.

— J’ai combien de temps pour l’étudier ? demande Parizeau.

— Prenez tout votre temps.

— Oui, mais encore ?

— Trois, quatre jours.”

C’est ainsi que s’amorce une nouvelle carrière pour Jacques Parizeau : conseiller du gouvernement du Québec. »

 

Selon Wikipédia, « à cette époque, le territoire québécois était desservi en électricité par onze entreprises privées. Ces entreprises étaient contrôlées par un syndicat financier canadien-anglais, dominé par la firme de courtage A. E. Ames & Sons, la Bank of Montreal et la compagnie d’assurances Sun Life. Malgré une étatisation partielle du secteur de l’électricité en 1944 par le gouvernement d’Adélard Godbout (avec la création d’Hydro-Québec), ces entreprises d’électricité demeuraient tout à fait hostiles à l’intervention de l’État. Ceci avait pour conséquence de maintenir en place des structures de prix favorisant les grandes entreprises canadiennes-anglaises ou étrangères, au détriment des ménages et des petites et moyennes entreprises québécoises, et de donner au syndicat financier de la rue Saint-Jacques un pouvoir écrasant sur les choix politiques et économiques du Québec. »

 

« Au cours des années 1930, la grogne se fait entendre dans la population. Les tarifs abusifs des compagnies ainsi que l'augmentation incessante de leurs profits sont deux sujets qui attisent l'hostilité de la population. En 1934, le gouvernement Taschereau crée la Commission Lapointe. Dans son rapport elle condamne les abus des compagnies sans pour autant se prononcer en faveur d'une nationalisation. Elle se contente de proposer la création par l'État d'un organisme de contrôle ayant autorité sur les compagnies. Les problèmes persistent encore une bonne dizaine d'années avant que le gouvernement Godbout ne nationalise finalement la Montreal Light, Heat and Power Company, le 14 avril 1944. Une nouvelle société d'État, Hydro-Québec, prend alors la relève sur l'île de Montréal. » - Chaîne du Québec

Casque de protection d'Hydro-Québec.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard explique qu’assisté « par trois jeunes professeurs de comptabilité de l’École des hautes études commerciales, Parizeau prépare l’évaluation du coût des actions à payer à chacune des compagnies d’électricité qu’on s’apprête à nationaliser. La petite équipe calcule un coût de trois cents millions de dollars pour la nationalisation. L’étude, chiffres à l’appui, n’a pas coûté bien cher. Les trois jeunes des HEC sont à peine rémunérés pour ce travail. Quant à Parizeau, le total de ses honoraires s’élève à 900 dollars. Le gouvernement du Québec, peu expérimenté dans le domaine, sent le besoin de se faire rassurer. Une nouvelle évaluation est commandée à une grande maison de courtage new-yorkaise. Celle-ci vérifie les chiffres de Parizeau et confirme leur exactitude. Mais, bien entendu, la facture de la maison américaine est très élevée. Cette anecdote constitue selon Parizeau un bon exemple de l’esprit qui règne dans le Québec d’alors : les Québécois ne se font pas confiance. L’évaluation “locale” s’est pourtant avérée juste, à un dollar près ! C’est donc armé des chiffres de Parizeau que René Lévesque, en 1962, affronte la réunion décisive du Lac-à-l’Épaule, au cours de laquelle il convainc le premier ministre, Jean Lesage, et les autres libéraux de la pertinence de la nationalisation de l’électricité. »

 

La nationalisation de l’hydroélectricité devient aussitôt un enjeu politique important. Le 19 septembre 1962, Jean Lesage déclenche des élections anticipées sur la question. Plusieurs considèrent ce scrutin comme une élection-référendaire sur la nationalisation de l’hydroélectricité au Québec. Le 14 novembre 1962, le Parti libéral de Jean Lesage est réélu avec un plus grand nombre de députés : 63 sièges sur 95 et 56,40 % des voix.

La une du journal électoral du Parti libéral du Québec. 1962.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard relate que « le 21 novembre 1962, une semaine après l’élection qui a réélu les libéraux sur le thème de la nationalisation, il envoie à New York une délégation composée de Roland Giroux, de Michel Bélanger et de Jacques Parizeau. Giroux, président de la maison de courtage Beaubien-Lévesque, est le seul à être familier avec la haute finance. Beaucoup plus âgé que les autres, il est pour l’équipe à la fois le vieux sage et le grand expert. Quant à Parizeau et Bélanger, ils ne connaissent à peu près rien dans ce domaine, mais ils sont bien décidés à s’instruire aussi vite qu’il le faudra. Giroux les entraîne chez un concurrent de Ames, la maison de courtage Halsey Stuart, qui depuis longtemps souhaitait faire partie du syndicat financier québécois. Jacques Parizeau explique d’abord aux dirigeants de la maison de courtage les raisons pour lesquelles le gouvernement québécois est taxé de “socialiste”, et il leur expose les arguments en faveur de la nationalisation des compagnies d’électricité absolument indispensable, souligne-t-il. Il parle depuis quelques minutes à peine quand l’un des financiers l’interrompt : “P’tit gars, vous n’êtes pas exactement en avance. Les Ontariens ont fait ça en 1907. De combien avez-vous besoin ?” Parizeau avance un montant qui reçoit l’assentiment immédiat de ses interlocuteurs. Une entente est conclue sans délai. Et les trois “négociateurs” québécois se retrouvent dans Madison Avenue, vingt-cinq minutes après leur arrivée timide à la banque. […]

 

Par ailleurs, jamais auparavant les Américains n’ont prêté une telle somme à l’extérieur de leurs frontières. Et ils rompent avec cette tradition au profit de fonctionnaires d’un État francophone que toute l’aristocratie financière du Québec anglophone traite de “nationalistes”, de “socialistes” et de “bureaucrates hostiles à l’entreprise privée”. Selon André Marier, l’un des artisans importants de la Révolution tranquille, cette transaction réussie à New York a “brisé, une fois pour toutes, l’assujettissement du gouvernement québécois à un syndicat financier anglo-canadien qui veillait davantage aux intérêts de l’establishment de Montréal qu’à ceux de la population québécoise”. »

Jean Lesage

 

Laurence Richard croit que « La nationalisation de l’hydro-électricité a été l’un des détonateurs de la Révolution tranquille et a suscité la création d’autres sociétés d’État. René Lévesque prépare à cette époque la mise en place de la Société générale de financement (SGF) et d’une société de sidérurgie qui deviendra Sidbec ; il a recours aux services de quelques collaborateurs, dont Jacques Parizeau, qui travaille toujours à contrat. Le jeune économiste a beaucoup de clients au gouvernement du Québec : tantôt Paul Gérin-Lajoie, à l’Éducation, tantôt le ministère des Finances, tantôt René Lévesque, tantôt le Conseil d’orientation économique. Finalement, il passe des semaines entières à Québec. “C’est un peu bête, lui dit Lesage. Pourquoi ne venez-vous pas travailler avec nous, à plein temps ?” Il propose à Jacques Parizeau de devenir son conseiller et de jouer le même rôle auprès du Conseil des ministres. »

 

Laurence Richard ajoute que « Lesage initie donc son jeune conseiller aux mystères des finances et de l’administration gouvernementale. “Lévesque était plein d’idées, plein de dynamisme, mais il n’avait pas comme Lesage le sens de la gestion publique. Dans ce sens-là, Lesage nous a ‘élevés’, reconnaît Parizeau. Pendant la dernière année, Lesage, même si on l’accusait d’être arrogant, n’avait jamais aussi bien administré le gouvernement du Québec. C’était de toute beauté !” Les relations de Lesage avec Parizeau sont cordiales, mais le premier ministre évite de trop se rapprocher. “Lesage, dit Parizeau, était un homme distant. On n’était jamais, avec lui, ‘one of the boys’. En un certain sens, si je suis comme je suis aujourd’hui, c’est probablement à cause de cette époque. En politique, il faut montrer de l’intérêt, un peu de chaleur humaine et garder ses distances.” Dans l’exercice de ses fonctions de technocrate, Jacques Parizeau croit avoir influencé certaines décisions de Jean Lesage. »

 

Jean Lesage est élu député libéral à la Chambre des communes dans Montmagny-L'Islet en 1945 et est réélu en 1949, en 1953, en 1957 et en 1958. Il est adjoint parlementaire au secrétaire d'État aux Affaires extérieures du 24 janvier 1951 au 31 décembre 1952 et au ministre des Finances du 1er janvier au 13 juin 1953. Il est ministre des Ressources et du Développement économique dans le cabinet Saint-Laurent du 17 septembre au 15 décembre 1953, puis ministre du Nord canadien et des Ressources nationales du 16 décembre 1953 au 21 juin 1957. Il démissionne le 13 juin 1958, à la suite de son élection à la direction du Parti libéral du Québec le 31 mai 1958.

Il est élu député libéral dans Québec-Ouest en 1960 et est réélu en 1962 et dans Louis-Hébert en 1966. Il est premier ministre, président du Conseil exécutif et ministre des Finances du 5 juillet 1960 au 16 juin 1966. Il est ministre des Affaires fédérales-provinciales du 28 mars 1961 au 16 juin 1966 et ministre du Revenu du 30 mai au 8 août 1963. Il est chef de l'opposition de 1966 à 1970. Il fait part de sa décision d'abandonner le poste de chef du Parti libéral le 28 août 1969 et demeure en fonction jusqu'au congrès du leadership en janvier 1970. Il ne se représente pas en 1970.

Photographie de Jean Lesage exerçant son droit de vote. 1960.

Collection Alain Lavigne

Fonds Photo moderne

Carte professionnelle du premier ministre Jean Lesage. Entre 1960 et 1966.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Commission Parent

 

Selon Wikipédia, « l’une des premières réformes auxquelles Jacques Parizeau participe est celle du système d’éducation. En 1962, un recensement du taux de scolarité au Québec indique que 54 % des adultes de plus de 25 ans n’ont pas dépassé la 6e année du primaire. Ce constat lourd amène Paul Gérin-Lajoie à prendre rapidement des mesures pour transformer le système d’éducation québécois. Ainsi, dès novembre 1961, Jacques Parizeau est délégué comme consultant économique pour la Commission Parent. Épaulé par une équipe de chercheurs des HEC, il réalise des études sur le coût de l’éducation à tous les niveaux. Ces études contribueront, avec d’autres, à la mise en place d’un ministère de l’Éducation. »

 

Monseigneur Alphonse-Marie Parent est vice-recteur de 1949 à 1954 puis recteur jusqu'en 1960 de l'Université Laval et président de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec de 1961 à 1966.

Photographie de Monseigneur Alphonse-Marie Parent. 1953.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Gabriel (Gaby) Desmarais

Volumes 1, 2, 3, 4 et 5 du rapport Parent. 1966.

Collection Dave Turcotte

Société générale de financement

 

Wikipédia rapporte que « dès octobre 1961, Jacques Parizeau participe également à la mise en place de la Société générale de financement (SGF) : une société d’État mixte, dirigée par un conseil d’administration québécois francophone […], offrant des fonds aux entreprises en manque de capitaux et participant à la gestion de ces entreprises par le biais de leur capital-actions. Créée [le 26 juin] 1962, celle-ci a pour premier mandat d’établir une industrie sidérurgique d’État — Sidbec — au Québec dans le but de mettre fin au monopole de l’acier basé en Ontario. Si le projet de sidérurgie n’a pas le succès escompté à cause de la résistance des milieux financiers anglophones, la création de la SGF permet toutefois à Jacques Parizeau de mieux comprendre les forces et les influences qui s’opposent à la création de sociétés d’État québécoises. »

 

Jacques Parizeau a aussi participé à l’élaboration et à la mise en place de la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM) en 1965. Jacques Parizeau est membre des conseils d’administration de la Société générale de financement et de la SOQUEM de leur création jusqu’en 1969. Laurence Richard précise qu’au conseil d’administration de la SGF, « Parizeau agit à titre d’administrateur, mais également en tant qu’agent de liaison pour vérifier de quelle façon l’action qui se passait-là était compatible avec les actions qui se déroulaient ailleurs ».

 

Caisse de dépôt et placement du Québec

 

Selon Wikipédia, « l’expérience de la nationalisation de l’hydroélectricité est déterminante pour Jacques Parizeau. Celle-ci le motive à trouver une façon de libérer l’État québécois de l’emprise du syndicat financier canadien-anglais. En fouillant dans les dossiers du ministère des Finances, Jacques Parizeau découvre une série de fonds dispersés dans les comptes publics de l’État. Ces divers fonds (tels que le fonds des mariages protestants et le fonds de la Curatelle publique), pris séparément, n’avaient aucun impact significatif sur l’économie. Toutefois, en calculant leur total, Jacques Parizeau est frappé par une idée originale : s’ils étaient regroupés, ces fonds pourraient constituer une masse critique de capitaux à investir. Cette masse permettrait au gouvernement du Québec d’acheter lui-même des obligations, de s’activer sur le marché financier et d’ainsi orienter le développement économique en fonction des intérêts du Québec francophone. Le tout pourrait être géré par une “caisse centrale de l’État […] rattachée administrativement au ministère des Finances”. Ce raisonnement de Parizeau sera à l’origine de l’une des créations majeures de la Révolution tranquille : la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). »

 

La CDPQ est créée en juillet 1965 et lance ses opérations en janvier-février 1966. Jacques Parizeau est membre de son conseil d’administration de sa création jusqu’en 1969.

 

Laurence Richard souligne que « dans son discours du 9 juin 1965, Jean Lesage affirme : “La Caisse de dépôt et placement est appelée à devenir l’instrument financier le plus important et le plus puissant que l’on ait eu jusqu’ici au Québec.” Il ne se trompe pas. Plus tard, sorti de l’arène politique, le père de la Révolution tranquille affirmera que la création de la Caisse fut “le plus grand service” qu’il ait rendu au Québec ! En décembre 1969, quand on lui demande de citer une mesure qui a remis en question l’empire politico-économique de la minorité anglophone au Québec, René Lévesque répond sans hésiter : “La Caisse de dépôt.” »

 

Régie des rentes du Québec

 

Wikipédia note qu’en « en mars 1963, le gouvernement de Jean Lesage songe à créer un régime public des rentes, géré par le gouvernement du Québec. Cette même idée est reprise par Lester B. Pearson, mais gérée par le gouvernement du Canada pour toutes les provinces. La gestion des fonds de retraite étant de compétence provinciale, le gouvernement Lesage s’oppose au projet du gouvernement Pearson.

 

Souhaitant que le contrôle et le placement de l’argent au Québec demeurent l’affaire de l’État québécois, Lesage décide de combiner le projet de régime public des rentes à l’idée du regroupement de fonds trouvée par Jacques Parizeau : en plaçant sur le marché les fonds regroupés, c’est-à-dire en les investissant dans l’économie québécoise, ces sommes permettraient de stimuler le développement économique tout en faisant fructifier les épargnes des futurs retraités.

 

Ce projet de régime capitalisé est présenté dans un geste d’éclat par Jean Lesage, lors d’une conférence fédérale-provinciale en mars 1964. Prenant de court le gouvernement fédéral […], ce dernier concède au Québec le droit de créer son propre régime public. C’est ainsi que naît une deuxième institution phare de la Révolution tranquille, la Régie des rentes du Québec (RRQ). »

 

La RRQ est aussi créée en juillet 1965 et commence ses activités en janvier-février 1966.

 

Daniel Johnson (père)

 

Le 18 avril 1966, Jean Lesage déclenche des élections. « À la surprise générale, l’Union nationale est portée au pouvoir, renvoyant l’équipe du tonnerre de Jean Lesage dans l’opposition. Craignant à un retour à la Grande noirceur duplessiste, le nouveau premier ministre Daniel Johnson crée la surprise en annonçant qu’il compte poursuivre les réformes de ses prédécesseurs, et en conservant les “technocrates sans âme” recrutés par Jean Lesage. Malgré ce changement de gouvernement, Jacques Parizeau continue ainsi à conseiller le premier ministre du Québec. » - Wikipédia.

 

Laurence Richard explique que « Jean Lesage ne perd pas confiance : “Je verrai, au poste que j’occuperai temporairement à partir de demain, à ce que la Révolution tranquille se poursuive”, affirme-t-il. Lesage joue de son influence auprès de Parizeau et de ses collègues […] pour les persuader d’assurer la continuité de l’État. Il intervient personnellement auprès de Jacques Parizeau : “C’était une scène extraordinaire, raconte Parizeau. Du grand Lesage. Il vient d’être battu. Et pourtant, il nous demande à nous, les membres de son bureau technique de préparer, en deux exemplaires, tous les dossiers, pour les remettre à Johnson. Il veut que son successeur sache exactement où le gouvernement en est rendu sur le plan des négociations collectives et en ce qui concerne chacune des sociétés d’État, créées ou qui restent à créer. Il désire également lui remettre un compte rendu sur les relations fédérales-provinciales, sur la constitution, sur les finances et sur l’économie.”

 

Jacques Parizeau et Claude Morin se hâtent de préparer ces rapports et ils les confient à Jean Lesage. Le dernier jour du “règne” de Lesage, celui-ci rend visite à ses collaborateurs, dans leurs bureaux respectifs. Jean Lesage déclare à Parizeau […] : “Si le premier ministre veut accepter vos services, je compte que vous vous mettiez à sa disposition. C’est votre devoir.” Parizeau est ébranlé : “Quand le patron n’est jamais entré dans votre bureau et qu’il y pénètre seulement pour vous serrer la main et vous dire cela, c’est tout un choc.”

 

Lorsque Daniel Johnson entre en fonction, le jeune fonctionnaire Parizeau lui présente sa démission, en souhaitant qu’elle soit refusée. Tous les rapports de Parizeau et de Morin sont étalés sur le bureau de Johnson. Il leur dit à tous les deux qu’il lira les rapports et leur dira ensuite s’il accepte leurs démissions. Une semaine plus tard, Johnson convoque Parizeau et Morin : “J’ai lu tous les rapports et je vous demande à tous de rester”, dit-il. »

 

Laurence Richard soumet qu’entre « Johnson et Parizeau, les relations sont excellentes. Parizeau affirme avoir eu avec Johnson les mêmes rapports de confiance qu’avec Lesage, le même intérêt pour son travail : “C’étaient deux hommes très différents. Lesage était un être rationnel, remarquablement organisé, pragmatique. Johnson était intuitif et brouillon.” Ce qui avait peu d’importance parce que Lesage avait appris à ses conseillers à travailler. Avoir un patron un peu effervescent et intuitif ne constituait pas un problème parce que la machine était en place. Sous l’administration Johnson, en 1967-1968, Jacques Parizeau prépare les stratégies des conférences fédérales-provinciales sur le partage fiscal et les programmes conjoints et s’occupe des négociations collectives, tout comme au temps de Lesage. Il met aussi le nez dans à peu près tous les dossiers quotidiens à court comme à long terme et est l’un des premiers conseillers du premier ministre Johnson ».

 

Daniel Johnson (père) est élu député de l'Union nationale dans Bagot à l'élection partielle du 18 décembre 1946 et réélu en 1948, en 1952, en 1956, en 1960, en 1962 et en 1966. Il est adjoint parlementaire au président du Conseil exécutif du 1er janvier au 15 décembre 1955. Il est orateur suppléant du 15 décembre 1955 au 30 avril 1958. Il est ministre des Ressources hydrauliques dans les cabinets Duplessis, Sauvé et Barrette du 30 avril 1958 au 5 juillet 1960. Il est élu chef de l'Union nationale le 23 septembre 1961. Il est chef de l'opposition à l'Assemblée législative de 1961 à 1966. Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 16 juin 1966 au 26 septembre 1968. Il est ministre des Richesses naturelles du 16 juin 1966 au 31 octobre 1967, des Affaires fédérales-provinciales du 16 juin 1966 au 26 avril 1967 et des Affaires intergouvernementales du 26 avril 1967 au 26 septembre 1968. Il décède en fonction au barrage Manic-5, le 26 septembre 1968, à l'âge de 53 ans et 5 mois.

Bas-relief en plâtre à la mémoire de Daniel Johnson à la suite de son décès en fonction.

Collection Dave Turcotte

Sculpteur D. F. Allard

Politique salariale de l’État québécois

 

Laurence Richard affirme que « le premier ministre Lesage confie à Jacques Parizeau la tâche d’uniformiser et de traduire en chiffres précis les salaires et les conditions de travail des divers membres de la fonction publique. À son arrivée au pouvoir, Daniel Johnson renouvelle le mandat de Parizeau. Celui-ci s’attelle à cette formidable tâche qui mènera à l’adoption de la loi 25 établissant des échelles de salaires uniformes pour tous les enseignants du Québec, en fonction des années de scolarité et d’expérience. Le même processus est suivi pour les hôpitaux et la fonction publique. La rationalisation des conditions de travail et la centralisation des négociations dans les secteurs public et parapublic sous les gouvernements Lesage et Johnson constituent des facteurs importants de consolidation de l’État québécois. Ce sont des réalisations majeures de la Révolution tranquille largement imputables à Jacques Parizeau. »

 

La première politique salariale de l’État québécois est mise en application à la suite de grèves générales importantes dans le secteur hospitalier en juillet 1966, dans le secteur de l’enseignement en janvier et février 1967, et au sein de la Régie des alcools du Québec en octobre 1968.

 

Jean-Jacques Bertrand

 

Laurence Richard prétend que « Jacques Parizeau voit d’un autre œil la venue de Jean-Jacques Bertrand, qui remplace Johnson après sa mort en 1968 : “Avec lui commence la fin de la Révolution tranquille.” Parizeau travaille très peu de temps avec Bertrand. De toute façon, le congé non rémunéré que lui avait accordé l’École des hautes études commerciales s’achève. »

 

Jean-Jacques Bertrand est élu député de l'Union nationale dans Missisquoi en 1948 et réélu en 1952, en 1956, en 1960, en 1962, en 1966 et en 1970. Il est nommé adjoint parlementaire au ministre des Terres et Forêts et au ministre des Ressources hydrauliques le 17 décembre 1954. Il est ministre des Terres et Forêts dans les cabinets Duplessis et Sauvé du 30 avril 1958 au 8 janvier 1960. Il est ministre de la Jeunesse et ministre du Bien-être social dans le cabinet Barrette du 8 janvier au 5 juillet 1960. Il est candidat défait à la direction de l'Union nationale en 1961. Il est nommé vice-président du Conseil exécutif le 17 juin 1966. Il est ministre de l'Éducation dans le cabinet Johnson du 16 juin 1966 au 31 octobre 1967 et ministre de la Justice dans le même cabinet du 16 juin 1966 au 2 octobre 1968. Il est nommé chef intérimaire de l'Union nationale le 2 octobre 1968, à la suite du décès du premier ministre Daniel Johnson. Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 2 octobre 1968 au 12 mai 1970. Il est ministre de la Justice et ministre des Affaires intergouvernementales du 2 octobre 1968 au 23 juillet 1969. Il est ministre des Finances du 18 au 23 juillet 1969. Il est confirmé chef permanent de l'Union nationale à l'issue du congrès de son parti tenu le 21 juin 1969. Il est chef de l'opposition officielle du 12 mai 1970 au 19 juin 1971.

Photographie du nouveau premier ministre Jean-Jacques Bertrand. Journal Perspectives, page 22. 23 novembre 1968.

Collection Dave Turcotte

Commission Parizeau

 

De 1966 à 1969, Jacques Parizeau est président du comité d’étude sur les institutions financières qui aura comme surnom la « Commission Parizeau ». Selon Wikipédia, « en mars 1967, la “Commission Parizeau” propose un programme d’assurance-dépôts et un service central d’inspection et de contrôle des institutions financières. Dans son rapport final, elle recommande également de créer une agence de protection du consommateur et de simplifier le cadre juridique des institutions financières en permettant aux compagnies d’assurances, aux fiducies et à toutes les sociétés financières de faire concurrence aux banques sur leur propre terrain. »

 

Laurence Richard précise que « le 9 août 1969, Jacques Parizeau publie un rapport sur les institutions financières qu’il a mis deux ans à préparer avec son équipe. Il décrit sa vision des marchés financiers du Québec, en donnant à la Caisse de dépôt toute son importance. Pour l’instant, ce rapport reste lettre morte, mais ce n’est que partie remise. Dès sa nomination comme ministre des Institutions financières en 1981, Jacques Parizeau le sortira des boules à mites et commencera à le mettre en application. Ce rapport aura une influence considérable non seulement sur les institutions financières du Québec, mais aussi sur celles du Canada. Des années plus tard, le président de l’Association des banquiers, Bob McIntosh, déclarera que “le rapport Parizeau est en train de s’implanter partout au Canada et [que] c’est devenu un modèle.” »

 

Son mandat terminé, Jacques Parizeau peut se consacrer à son nouvel objectif : l’indépendance du Québec. Dès octobre 1969, il passe de l’ombre à la lumière et fait le saut en politique active. À terme, Jacques Parizeau est conseiller économique et financier du premier ministre (Jean Lesage, Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand) et du Conseil des ministres de 1961 à 1969.

 


LE CONSEILLER
 

Photographie de Jacques Parizeau à son bureau de travail. Décembre 1965.

Collection Alain Lavigne

Fonds Photo Moderne

La une du journal libéral La Réforme. Juillet 1960.

Collection Dave Turcotte

Photographie du premier ministre Jean Lesage et de Jacques Parizeau. Vers 1962.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de Jacques Parizeau.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Jacques Parizeau en escale avec Daniel Johnson à Montréal. Ce dernier doit écourter sa présence à une conférence annuelle des premiers ministres provinciaux tenue à Toronto pour présider une réunion des membres de son cabinet en rapport avec le conflit hospitalier.
 

Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. 1er août 1966.

Collection Claude Bouchard

Courtoisie des éditions du Septentrion

Daniel Johnson à son arrivée à Québec pour présider une réunion d'urgence du Conseil des ministres en rapport avec le conflit hospitalier.

Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. 1er août 1966.

Collection Assemblée nationale du Québec 

Photographe Photo moderne enrg

Jacques Parizeau à Paris, en coulisses d’un déjeuner officiel entre le premier ministre français Georges Pompidou et son homologue québécois Daniel Johnson.

Photographie du premier ministre Daniel Johnson et de Jacques Parizeau. Mai 1967.

Collection Claude Bouchard

Courtoisie des éditions du Septentrion

Photographies de Jacques Parizeau avec des dignitaires. Vers 1967.

Collection Stéphane Thibault


Sidérurgie
 

Notes manuscrites de Jacques Parizeau sur l’industrie sidérurgique dans la province de Québec.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Lettre de David Robillard, sous-ministre suppléant au ministère des Finances, adressée à Jacques Parizeau. 30 janvier 1963.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Lettre de Cyrille Dufresne, directeur-adjoint du Comité de sidérurgie, adressée à Jacques Parizeau. 20 septembre 1963.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Lettre de Patrick R. Hyndman, conseiller économique de la Délégation générale du Québec à Paris, adressée à Jacques Parizeau. 21 septembre 1963.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Lettre de Gérard Filion, directeur général de la Société générale de financement, adressée à Jacques Parizeau. 22 octobre 1964.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Entrevue de Jacques Parizeau sur la Révolution tranquille dans le journal La Presse. 23 juin 1985.

Collection Dave Turcotte

Candidat

Le candidat

Bien avant de s’impliquer ouvertement en politique, Jacques Parizeau s’y intéresse lors de sa jeunesse. Laurence Richard raconte que la « mère de Jacques Parizeau s’intéresse beaucoup à la politique : “Ma femme, écrit Gérard Parizeau, s’intéressait tellement à la politique que, la veille d’une élection, elle ramassait des cartons des feuilles de papier, des crayons, et, devant la radio, elle notait tous les résultats. Elle en parlait au fur et à mesure que la soirée avançait… Jacques s’y intéressait beaucoup. C’était l’aspect théorique de la politique qui l’intéressait.” Politisée, mais peu encline à s’engager en faveur d’un parti, Germaine Parizeau prend finalement ses distances avec Thérèse Casgrain, à cause de ses prises de position au sein du Parti social démocratique. »

 

Laurence Richard avance qu’un an après son entrée aux HEC, Jacques Parizeau « milite pour le Parti communiste. Ses premières interventions politiques datent de cette époque : “Je n’avais pas l’âge d’appartenir à une cellule du Parti communiste, raconte Parizeau. Il y avait plusieurs cellules qui fonctionnaient en 1948, trois ans après la guerre. N’importe qui ayant un peu de cœur au ventre, dans ce temps-là, était dans la mouvance du Parti communiste. Surtout chez les jeunes. Mes premiers travaux d’économie, je les ai réalisés pour le Parti communiste.” »

 

Laurence Richard précise qu’au « bout de quelque temps, Parizeau prend ses distances du Parti communiste. Il découvre par contre chez une amie de sa mère, Thérèse Casgrain, des préoccupations d’ordre social complètement étrangères à celles des Québécois de cette époque duplessiste. […] Les contacts entre le jeune Jacques et Thérèse Casgrain s’établissent d’autant plus facilement qu’à part sa mère, elle est la seule femme à l’avoir tenu sur ses genoux ! Thérèse passe d’ailleurs ses vacances à Saint-Irénée, dans Charlevoix, tout près de la maison des Parizeau : “Moi, tout naturellement, je suivais madame Casgrain, raconte Jacques Parizeau. Je n’appartenais pas au CCF, mais je le fréquentais beaucoup. […] J’étais souvent invité à des réunions, à des réceptions, sans jamais, surtout à mon âge, être au cœur de quoi que ce soit. Je les écoutais parler. Je trouvais ça fascinant. Sarah, la bonne qui m’a élevé, était absolument scandalisée par ces fréquentations.” Sarah va jusqu’à intercepter les téléphones de Thérèse Casgrain à Jacques Parizeau parce qu’elle identifie Thérèse et le CCF au “communisme” et qu’elle voit d’un mauvais œil qu’un aussi jeune homme fréquente une femme de cet âge […]. Toutefois, Parizeau, même proche du CCF, n’y adhère pas. II ne veut pas toucher à la politique. »

L'indépendentiste

 

Jacques Parizeau écrit sur sa grande conversion souverainiste. « En octobre 1967, je suis invité à prononcer une conférence à Banff sur le sempiternel problème du fédéralisme canadien. Je suis alors conseiller au bureau du premier ministre du Québec. […] En 1967, je suis fédéraliste ; je l’ai toujours été. D’abord parce que, sur le plan économique et social, je suis de centre gauche. Comme bien des gens à cette époque, comme libéraux à Ottawa et comme les libéraux à Québec. Je n’ai cependant jamais fait de politique active. Depuis ma jeunesse, j’éprouve une profonde répugnance pour le duplessisme qui, pour moi, est le prolongement d’une forme de cléricalisme étroit qui sévit au Québec depuis le milieu du XIXe siècle, c’est-à-dire depuis l’écrasement des Rébellions de 1837-1838. Ce mélange d’idées primaires de droite, de nationalisme linguistique borné, de favoritisme et de conformisme me tape sur les nerfs. »

 

Laurence Richard ajoute : « Montréal, le 14 octobre 1967. Jacques Parizeau s’embarque, à la gare Windsor, à bord du train du Canadien Pacifique qui traverse le Canada d’Est en Ouest. Ce chemin de fer, au moment de sa construction, a été considéré comme le symbole et le ciment de la Confédération. Le jeune fonctionnaire se dirige vers Banff, en Alberta, où il doit prononcer une conférence sur l’avenir du Canada devant plusieurs spécialistes des questions économiques et constitutionnelles, à l’occasion du centenaire de la Confédération. Pour ce voyage de trois jours, il a réservé un compartiment salon dans lequel, avec Alice, il peut se détendre et surtout préparer sa conférence. Tout en rédigeant son texte et en réfléchissant, il en arrive à la conclusion que le Québec et le Canada se trouvent dans un cul-de-sac. Le remède pour le Canada se trouve dans une plus grande centralisation économique et politique alors que la solution pour le Québec est une décentralisation qui lui permettrait de se définir comme une nation distincte. C’est la quadrature du cercle. Il ne voit pas d’autre option que la souveraineté : “En montant à la gare Windsor, j’étais fédéraliste, dit Parizeau ; en descendant à Banff, j’étais séparatiste.” »

 

Selon Wikipédia, « lors de la conférence, il conclut son discours par un constat qui glace son auditoire : “La question de savoir si le Québec aura ou n’aura pas de statut particulier est byzantine. Québec a déjà un statut particulier embrassant tout un éventail d’activités. Il aura tôt ou tard un statut encore plus particulier. Il deviendra peut-être même indépendant. […] Dès que l’autorité centrale n’a plus le contrôle des priorités et n’est plus en mesure de ménager des services communs, sinon identiques, toute politique économique risque de sombrer dans l’inefficacité”. »

 

Laurence Richard décrit que « son auditoire, qu’il connaît bien et depuis longtemps, est évidemment catastrophé par sa conférence. Pour eux, c’est l’apostasie : “Comment Parizeau, que l’on connaît depuis toujours, a-t-il pu virer de bord comme ça, en une semaine ?” Le scandale est de taille, d’autant plus que Parizeau est considéré tant dans le milieu francophone que dans le milieu anglophone comme un expert en économie et comme l’un des technocrates les plus brillants ! »

 

Selon Wikipédia, « l’évolution de la situation politique confirme ses appréhensions. En juin 1968, Pierre Elliott Trudeau est porté au pouvoir avec le mandat de remettre le Québec à sa place au sein du Canada. En septembre 1968, Daniel Johnson disparaît, laissant la place à Jean-Jacques Bertrand, un nationaliste beaucoup plus conciliant que son prédécesseur à l’égard d’Ottawa. En octobre 1968, le Mouvement Souveraineté-Association de René Lévesque fusionne avec le Ralliement national de Gilles Grégoire pour fonder un nouveau parti : le Parti québécois (PQ). Pour Jacques Parizeau, la réforme du fédéralisme a été un échec. Les solutions proposées pour changer la constitution de 1867 n’avaient pas permis au Québec de se développer en fonction de ses intérêts propres. Pour résoudre cette impasse, il fallait mettre fin à la confusion et recentrer le pouvoir de l’État sur un seul pôle : celui de Québec. »

 

Document définissant les grandes orientations du Mouvement souveraineté-association adopté par les 7 300 membres au congrès des 19 au 21 avril 1968. À ce congrès, les militants décideront de fonder un nouveau parti politique indépendantiste : le Parti Québécois.

Programme du Mouvement souveraineté-association. 20 mai 1968.

Collection Dave Turcotte

Le Parti Québécois

 

Alain Lavigne annonce : « Grosse nouvelle à Montréal le 19 septembre 1969 : Jacques Parizeau prend sa carte de membre du PQ devant une batterie de caméras et d’appareils photo lors d’une conférence de presse au restaurant de Butch Bouchard. Il y fait alors sa profession de foi envers le projet d’indépendance du Québec. Selon lui, le pays est en train de se construire deux gouvernements : “Il faut choisir” […]. L’adhésion de Parizeau au PQ réjouit Lévesque, car elle lui permet de donner une importante caution économique à son option : “L’arrivée de cet économiste de renom est à même de rassurer sur les effets économiques véritables de la souveraineté. Si l’on en croit la réaction généralement positive des médias de l’époque, l’objectif est amplement atteint.” »

 

Laurence Richard note que « dans la famille Parizeau, la politique, cette ingrate, n’a pas bonne presse. C’est pourquoi Jacques Parizeau, pendant toute l’époque de la Révolution tranquille, est resté à l’écart, préférant le rôle du mandarin exerçant un pouvoir réel à celui de politicien. Et c’est en homme d’État et non en politicien que Parizeau entre en politique, aux côtés de René Lévesque : “La seule raison pour laquelle je suis entré en politique active, affirme-t-il, c’est pour réaliser la souveraineté du Québec, pour faire aboutir les choses.” »

 

Congrès 1969

 

Le Parti Québécois tient son deuxième congrès les 17, 18 et 19 octobre 1969 à Montréal. Le thème est : Congrès de la preuve et de l’élan et Jacques Parizeau y est élu à l’exécutif national du parti. Laurence Richard souligne que « les interventions de Jacques Parizeau sur différentes résolutions économiques sont déterminantes. Il suffit de lire le chapitre économique du programme du PQ issu de ce congrès pour y déceler son influence. Ce texte est précis, et plus “technocrate” que le précédent en ce qui concerne les moyens, les instruments de politique économique et le rôle de l’État dans le développement économique. »

 

Laurence Richard ajoute que « le Parti québécois donne de plus en plus l’image d’un parti respectable, composé de gens “compétents”. Le PQ publie [en mars 1970] un ouvrage intitulé La souveraineté et l’économie portant la marque de Jacques Parizeau qui y présente la souveraineté comme un instrument de développement économique pour le Québec. »

 

Deux premières éditions du programme du Parti Québécois. 1969.

Collection Dave Turcotte

Document La souveraineté et l'économie produit par le comité de documentation du Parti Québécois. 1970.

Collection Dave Turcotte

 Élection québécoise du 29 avril 1970 

 

L’élection du 29 avril 1970 est l’occasion pour le Parti Québécois de « s’exposer » au « verdict électoral » pour la première fois. Jacques Parizeau se présente dans la circonscription d’Ahuntsic sur l’île de Montréal. Il apporte une valeur « économique » à l’option du parti. Candidat vedette, il est présent sur toutes les tribunes afin de défendre les arguments économiques de l’option de l’indépendance.

 

Alain Lavigne explique que « Jacques Parizeau est bien visible dans la publicité télé. Aux fins d’une émission de 30 minutes, il partage la vedette avec René Lévesque et Gilles Grégoire, le vice-président du PQ. Qui plus est, c’est la photo de Parizeau devant un tableau noir qui apparaît au verso du programme imprimé à 300 000 exemplaires. […] Parizeau a également droit à une affiche nationale dont le message avance qu’un “OUI la souveraineté c’est la prospérité !” La vignette de la photo rappelle “qu’il est considéré comme l’un des économistes les plus clairvoyants et compétents du pays”.

 

Jacques Parizeau est tellement présent dans la campagne nationale qu’il est forcément moins disponible dans le comté où il tente de se faire élire. Bien souvent, comme le relève le jeune militant Daniel Paillé, (qui sera ministre dans le cabinet Parizeau et chef du Bloc Québécois) c’est sa conjointe Alice qui le représente dans Ahuntsic : “Elle compensait pour les absences de son mari, allant même jusqu’à faire du porte-à-porte et jouer le rôle de chauffeur.” »

Malgré des sondages très favorables, la situation se corse en fin de campagne. Laurence Richard relate que le dimanche 26 avril, quatre jours avant le vote, « huit camions blindés s’arrêtent devant le Trust Royal, à Montréal. Ils portent le nom de la Brink’s, une société spécialisée dans le transport de l’argent pour les institutions financières. Pourquoi le dimanche matin ? “Parce que c’était spectaculaire en diable : pas de circulation dans les rues, seulement des camions de la Brink’s !” s’exclame Jacques Parizeau.

 

La mise en scène aurait été imaginée par le président du Trust Royal, Conrad Harrington, qui soutient de son côté que ce spectacle étonnant n’a été que la conséquence accidentelle d’un problème de dimensions. Harrington prétend que les camions étaient trop gros pour franchir la porte qui donnait accès au sous-sol du Trust Royal (où d’après lui ils auraient pu être discrètement chargés) et qu’il a fallu par conséquent procéder à l’opération en public. Cette version de Harrington ne convainc pas Jacques Parizeau qui envoie des gens mesurer les portes pour vérifier son hypothèse. Bien sûr, les portes étaient assez grandes !

 

Les employés de la Brink’s vident donc les coffres devant les photographes de presse qui, comme par hasard, sont très actifs ce dimanche-là. On empile titres, actions et obligations qui vont bientôt prendre la route 401 à destination de Toronto. “C’était une manœuvre brillante, explique Parizeau, et voici pourquoi : vous avez un certificat d’action qui démontre que vous êtes propriétaire de 1000 actions de telle compagnie. Ce n’est pas de la propriété, ce certificat, c’est un aide-mémoire. Vous pouvez bien le perdre ou l’allumer avec une cigarette. Il vous suffira, le lendemain matin, de demander à votre secrétaire de vous faire émettre un autre certificat. Le papier sert seulement à vous rappeler que votre nom est inscrit dans le registre de la compagnie comme propriétaire de 1 000 actions ! Que les certificats soient à Montréal, à Toronto ou au pôle Nord, cela n’a absolument aucune signification.”

 

L’impact de ce qu’on appellera le “coup de la Brink’s” sera à peu près nul sur les gens les plus pauvres et les plus aisés, parce qu’ou bien ils ne savent pas ce qu’est un certificat d’actions, ou bien ils savent parfaitement que ce n’est qu’un aide-mémoire. Dans les deux cas, ça ne leur fait ni chaud ni froid qu’ils s’envolent. “Dans les milieux que je fréquentais, à Outremont, dit Parizeau, les gens ont ri tout bonnement, en disant que c’était un bon coup !”

 

Cependant chez tous les gens qui commencent à se sortir de la pauvreté, ceux pour qui réussir dans la vie veut dire avoir un peu d’obligations d’épargne, un peu d’obligations municipales ou scolaires, pour qui avoir une certaine aisance c’est avoir des titres, c’est la panique !

 

Après ce dimanche fatidique, le Parti québécois sent que le vote lui coule entre les doigts : “Dans un comté comme le mien, à Ahuntsic, raconte Parizeau, ce fut la panique. J’ai perdu l’élection en quatre ou cinq jours. […] L’épisode de la Brink’s est significatif des craintes qu’entraîne chez les adversaires de la souveraineté la crédibilité grandissante du Parti québécois.” L’adhésion au parti, l’année précédente, de Jacques Parizeau, un économiste respecté, a contribué à renforcer cette crédibilité. Les arguments contre la souveraineté étant surtout d’ordre économique, l’arrivée de Parizeau comble une brèche au PQ. »

Livre Les élections 1970 au Québec : Le Coup d'état du 29 avril écrit Bernard Smith. Éditions Actualité. 1970.

Collection Dave Turcotte

Le 29 avril 1970, le Parti libéral fait élire 72 députés avec 45,4 % des votes, l’Union nationale, 17 députés avec 19,6 % des votes, le Ralliement créditiste, 12 députés avec 11,2 % des votes et le Parti Québécois, 7 députés avec 23,1 % des votes. Jacques Parizeau est défait avec 16 236 votes contre 17 208 pour le candidat libéral François Cloutier, qui devient ministre dans le gouvernement de Robert Bourassa.

Résultats de l'élection québécoise de 1970 dans la circonscription d'Ahuntsic.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

Macaron du candidat libéral François Cloutier dans Ahuntsic. 1970.

Collection Dave Turcotte

Malgré sa défaite, le Parti Québécois a presque triplé l’appui que le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) avait obtenu à l’élection de 1966. Ces bons résultats font dire à René Lévesque, le soir de l’élection, que le Parti Québécois est « l’opposition officielle dans l’opinion populaire ». En fait, pour la première fois de l’histoire du Québec, il y aura, à l’Assemblée nationale, des députés indépendantistes démocratiquement élus. Les sept premiers députés du Parti Québécois sont : Camille Laurin (Bourget), Guy Joron (Gouin), Marcel Léger (LaFontaine), Robert Burns (Maisonneuve), Lucien Lessard (Saguenay), Charles-Henri Tremblay (Sainte-Marie) et Claude Charron (Saint-Jacques). Pour le chef du Parti Québécois, cette élection est « une défaite qui a l’air d’une victoire ».

Entre deux campagnes

 

 Président du conseil exécutif du Parti Québécois 

Jacques Parizeau devient le président du conseil exécutif du Parti Québécois le 13 juin 1970. En avril 1971, il cède sa place à Pierre Marois, mais demeure sur le conseil jusqu’au 19 novembre 1973. Dans le domaine journalistique, il est chroniqueur de l’hebdomadaire Québec-Presse de 1971 à 1974.

 

Publicité de la chronique Jacques Parizeau en liberté tous les dimanches dans le journal Québec-Presse.

Collection Dave Turcotte

Chronique Jacques Parizeau en liberté dans le journal Québec-Presse. 16 avril 1972.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard rappelle qu’en 1972, « Parizeau et Lévesque rédigent un manifeste intitulé : Quand nous serons maîtres chez nous. Les deux auteurs insistent sur l’insuffisance de centres de décision économiques au Québec : “On avait nationalisé les compagnies d’électricité. Un certain nombre de sociétés d’État avaient été mises en place, dans les années soixante. Mais on était encore très loin d’une situation où le plus grand nombre possible de centres de décision économiques seraient mis en place, au Québec, par l’État, par des entreprises privées, par des coopératives, par d’autres formes de regroupements. Il fallait faire resurgir l’idée essentielle que notre développement devait se faire à partir des centres de décision d’ici.” »

 

Alain Lavigne confit que « de tous les documents publiés par le parti, le manifeste Prochaine étape… quand nous serons vraiment chez nous, publié en 1972, fait figure de véritable “bible” pour Jacques Parizeau. » Au dire de Pierre Duchesne, ce document d’orientation est celui qui intègre le mieux sa pensée politique et économique : « Dix-sept ans plus tard, l’un des premiers gestes qu’il posera une fois élu chef de l’opposition en 1989, sera de retirer des archives le document pour le distribuer à tous les députés élus de son parti. Devenu premier ministre en 1994, Jacques Parizeau ne cessera de puiser dans cette source encore non contaminée par l’étapiste. »

 

Manifeste Prochaine étape... Quand nous serons vraiment chez nous. Parti Québécois. 1972.

Collection Dave Turcotte

 Élection québécoise du 29 octobre 1973 

 

Lors de sa réunion du 7 avril 1973, le conseil exécutif du Parti Québécois de Crémazie propose à l’unanimité la candidature de Jacques Parizeau en vue de la prochaine élection. Le président de l’Association de la circonscription écrit à ce dernier dès le lendemain pour lui en faire la demande officielle. Le 19 juin 1973, Jacques Parizeau est officiellement investi lors du congrès de candidature du Parti Québécois de Crémazie tenue au cégep d’Ahuntsic.  

Alain Lavigne précise que l’annonce d’une « élection générale anticipée pour le 29 octobre est faite par premier ministre Robert Bourassa dans un message télévisé préenregistré et diffusé le 25 septembre à 21 h. Comme ce fut le cas à l’élection précédente, Jacques Parizeau demeure une pièce maîtresse de la campagne nationale du PQ. Cette fois, il est candidat dans le nouveau comté de Crémazie, créé à partir des circonscriptions d’Ahuntsic et de Bourassa. Dans le camp péquiste, la confiance et l’optimisme sont au rendez-vous : “Lors de sa première conférence de presse, le chef du PQ, accompagné de Jacques Parizeau, Camille Laurin, Guy Joron et Marcel Léger, voit dans la prochaine campagne électorale la première occasion de prendre le pouvoir et de former le gouvernement, annonçant du même souffle que son parti allait publier un budget de l’an 1 d’un Québec indépendant.” »

 

Laurence Richard avance qu’un « peu avant les élections, Jacques Parizeau se repose au Mexique avec sa famille quand le Parti québécois décide qu’il faut élaborer le budget de l’an 1 d’un Québec souverain. Bien entendu, c’est à lui que cette mission est confiée, dès son retour de vacances. D’abord, il hésite, puis, bon soldat, il accepte. “On m’a dit d’en faire un, alors j’en ai fait un. J’étais en ta… mais qu’est-ce que vous voulez, ce qu’on a à faire, on le fait.” »

 

Le 9 octobre 1973, accompagné d’autres têtes d’affiche du Parti Québécois, c’est à Jacques Parizeau que revient la tâche d’expliquer aux journalistes ce budget. Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau présentent que le « Parti québécois prend l’initiative de présenter un budget fictif pour 1975-1976, première année d’un éventuel Québec souverain. Tablant sur des coupes dans les chevauchements provinciaux-fédéraux ainsi que sur des réductions de dépenses en matière de défense, l’économiste Jacques Parizeau avance qu’un gouvernement péquiste consacrerait 45 % d’un budget de 12 milliards de dollars aux mesures sociales, tout en dégageant un surplus de 181 millions de dollars. Aux yeux des concepteurs du document, il est “clair que le Québec a les ressources physiques et humaines requises pour être un pays”. Ce budget de l’an 1, qui se voulait un “outil pédagogique pour banaliser la peur de l’inconnu, a un effet boomerang. Plusieurs s’interrogent sur la question de la monnaie, dont le premier ministre Bourassa qui tourne ce budget en ridicule, le qualifiant de ‘créditisme pour intellectuels’ et d’‘exercice comptable qui prouve l’irréalisme de l’option séparatiste’.” »

 

Alain Lavigne rappelle que « le 19 octobre, un débat télédiffusé à Télé-Métropole oppose Jacques Parizeau à Raymond Garneau, le ministre des Finances sortant, Fabien Roy, du Ralliement créditiste, et Marcel Côté, de l’Union nationale. Ce débat n’arrange pas les choses. Parizeau est mis rapidement sur la défensive par ses opposants. » Pierre Duchesne rapporte que les journaux du lendemain sont unanimes : « Jacques Parizeau s’est offert en pâture. Son armure, un complet trois-pièces, n’a pu le protéger contre les oiseaux carnassiers qui ont tôt fait de le déchiqueter. »

 

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau ajoutent que « Parizeau, dont les chiffres sont contestés, est sur la sellette. Aux yeux du jeune économiste Daniel Paillé, un futur ministre du Parti québécois, ce n’était plus le ministre des Finances Raymond Garneau “qui défendait ses trois ans d’administration, c’était Parizeau qui défendait son budget de l’an 1”. Un journaliste décrit même l’événement comme une “soirée de lutte à trois contre un, spectaculaire et stérile”. »

 

« D’après René Lévesque, ce budget est “logique” et même assez “conservateur”. Il constitue un instrument pédagogique “destiné à contrer sinon à guérir un des aspects économiques les plus pernicieux de notre vieux complexe d’infériorité”. […] Rétrospectivement, Jacques Parizeau estime que ce budget était bien fait, mais prématuré sur le plan électoral. », relate Laurence Richard.

 

Alain Lavigne note que quoi « qu’il en soit, ces distractions à l’échelle nationale n’éloignent pas trop Monsieur de la bataille dans Crémazie, où il est présent quatre jours par semaine et en permanence lors de la dernière fin de semaine. Lors de ses absences, sa conjointe Alice fait du porte-à-porte, notamment pour convaincre ou rassurer les personnes âgées. De plus, un journaliste de La Presse remarque : “Les placards publicitaires du candidat péquiste ont comme slogan : ‘Soyons librement confortables’ et les dépliants distribués traitent avant tout de ‘L’âge d’or du Québec s’en vient’. On y parle des pensions protégées, des transports publics gratuits, des services d’auxiliaires familiales pour les personnes âgées qui désirent demeurer à la maison.” »

 

Le 29 octobre 1973, le gouvernement libéral de Robert Bourassa obtient 54,7 % et est réélu avec 102 députés sur 110 remportant la plus importante majorité parlementaire dans l’histoire du Québec. Le Parti Québécois bien qu’il augmente ses appuis de 7,2 %, passant à 30,2 % des votes, il perd un siège et ne fait élire que 6 députés. Les 2 autres sièges vont aux créditistes. René Lévesque n’est toujours pas élu député. Jacques Parizeau est défait dans la circonscription de Crémazie par le libéral Jean Bienvenue. Ce dernier est ministre de l'Immigration du 15 février 1972 au 20 janvier 1976 et ministre de l'Éducation du 20 janvier au 26 novembre 1976. 

Résultats de l'élection québécoise de 1973 dans la circonscription de Crémazie.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

Partie du dépliant électoral du candidat libéral Jean Bienvenue dans Crémazie. 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Alain Lavigne soumet que pour plusieurs, Jacques Parizeau est le responsable de la défaite de 1973. « D’abord en raison de sa contre-performance au débat télévisé, mais aussi en étant pointé comme un “technocrate coupé du monde”. Claude Charron, dépliant en main, ira jusqu’à ridiculiser son slogan local “Soyons librement confortables” […]. Profondément meurtri par cet épisode d’attaques personnelles, Parizeau démissionne du comité exécutif [du PQ] le 19 novembre. Mais il n’est pas déçu pour autant de la stratégie et des résultats de 1973 : “Ce qui compte, c’est que nous avons trente pour cent des voix avec une monnaie québécoise all dressed, relish, moutarde ! On a trente pour cent sur quelque chose de pur et dur.” » 

Journal Le Jour

 

Laurence Richard précise que « peu de temps après l’élection de 1973, Jacques Parizeau, René Lévesque et Yves Michaud se rencontrent au restaurant le Bouvillon, à Côte-des-Neiges. Déconcertés, ils cherchent un bon moyen de promouvoir la souveraineté. Michaud suggère de fonder un quotidien prônant la souveraineté du Québec. C’est ainsi que naît Le jour (où nous serons maîtres chez nous), dont Parizeau est le président, Michaud, le directeur, et Lévesque, associé à la rédaction. Lancé le 28 février 1974, Le Jour paraît pendant deux ans et demi, jusqu’au 23 août 1976. […]

 

Pour plusieurs journalistes du Jour, il importe plus de transformer la société que de faire du Québec un pays souverain. “Pour René Lévesque, Yves Michaud et moi, Le Jour devait faire avancer la cause de la souveraineté. Or on s’est retrouvé devant un bon nombre de gens pour qui le journal devait faire avancer la cause de la révolution sociale. Il y avait maldonne. On ne se comprenait pas, dès le départ.” Au Jour, les journalistes ont énormément de pouvoir. Et Parizeau, Lévesque et Michaud, les “trois fous”, dit le premier, assistent au sabotage de ce qu’ils ont essayé de créer.

 

Mais le journal connaît surtout des difficultés financières, […] “Jacques et moi, raconte Yves Michaud, on a vécu les affres des campagnes de financement. On a hypothéqué nos maisons pour pouvoir payer des salaires. […] Ça nous inquiétait tous beaucoup.” Jacques Parizeau, père de deux enfants, n’apprécie pas ces risques financiers. “Vraiment, dit Parizeau, c’était effrayant. Ces deux années ont été intenables. Certainement les deux années les plus éprouvantes de ma vie !” Mais Le Jour ne fut pas un échec complet puisque 30 000 lecteurs le lisaient, pratiquement le même nombre que Le Devoir. »

 

Photographies de Jacques Parizeau, Yves Michaud et René Lévesque lors du lancement du journal Le Jour. 1974. 

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets


LE CANDIDAT
 

Photographie de Jacques Parizeau entouré de René Lévesque et Camille Laurin lors d'une conférence de presse à la permanence du Parti Québécois, rue Christophe-Colomb à Montréal. Septembre 1970.

Le monde en images

Photographe Réal Filion


Élection 1970
 

Version longue du programme du Parti Québécois issu des congrès de 1968 et 1969. 1970.

Collection Dave Turcotte

Dépliant électoral du Parti Québécois. 1970.

Collection Dave Turcotte

Affiche électorale du Parti Québécois sur la souveraineté et la prospérité. 1970.

Collection Dave Turcotte

Photographie sur laquelle ont peut voir (dans le bas) les affiches de candidats vedettes du parti dont Jacques Parizeau (au centre). 1970.

Collection Dave Turcotte


Congrès 1971
 

Photographie de Jacques Parizeau entouré de Camille Laurin et René Lévesque au 3e congrès du Parti Québécois tenu au Patro-Rocamadour à Québec. 26 au 28 février 1971.

Collection Alain Lavigne

Fonds Photo Moderne

Photographie de Jacques Parizeau au 3e congrès du Parti Québécois tenu au Patro-Rocamadour à Québec. 26 au 28 février 1971.

Collection Alain Lavigne

Fonds Photo Moderne

Photographie de Jacques Parizeau entouré de Marc-André Bédard, Pierre Bourgault et Pierre Marois au 3e congrès du Parti Québécois tenu au Patro-Rocamadour à Québec. 26 au 28 février 1971.

Collection Assemblée nationale du Québec

Photo moderne enrg.

Photographie de Jacques Parizeau en conférence de presse au 3e congrès du Parti Québécois tenu au Patro-Rocamadour à Québec. 26 au 28 février 1971.

Collection Assemblée nationale du Québec

Photo moderne enrg.


Congrès 1973
 

Photographie de Jacques Parizeau avec René Lévesque à la table du conseil exécutif national au 4e congrès du Parti Québécois tenu à Laval. 23 au 25 février 1973.

Centre de documentation du Parti Québécois


Élection 1973
 

Lettre de Roger Allard, président du Parti Québécois de Crémazie, demandant à Jacques Parizeau de se porter candidat dans Crémazie. 8 avril 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

La une ainsi que les pages 4 et 5 du journal Le Québécois de Crémazie. Volume 5, numéro 8. Juin 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie officielle du candidat péquiste Jacques Parizeau dans Crémazie. 1973.

Centre de documentation du Parti Québécois

Feuillet électoral du candidat péquiste Jacques Parizeau dans Crémazie. 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Notes manuscrites de Jacques Parizeau sur le budget d'un Québec souverain. 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Carton de rappel du candidat péquiste Jacques Parizeau dans Crémazie. 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Télégramme de René Lévesque expédié à Jacques Parizeau et à tous les candidats péquistes la veille de l'élection. 28 octobre 1973.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Publicité d'une soirée dansante avec le candidat péquiste Jacques Parizeau dans Crémazie. Novembre 1973. 

Assemblée nationale du Québec

Collection partis politiques

Ministre

Le ministre

 Élection québécoise du 15 novembre 1976 

Alain Lavigne lance que « pour René Lévesque, Jacques Parizeau et le PQ, l’élection du 15 novembre 1976 est enfin la bonne. Cette victoire d’un premier parti souverainiste a pris instantanément beaucoup de place dans l’imaginaire collectif des Québécois. Tellement qu’un mythe du grand soir s’est peu à peu construit depuis. Fort du slogan à deux volets “On a besoin d’un vrai gouvernement. Ça ne peut plus continuer comme ça”, le PQ mène cette fois une campagne axée sur un chef rassurant prêt à devenir premier ministre avec une équipe. Avec Camille Laurin, Jacques-Yvan Morin, Robert Burns et Claude Morin, Jacques Parizeau est désormais positionné au même rang que d’autres candidats vedettes, dont certaines nouvelles recrues telles Lise Payette et Rodrigue Tremblay. Tout au long de la campagne, le PQ propose aux Québécois de former un bon gouvernement et, une fois élu, de tenir un référendum sur son projet de souveraineté-association. »

 

Autocollant électoral du Parti Québécois. 1976.

Collection Dave Turcotte

Don Pascal Bérubé

Alain Lavigne précise que « dans L’Assomption, où Jacques Parizeau souhaite se faire élire, cela prend la forme de grandes assemblées publiques en présence d’autres candidats. Lors de l’assemblée d’ouverture du 24 octobre, avec comme invités René Lévesque, Lise Payette et Doris Lussier, Parizeau attire 750 personnes à la polyvalente Paul-Arseneau. La publicité de L’Artisan le présente comme “Un homme au travail pour nous” (27 octobre), “L’homme capable de défendre nos intérêts” (3 novembre) et “Un homme à la mesure de notre comté” (10 novembre). Toutefois, les stratèges ont rapidement vent que sur le terrain les interventions de Jacques Parizeau s’écartent souvent du plan de la campagne nationale. En effet, faut-il s’en surprendre, il parle trop ouvertement d’indépendance… Lévesque mandate dès lors Louis Bernard de téléphoner à Parizeau afin de lui rappeler de se conformer à la stratégie nationale. Bon soldat, il accepte. Ce à quoi Bernard dira plus tard : “J’ai toujours trouvé que Parizeau était un joueur d’équipe.” » 

 

Le 15 novembre 1976, le Parti Québécois fait élire 71 députés avec 41,4 % des votes. Les libéraux font élire 26 députés avec 33,8 % des votes et l’Union nationale, 11 députés avec 18,2 % des votes. Sont aussi élus : un député créditiste et un député du Parti national populaire. Jacques Parizeau est élu député de L’Assomption avec une majorité de 14 439 votes.

Résultats de l'élection québécoise de 1976 dans la circonscription de L'Assomption.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

 Nommé ministre des Finances, ministre du Revenu et président du Conseil du Trésor 

Fort de son expérience et de sa crédibilité, il se voit nommer par le nouveau premier ministre René Lévesque : ministre des Finances (26 novembre 1976 au 22 novembre 1984), ministre du Revenu (26 novembre 1976 au 21 septembre 1979) et président du Conseil du Trésor (26 novembre 1976 au 30 avril 1981).

 

Laurence Richard émet qu’en « tant que ministre des Finances, Jacques Parizeau a la réputation d’être le seul véritable économiste professionnel du milieu des finances gouvernementales au Canada. Le ministre ontarien des Finances de l’époque, McKeough, affirme que “Parizeau est le seul économiste parmi les vendeurs d’autos, les avocats et les plombiers qui dirigent les finances canadiennes… Je crois que tous, en tant qu’économistes amateurs, nous le respectons comme professionnel ; on accorde beaucoup d’importance à ce qu’il pense.” »

 

Laurence Richard souligne que « selon Don McPherson, le cabinet Lévesque est “le plus talentueux depuis l’équipe du tonnerre du libéral Jean Lesage”. Jacques Parizeau estime pour sa part que ce cabinet compte plus de gens de talent que celui de Lesage : “Bien sûr, Lesage s’était entouré de quelques ministres remarquables, mais l’équipe du tonnerre, c’était avant tout un slogan. En fait, Lesage n’avait autour de lui que trois ou quatre ministres clés : Lévesque, Gérin-Lajoie, Kierans, Laporte. Le Conseil des ministres de Lévesque, c’est tout à fait autre chose. C’est un Conseil des ministres comme on n’en a jamais vu.” »

Photographie de l'assermentation du premier conseil des ministres du premier ministre René Lévesque. 26 novembre 1976.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Laurence Richard déclare que « les grands mandarins de la Révolution tranquille sont maintenant au pouvoir. “Dans le domaine social et culturel, le contenu législatif fait penser à la Révolution tranquille, tant les réformes sont nombreuses. Des institutions municipales à l’assurance-automobile, du financement des partis politiques aux lois de la consommation, en matière économique et financière, le contenu des mesures prises visait des objectifs de ‘bon gouvernement’.” Les réformes entreprises demeurent fidèles, en effet à l’esprit de la Révolution tranquille, même si le Parti québécois n’accroît pratiquement pas le rôle de l’État : “En fait, dit Parizeau, on prend très peu d’initiatives nouvelles, parce que la plupart des instruments étatiques dont nous avons besoin sont en place. C’est la façon de s’en servir qu’on change.” D’ailleurs, si on compare les huit années d’administration péquiste aux quatre années de l’Union nationale, de 1966 à 1970, on constate que l’UN a créé bien plus de sociétés d’État que le PQ. Le gouvernement péquiste renforce plutôt l’action de ces sociétés : Caisse de dépôt, SGF, Soquem, Soquip, Sidbec, etc. Il crée également d’importants leviers financiers, comme l’assurance-automobile. Et surtout, le gouvernement Lévesque utilise ces leviers. »

 

Laurence Richard rapporte que « dès son premier budget, en 1977, Jacques Parizeau impressionne le monde des affaires. Il réussit d’ailleurs un coup de force exceptionnel : tout en réduisant le fardeau fiscal de la classe moyenne, il obtient la bénédiction de Wall Street ! Pour les courtiers en valeurs, il s’agit d’un “budget modéré et discipliné” : “New York analysts pleased with "disciplined" Quebec budget”, titre même la Gazette de Montréal. »

Caricature de Serge Chapleau illustrant Jacques Parizeau et René Lévesque. Journal Le Dimanche. 23 janvier 1977.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard commente que « Jacques Parizeau a été l’un des artisans les plus acharnés de la fabrication des outils de développement économique des Québécois au moment de la Révolution tranquille, sous le gouvernement du Parti québécois, il s’emploie à les utiliser au maximum. Il soutient tout ce qui peut favoriser le développement linguistique des Québécois francophones, tant par son appui à la loi 101 que par la mise en place de compétences francophones dans les diverses sociétés d’État. »

 

Laurence Richard relate que « quand le Parti québécois est porté au pouvoir, les marchés financiers se ferment partout en Amérique du Nord. Les prêteurs ne refusent pas de prêter au Québec, mais ils veulent le faire à des taux plus élevés que pour l’Ontario. Parizeau, en sa qualité de ministre des Finances, doit emprunter pour Hydro-Québec. Astucieux, il emprunte loin de l’épicentre du séisme, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne, au Japon, partout sauf en Amérique du Nord : “Ma stratégie est simple, explique-t-il. Quand ils se rendront compte que je n’ai aucun problème à emprunter et qu’ils seront tannés de perdre des commissions, ils me reviendront. […] Partout, qu’il ait emprunté en euro-dollars américains, en livres sterling, en francs suisses, en florins hollandais ou en yens japonais, Parizeau a obtenu le même taux que celui de l’Ontario. ‘Évidemment, conclut-il, ça a changé l’atmosphère au Canada. Dans la mesure où on n’a aucune difficulté à emprunter en dehors de l’Amérique du Nord, les banquiers se rendent compte que toutes leurs réactions de mauvaise humeur à notre égard, finalement, leur font perdre des commissions !’” »

Ouvre-lettres produit par la Fonderie d’Art & d’Artisanat du Québec accompagné d’une carte professionnelle de Jacques Parizeau. Entre 1976 et 1984.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard note que Jacques Parizeau est un lève-tôt. « Il lit les journaux, le matin, et se rend au bureau à la première heure. Quand il y arrive, il est prêt à commencer à travailler. Les journées, cependant, n’en finissent plus. Il n’a jamais fini avant 10 h, le soir. Quand il était ministre des Finances, le lundi était consacré à son comté : le jour, il recevait ses électeurs et, en soirée, des conseillers municipaux ou des groupes. Les mardi, mercredi et jeudi, il les passait à Québec à un rythme effréné. Le vendredi, il finissait tôt, vers 5 h. Le samedi, il retournait dans son comté pour participer à des activités sociales. Le dimanche, enfin, il faisait des visites dans d’autres comtés à des fins politiques. »

Photographie de Jacques Parizeau lors du Carnaval d'hiver de L'Épiphanie. 11 février 1979.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Le ministre de la classe moyenne

 

Laurence Richard explique que « Parizeau a toujours été particulièrement sensible à la classe moyenne, et à ceux qui ont le choix entre le travail et l’aide sociale. Ses favoris, comme ministre des Finances, ont toujours été les gens dits “ordinaires”, les familles qui ont de la misère à joindre les deux bouts : “Comme ministre des Finances, j’étais obnubilé, pas tellement par les pauvres que par le petit monde. Ceux qui me préoccupaient, c’étaient les petits salariés, les couples dans lesquels la femme ne travaillait pas ou travaillait pour un petit salaire et qui avaient des enfants. Ces gens étaient l’objet de tous mes soucis, sur le plan de l’équité sociale.” Lorsque Parizeau retire la taxe de vente sur les vêtements, les chaussures, les meubles et les appareils ménagers, c’est précisément à cette catégorie de travailleurs qu’il pense. » 

Photographie de Jacques Parizeau échangeant avec une commerçante du centre commercial Galerie Rive-Nord. 25 juin 1976.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de Jacques Parizeau échangeant avec un agriculteur de L'Épiphanie. Juin 1976.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Dans ses mémoires, René Lévesque écrit qu’au-delà « de cette image qu’il soignait avec volupté, il aura été à mon avis le plus efficace en même temps que le plus progressiste de tous les argentiers du Québec. Bourgeois de vieille lignée — “et j’en suis fier”, proclamait-il —, il n’était pas moins doté d’une conscience aiguë des iniquités du sort, sentiment que ses budgets s’efforçaient de refléter. Quitte à taxer davantage les gens aisés, il parvient à réduire peu à peu le fardeau des humbles, tant et si bien qu’au bout du compte la comparaison avec l’Ontario, éternel critère si souvent masochiste, était devenue saisissante : là c’étaient toujours les petits qu’on saignait à blanc et les gros qu’on ménageait, alors qu’ici on était parvenu à faire très précisément le contraire. »

Laurence Richard affirme qu’en « pas les femmes. Il met au point une loi qui permet aux femmes collaboratrices de leur mari de recevoir un salaire, ce que les groupes de femmes demandaient depuis des années. De même, comme le note Lise Payette, dans Le pouvoir ? Connais pas !, en pleine négociation avec les employés de l’État, le ministre des Finances, sans chantage ni menace, offre un des congés de maternité les plus généreux en Amérique du Nord. »

 

Photographie de Jacques Parizeau et de Lise Payette. 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Régime d’épargne-action

 

Selon Wikipédia, « ayant pris le pouvoir dans une situation économique difficile, le gouvernement péquiste décide d’aider les travailleurs en baissant les impôts des plus pauvres et de la classe moyenne et en augmentant ceux des plus nantis en 1978. Toutefois, afin d’atténuer le fardeau des plus nantis et aussi de développer les entreprises québécoises, Jacques Parizeau lance un nouvel instrument le 27 mars 1979 : le Régime d’épargne-actions (RÉA). Unique en son genre en Amérique, le RÉA s’appuie sur une idée simple : permettre à l’État d’aider les investisseurs du Québec en déduisant de leurs impôts (à certaines conditions) les nouvelles actions achetées dans des “entreprises dont le siège social ‘ou la principale place d’affaires est située au Québec’”.

 

Cet instrument permet de renverser une tradition chez les francophones (les Québécois n’achetant autrefois que très peu d’actions d’entreprises) et d’en finir avec la sous-capitalisation des entreprises du Québec. Pour Matthew Fraser, l’auteur du livre Québec inc., “le RÉA a été l’un des principaux moteurs de l’explosion actuelle des affaires au Québec. […] De 1983 à 1987, le nombre de nouvelles compagnies publiques inscrites à la Bourse de Montréal a plus que triplé”. En effet, le RÉA permet l’expansion de Canam Manac (compagnie d’acier), du Groupe SNC (firme d’ingénierie), de la Société de gestion Unigesco, de Quebecor (entreprise de presse), de Bombardier (manufacturier de transport), ainsi que d’Aligro, des Magasins Le Château, du Groupe Transcontinental, et de Circo Craft.

 

Le RÉA connait ses plus belles années de 1983 à 1987 et recueille sur ces 5 années près de 5,1 milliards de dollars d’investissements. Le krach d’octobre 1987 brise cette dynamique. Par la suite, le RÉA ne retrouvera jamais son niveau d’activité du début des années 1980. »

 

Dépliant promotionnel du budget 1979-1980. 1979.

Collection Dave Turcotte

Taxe de vente

 

En 1978, Jacques Parizeau réalise un exploit remarquable avec la taxe de vente. L’initiative est née du ministre ontarien des Finances, Darcy McKeough, qui a baissé temporairement la taxe de vente provinciale pour stimuler le commerce de l’automobile. Ayant été positive, cette mesure est reprise par le ministre fédéral des Finances Jean Chrétien. Dans son discours du budget du 10 avril 1978, il propose de diminuer la taxe de vente provinciale de 3 % sur tous les produits. Le gouvernement fédéral financera le manque à gagner des provinces. Cependant, cette intrusion du fédéral suscite la résistance du Québec, soucieux de son autonomie fiscale.

 

Parizeau et son équipe réagissent en élaborant une stratégie originale. Ils proposent d’éliminer la taxe sur des biens indispensables à la famille modeste et produits par des industries québécoises (textile, vêtement, chaussure, meuble) et de promouvoir le tourisme en supprimant la taxe sur les chambres d’hôtel. Tout ça équivaut exactement à la somme offerte par Ottawa, soit 226 millions $. Cette démarche dynamise des secteurs mous de l’économie québécoise et soutient les ménages à faible revenu.

 

Chrétien et les fonctionnaires fédéraux sont « horrifiés et stupéfaits » par cette contre-proposition, tandis que Parizeau remporte une victoire politique majeure. Le gouvernement fédéral finance, mais Parizeau et le Québec récoltent tout le mérite politique. Chrétien envoie 85 $ à chaque contribuable pour regagner l’initiative, en vain : Parizeau a gagné.

 

L’échec de Chrétien dans cette bataille a même eu des répercussions sur le plan national, poussant Trudeau à reconsidérer ses plans électoraux. La finesse stratégique de Parizeau dans cette affaire a été remarquée même par ses adversaires politiques, soulignant sa capacité à unir les Québécois contre Ottawa.

Discours sur le budget 1979-1980. 1979.

Collection Daniel Paillé

Discours sur le budget 1980-1981 écrit à la main par Jacques Parizeau. 1980.

Collection Daniel Paillé

Négociations avec la fonction publique

 

Sophie Imbeault raconte qu’élu « en novembre 1976, le Parti québécois ne s’est pas encore frotté à la négociation de conventions collectives des employés de l’État. Le SFPQ est donc le premier syndicat important du secteur public à le faire. Le salaire moyen pour les fonctionnaires est alors d’environ 11 000 $ annuellement pour une semaine de 33 heures. Les ouvriers gagnent, en moyenne, 12 000 $ annuellement pour une semaine de 40 heures. Sa convention arrivant à échéance le 30 juin 1978, un premier projet est soumis aux membres en mars 1977 afin que les demandes soient présentées en janvier 1978. […]

 

Les demandes du SFPQ ont été déposées le 6 février 1978. La convention des quelque 27 000 fonctionnaires et 7 000 ouvriers est arrivée à échéance le 30 juin et, en juillet, le gouvernement n’a toujours pas soumis ses offres globales. […] Face à la “lenteur indue et stratégique” du gouvernement, le syndicat fait une demande de conciliation à la fin de juillet de façon à pouvoir recourir à la grève en octobre. Le 20 octobre, le gouvernement présente enfin ses offres salariales au SFPQ. Pour Jean-Louis Harguindeguy, elles constituent un “nivellement par le bas” et sont “du plus parfait ridicule”. Il croit que “l’affrontement est inévitable entre l’État et ses fonctionnaires”. Le président note que ces offres abolissent la clause d’indexation des salaires selon l’augmentation du coût de la vie à compter de 1979, une clause qui fait partie de la convention depuis 1968. […]

 

Le gouvernement propose un contrat de travail de 36 mois au SFPQ, qui en demandait un de 30 mois. […] Le total des demandes du SFPQ, pour un contrat de 30 mois, se chiffrerait à 141 millions, tandis que l’offre gouvernementale serait de 79,5 millions pour un contrat de 36 mois. Le 25 octobre, le SFPQ obtient son droit de grève [mais ne l’utilise pas pour l’instant.] […]

 

Au début de 1979, les négociations sur les clauses normatives sont terminées. Les discussions se poursuivent sur les clauses salariales. […] À la fin d’avril, alors que les négociations entrent dans leur phase finale, c’est la rupture sur la question de l’indexation. Après quelques jours d’interruption, les discussions reprennent. […] Les deux parties ne s’entendent toujours pas sur les questions salariales. […] Le 23 juin, [le SFPQ] entreprend donc des moyens de pression qui prennent la forme de débrayages rotatifs qui se poursuivront tout l’été. Quelques centaines de syndiqués, qui occupent des postes stratégiques, vont débrayer pour quelques jours. […] Le 4 juillet, le gouvernement passe à l’action et met en lock-out plusieurs centaines d’employés. Quelques jours plus tard, le SFPQ demande à ses 2 000 membres en grève et en lock-out de retourner au travail. Le syndicat entend poursuivre les débrayages dans d’autres secteurs. […] 

 

Comme l’avait annoncé le président du SFPQ à plusieurs reprises, les moyens de pression se poursuivent. Il profite du huis clos sur le livre blanc sur la souveraineté-association pour que le syndicat soit le plus visible possible. Ainsi, tôt le matin du 1er novembre, 3 000 de ses membres entrent dans le centre municipal des congrès où les journalistes devaient prendre connaissance du contenu du livre blanc. L’événement est annulé dans la foulée. […]

 

La pression se fait de plus en plus forte pour un règlement des négociations dans le secteur public alors que l’année référendaire approche. C’est sans compter l’ombre qui plane d’une grève générale dans les secteurs public et parapublic qui amènerait près de 250 000 personnes (appartenant au front commun CSN-CEQ-FTQ, à Hydro-Québec, au SFPQ et au Cartel des organismes professionnels de la santé) à débrayer. […] Le 12 novembre, l’Assemblée nationale adopte une loi spéciale qui suspend pour quinze jours le droit de grève dans les secteurs public et parapublic et force les syndicats à soumettre à leurs membres les plus récentes offres patronales avant le 28 novembre. À Montréal, des membres du SFPQ manifestent pour protester contre ce projet de loi.

 

Le 21 novembre suivant, le ministre des Finances, Jacques Parizeau, présente les offres finales du gouvernement à l’Assemblée nationale. Le SFPQ arrive à une entente le 23 novembre. […] Le 27 novembre, la majorité des sections du SFPQ recommandent aux membres d’accepter les offres gouvernementales. Près d’un mois plus tard, le 21 décembre, le résultat des consultations est connu. Les membres du SFPQ acceptent les offres, […]. La cinquième convention collective est finalement signée le 31 janvier 1980. Elle fixe les conditions de travail jusqu’au 31 décembre 1982. Au terme de plus d’un an de négociation, les syndiqués obtiennent des augmentations de 13,3 % la première année, 9 % la deuxième et 8 % la troisième. »

 

Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau dans le cadre des négociations pour le renouvellement de ses conventions. Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. 1979.

Collection Dave Turcotte

Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau dans le cadre des négociations pour le renouvellement de ses conventions. Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. 1979.

Collection Dave Turcotte

Caisse de dépôt et placement du Québec

 

Ministre responsable de la Caisse de dépôt, Jacques Parizeau nomme Jean Campeau à la présidence de l’institution le 20 février 1980. L’arrivée de ce dernier marque le début d’une série d’achats importants, faisant passer le contrôle de plusieurs grandes entreprises entre des mains québécoises.

 

Photographie de Jacques Parizeau (candidat péquiste dans Crémazie en 1973) entouré de trois députés péquistes de Crémazie : son épouse Lisette Lapointe (2007 à 2012), Manon Blanchet (1998 à 2003) et Jean Campeau (1994 à 1998). Vers 2007. 

Assemblée nationale du Québec

Fonds Claude Lachance

Référendum de 1980

 

Laurence Richard aborde ainsi la difficile écriture de la question référendaire. « Après quelques années de pouvoir, la date du référendum est fixée au 20 mai 1980. La formulation de la question référendaire ranime, au sein du PQ, les luttes entre les “orthodoxes”, dont fait partie Jacques Parizeau, et ceux qui croient qu’il faut faire des compromis pour l’emporter.

 

La veille du jour où la question référendaire doit être lue devant l’Assemblée nationale, ministres et députés passent tout l’après-midi à discuter de sa formulation. Après une interruption pour le souper, la discussion reprend, mais il ne reste plus beaucoup de monde. “À force de travailler sur les mots et les phrases, raconte Parizeau, on finit par s’entendre sur une question vers une heure du matin.” Parizeau, crevé, va se coucher après avoir reçu l’assurance que le lendemain matin, la question sera lue à l’Assemblée nationale.

 

Le lendemain matin, installé à son bureau à neuf heures, comme d’habitude, Jacques Parizeau ne se doute pas de la surprise qui l’attend une heure plus tard, à l’ouverture de l’Assemblée nationale. En effet, quand René Lévesque lit la question devant les députés, Parizeau constate avec stupéfaction que le texte a été expurgé de points importants qu’il a réussi à y faire inscrire la veille. La question telle que lue par Lévesque, qui demande aux Québécois d’accorder au gouvernement le mandat de négocier la souveraineté-association et promet la tenue d’un autre référendum pour faire entériner les ententes conclues avec le reste du Canada, constitue une aberration pour Parizeau. Pendant que les députés font une ovation à Lévesque, il demeure assis sur son siège pendant à peine 10 secondes — qui semblent des heures — avant de se joindre aux applaudissements : “Il existe des photos impérissables de cet instant, sur lesquelles il est facile de voir que je suis en rage !”

Au cours de l’après-midi, Lévesque téléphone à Parizeau : “Écoutez. Je suis bien embêté. J’ai oublié de vous avertir ce matin. Ils ont travaillé toute la nuit sur la question. Excusez-moi, j’aurais dû vous en parler.” Parizeau n’est pas un homme vindicatif, mais il n’apprécie pas du tout ce genre de “malentendu”. Le soir même, au restaurant Le Parlementaire, il a l’air abattu. Lise Payette, qui va lui parler, raconte : “Il m’a avoué qu’il venait de vivre la journée la plus difficile de sa carrière politique. Il y eut des rumeurs de démission. Ce serait faire mentir Parizeau qui a toujours dit de lui-même qu’il était d’abord et avant tout un bon soldat.” »

 

Alain Lavigne rappelle cependant que « lors du débat sur la question à l’Assemblée nationale, il est le seul du parti ministériel à évoquer ouvertement l’indépendance. II y soutient que la souveraineté apparaît non seulement comme l’affirmation d’un épanouissement collectif, mais aussi la condition du relèvement économique et de la prospérité : “Devant la montée des aspirations souverainistes, on cherche à affirmer les avantages de vivre au Canada, mais la conviction n’est plus ce qu’elle était […] On finit par se dire que, si le fédéralisme, c’est l’affrontement, le désordre et la confusion, il doit y avoir moyen de vivre autrement. On se dit aussi qu’il n’est peut-être pas inévitable que le Québec soit forcé d’avoir, bon an mal an, un des plus hauts taux de chômage du monde industriel. De la patrie, on veut passer au pays.” 

 

Pareil discours, qui ne plais évidemment pas aux stratèges, explique en partie le fait que Monsieur ait été relégué à l’arrière-scène pendant la campagne, à l’exception du dernier blitz montréalais. Peu importe, la situation lui permet de consacrer plus d’énergie à convaincre ses commettants de L’Assomption […]. Au lancement de la campagne du Oui à Repentigny, pas moins que 2 500 sympathisants sont au rendez-vous. Le Regroupement national du Oui est aussi bien présent en publicité dans l’hebdomadaire régional, entre le 16 avril et le 14 mai. Une pleine page de publicité avance que “L’Assomption dira Oui au mandat de négocier avec le reste du Canada une nouvelle entente fondée sur l’égalité des peuples”. »

Le 20 mai 1980, l’option du Oui recueil 40,44 % (50 % chez les francophones) et le Non, 59,56 %. Le Oui l’emporte dans la circonscription de Jacques Parizeau. Alain Lavigne note que « le communiqué émis par le bureau du député souligne que “près de 6 mille personnes ont été rejointes en assemblées publiques. Plus de 2 mille ont signé des pétitions de regroupements pour le OUI et, enfin, sans avoir besoin de banderoles attachées à des avions ou encore du chef de l’opposition fédéraliste pour mousser le moral des troupes du NON, des milliers de bénévoles se sont affairés tout au long de la campagne à faire pencher la balance du bon côté”. Va pour le communiqué de circonstance. Pour ce qui est des états d’âme de Jacques Parizeau, les choses sont bien différentes. Sa colère se manifeste dans la limousine ministérielle qu’il l’amène au Centre Paul-Sauvé. »

 

Pierre Duchesne relate : « En ce soir de défaite, il en a contre les siens. Il est mauvais perdant. Puis, il s’attaque aux fédéralistes. Il dit à son chauffeur : “Ils vont nous revoir dans 10 ans, monsieur Arseneault ! Si ce n’est pas maintenant, ce sera dans dix ans. Le référendum va passer. On va l’avoir notre indépendance ! On va l’avoir notre pays !” »

Photographie de Jacques Parizeau et René Lévesque lors du référendum de 1980. Mai 1980.

Collection Dave Turcotte

 Élection québécoise du 13 avril 1981 

 

Selon Wikipédia, « Le Parti québécois est au pouvoir depuis 1976 et vient de perdre le référendum sur la souveraineté-association. Malgré cette défaite, René Lévesque, toujours le chef du parti, demeure populaire auprès de la population. Du côté des libéraux, Robert Bourassa a démissionné à la suite de l’élection de 1976. Gérard D. Lévesque a été choisi comme chef intérimaire, puis Claude Ryan a été élu chef le 15 avril 1978. Claude Ryan mène une campagne à l’ancienne, peu télégénique. Rodrigue Biron, chef de l’Union nationale, démissionne du parti le 3 mars 1980 pour siéger comme indépendant, et se joint peu après au Parti québécois. Il est remplacé par Michel Lemoignan, qui est à son tour remplacé par Roch LaSalle le 9 janvier 1981 ; LaSalle était député progressiste-conservateur à la Chambre des communes du Canada et avait démissionné pour diriger l’Union nationale. Le parti avait réussi un retour modeste lors de l’élection précédente. À cause du délai de trois ans et demi entre l’élection de 1976 et le référendum de 1980, les élections ont lieu quatre ans et cinq mois après les précédentes, ce qui est un des plus longs intervalles depuis la Confédération. »

Alain Lavigne présente la campagne du Parti Québécois ainsi : « Avec comme slogan Faut rester forts, le PQ était d’autant plus confiant qu’il bénéficiait de la meilleure organisation. Un véritable modèle d’organisation et de marketing politique aux yeux du journaliste Graham Fraser : “Carpentier et les autres stratèges avaient tiré des leçons profitables de la défaite référendaire : cette fois, on ne prendra pas les électeurs de front, on ne parlerait pas de risque, et on ne se placerait pas sur la défensive.” De surcroît, comme le souligne Martine Tremblay, les stratèges ont eu la bonne idée de jouer “au maximum la carte de l’équipe, en montrant constamment le premier ministre entouré des ministres les plus populaires de son gouvernement”. Les cinq ministres que les sondages internes plaçaient en tête en termes de notoriété et de popularité étaient Jacques Parizeau, Bernard Landry, Pierre Marc Johnson, Marcel Léger et Jean Garon. »

Autocollant électoral du Parti Québécois. 1981.

Collection Dave Turcotte

Alain Lavigne avance que « tout en assumant son rôle de ministre vedette dans la campagne nationale. Monsieur est bien visible dans son comté à l’occasion d’assemblées publiques et de pleines pages de publicité dans trois éditions d’affilée de L’Artisan. Dans celles-ci, le candidat Jacques Parizeau martèle qu’il est : “À l’image de L’Assomption. À l’image du Québec.” Toujours bon soldat, Parizeau se conforme aussi assez bien à la ligne de son parti qui met en sourdine son option sur la souveraineté. En fait, à une exception près, soit lors de la dernière assemblée dans son comté, en présence de René Lévesque, qui rassemble près de 3 000 personnes. » 

Le gouvernement de René Lévesque est réélu lors de l’élection du 13 avril 1981. Le Parti Québécois fait élire 80 députés avec 49,3 % des votes et le Parti libéral, 42 députés avec 46 % des votes. Jacques Parizeau est réélu dans la circonscription de L’Assomption.

 

Alain Lavigne paraphrase les propos de Pierre Duchesne, biographe de Jacques Parizeau ainsi : « Cette victoire sans lauriers a un goût amer pour lui. Il en dira plus tard : “Lévesque a perdu sur l’essentiel, c’est-à-dire, le référendum et gagne l’accessoire : les élections de 1981.” »

Résultats de l'élection québécoise de 1981 dans la circonscription de L'Assomption.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

 Nommé ministre des Finances et ministre des Institutions financières et Coopératives 

 

Alain Lavigne croit que « la confiance de Lévesque envers Parizeau semble d’ailleurs s’effriter. À la formation du nouveau conseil des ministres, Lévesque lui retire la responsabilité du Conseil du trésor. Annonçant d’abord aux membres de son équipe son intention de démissionner, Jacques Parizeau revient finalement sur sa décision après 48 heures d’hésitation et de représentations. »

 

Le 30 avril 1981, Jacques Parizeau demeure ministre des Finances dans le cabinet Lévesque et devient ministre des Institutions financières et Coopératives (30 avril 1981 au 9 septembre 1982).

Photographie de Jacques Parizeau prêtant serment comme ministre. 1981.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Récession de 1981-1982

 

Selon Wikipédia, « entre août et décembre 1981, l’économie québécoise commence à se dérégler. Les taux d’intérêt augmentent de façon dramatique, dépassant 20 %. Les faillites se multiplient. Les usines ferment et des milliers de personnes se retrouvent brusquement au chômage. Sans le savoir, le Québec amorce la pire récession économique depuis la Grande Dépression. Dans ce contexte extrêmement difficile, les conventions collectives signées avec les employés du secteur public plombent les finances de l’État. Responsable des négociations avec les employés du secteur public, Jacques Parizeau se retrouve dans l’obligation d’imposer des compressions budgétaires à tous les ministères. Yves Bérubé (devenu le nouveau président du Conseil du trésor à partir de 1981) cherche à imposer au ministre Parizeau une annulation des augmentations de salaire prévues pour 1982. Les centrales syndicales ne bougent pas. C’est l’impasse. »

 

Autocollant du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec dénonçant les ministres Jacques Parizeau et Yves Bérubé ainsi que le premier ministre René Lévesque. 1983.

Collection Dave Turcotte

Alain Lavigne ajoute qu’en « 1982 et au début de 1983, le gouvernement Lévesque est la cible de moyens de pression et de grèves de la part de plusieurs syndicats des secteurs public et parapublic. Le gouvernement réagit à coups de lois spéciales et de décrets, lui permettant notamment de prolonger les conditions de travail de ses employés et de réduire leurs salaires. […] Le 5 avril, à l’occasion du Sommet économique de Québec, René Lévesque présente aux représentants du milieu des affaires et des syndicats les états financiers du Québec. Il annonce qu’il y a un trou de 700 000 millions $ dans les finances publiques. Et il fait alors allusion à un possible gel des salaires des employés de l’État. Les syndicats se préparent au pire.

 

Il revient au ministre des Finances de tenter de dissiper les craintes lors de son discours du budget, le 25 mai. Jacques Parizeau confirme que le gouvernement respectera ses engagements pour l’année 1982. Cependant, pour éviter la catastrophe budgétaire, il annonce du même coup que leurs conditions salariales et de travail seront revues dès le début de 1983 de la façon suivante : “Le gouvernement récupère les montants pour la période allant du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983. Les salaires touchés baissent en moyenne de 14,6 %, puis remontent. Pour les plus nantis, la récupération s’étalera sur trois ans. La tâche des enseignants est également augmentée par une modification apportée aux nombres moyens d’élèves par classe.”

 

Le 26 mai, le projet de loi 70 est déposé à l’Assemblée nationale par le président du Conseil du trésor, Yves Bérubé. Par cette loi, le gouvernement procède à une récupération salariale et prolonge par décret les conventions collectives de ses employés pendant trois mois au début de 1983. Parallèlement, le projet de loi 68 impose des modifications aux régimes de retraite, alors que le projet de loi 72 force le maintien des services essentiels dans les établissements de santé.

 

Plusieurs manifestations s’ensuivent. Le 10 novembre, le front commun syndical CSN-CEQ-FTQ déclenche une grève illégale de 24 heures. Celle-ci est stoppée par le projet de loi 50. Le 11 décembre, le gouvernement adopte la loi 105, met fin à la négociation avec ses employés et impose 109 nouvelles conventions collectives.

 

Le 26 janvier 1983, le Québec vit le début d’une série de grèves illégales. Le 15 février, l’Assemblée nationale est convoquée pour l’adoption de la loi 111. Cette dernière force le retour au travail. »

 

Pierre Duchesne écrit que : « Des années plus tard, les fonctionnaires ne pardonneront toujours pas au gouvernement péquiste d’avoir agi ainsi. Quand Jacques Parizeau sera élu premier ministre du Québec en 1994, il se fera encore reprocher l’adoption de cette mesure, même après avoir reconnu publiquement, en 1989, que l’idée n’était pas la bonne. »

Autocollant dénonçant le ministre Jacques Parizeau.

Collection Dave Turcotte

Corvée-habitation

 

Selon Wikipédia, « Afin de passer à travers la récession, Jacques Parizeau lance également le programme Corvée-habitation (avec la collaboration de la FTQ, alors la plus importante centrale syndicale du Québec) pour stimuler la construction domiciliaire en subventionnant une partie du taux hypothécaire. L’année suivante, Louis Laberge, président de la FTQ, propose la création d’un fonds des travailleurs. Le 23 juin 1983, la loi 192 vient sanctionner la mise sur pied du Fonds de solidarité de la FTQ : un fonds de retraite auquel toute la population du Québec pourra contribuer et profiter d’un crédit d’impôts de 35 %. »

Photographie de Jacques Parizeau en entrevue.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

La nuit des longs couteaux

 

Selon Wikipédia, à la suite de la défaite référendaire « René Lévesque décide de s’inspirer de la démarche de Claude Morin (son ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes) et de se lancer dans des négociations avec le reste du Canada. S’opposant depuis toujours à la démarche étapiste de Claude Morin, Jacques Parizeau recommande à René Lévesque de ne pas entamer des négociations si rapidement après la défaite référendaire, redoutant un renouvellement du fédéralisme qui affaiblirait le Québec. Malgré ces réticences, Lévesque décide d’entreprendre des négociations avec les provinces anglophones. En octobre 1980, il s’oppose formellement au rapatriement unilatéral de la constitution et au projet de Charte des droits et libertés de Pierre Elliott Trudeau (qui affaiblirait les provinces).

 

[…] Le Québec dirige alors un front commun de huit provinces (à l’exception de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick) en vue des négociations constitutionnelles. Malgré son désaccord avec son chef, Jacques Parizeau continue de se plier à sa volonté. Toutefois, les discussions constitutionnelles prennent un tournant inattendu. Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, les sept premiers ministres des provinces anglophones du front commun et le ministre fédéral de la Justice Jean Chrétien se rencontrent en secret et forment une entente constitutionnelle, ignorant les demandes du Québec.

 

Le lendemain matin, René Lévesque apprend que les autres provinces du front commun ont abandonné le Québec. Ayant toute l’autorité pour rapatrier la constitution canadienne en y enchâssant une Charte des droits et libertés, Pierre Elliott Trudeau triomphe. Celle-ci sera signée le 17 avril 1982, en présence de la reine d’Angleterre, Élisabeth II. Toutes les provinces canadiennes signeront, à l’exception du Québec. »

 

Le « Beau risque »

 

Laurence Richard rappelle que le « moral des troupes péquistes est à son plus bas. Gérald Godin se déclare prêt à renoncer à l’indépendance. Claude Charron voit le salut dans le Parti conservateur fédéral. En 1984, René Lévesque se met à parler du fédéralisme de Brian Mulroney comme d’un “beau risque”.

 

Selon Parizeau, le débat de fond sur l’option souverainiste s’engage à une réunion du Conseil des ministres qui se tient à Fort-Prével en septembre 1984 […]. Les ministres débattent avec vigueur du sort qui sera fait à l’idée de la souveraineté : certains ne veulent pas changer l’objectif du PQ d’un iota alors que d’autres, voulant éviter un autre échec, s’éloignent de l’option indépendantiste. Lévesque obtient des ministres et des députés un moratoire à ce sujet. Ils doivent cesser de parler de souveraineté pendant quelque temps. […]

 

Le débat éclate quand Lévesque, lors d’un Conseil des ministres, annonce que Pierre-Marc Johnson, ministre des Affaires intergouvernementales, pressé de s’exprimer par Le Devoir, a écrit un article dans lequel il déclare que pour éviter de se faire dire non une deuxième fois, il faut carrément changer les articles du programme disant qu’un vote pour le PQ est un vote pour la souveraineté. “L’effet est terrifiant, dit Parizeau. Tout le monde a l’impression de s’être fait rouler.”

 

La réponse vient dans la “lettre des 12” ministres opposés à l’article de Johnson. Cette lettre, rédigée par Parizeau, est signée aussi par Laurin, Lazure, Harel, Leblanc-Bantey, Marois (Pauline), Tardif, Dean, Paquette, Landry, Léonard et Léger. Intitulée nécessaire souveraineté, elle constitue un acte de foi dans l’option souverainiste : “Nous continuons de croire que la souveraineté du Québec, dans le cadre d’une association économique avec le Canada, est l’instrument privilégié du développement économique du Québec, de sa capacité d’accéder à une plus grande justice sociale et à un épanouissement culturel normal… La souveraineté du Québec n’est pas seulement une question juridique et constitutionnelle, mais économique et sociale.”

 

Avant de rendre publique cette lettre, Parizeau l’a donnée à lire à Lévesque, qui perçoit le texte comme une rébellion et non comme un appui. Il se rapproche de Johnson. “Il est clair, dit Parizeau, qu’on se dirige vers un conflit : d’un côté, ‘le beau risque du fédéralisme’, et, de l’autre, la souveraineté. Les choses ont changé.” »

Laurence Richard continue : « La crise éclate le 19 novembre. Ce jour-là, Lévesque présente un texte à ses collaborateurs en leur demandant de prévoir les conséquences possibles de sa publication. Le texte affirme que “pour la prochaine élection, la souveraineté n’a pas à être un enjeu ; ni en totalité, ni en parties plus ou moins déguisées”. C’est un virage majeur et, selon Parizeau, l’entourage de Lévesque, pour la première fois, fait une erreur d’évaluation politique terrible. Ils concluent qu’il n’y aura que deux démissions parmi les députés et les ministres. Ils croient que Parizeau, pris par son livre blanc, le terminera, que Laurin et les autres resteront pour d’autres raisons.

 

Parizeau, ce jour-là, rencontre son exécutif élargi, soit une cinquantaine de personnes, dans son comté de l’Assomption. Est à son bureau de comté, vers cinq heures, quand Lévesque lui téléphone. “Vous avez eu la politesse de m’envoyer votre texte de la déclaration des 12, lui dit le premier ministre. J’ai l’intention de rendre un texte public, à minuit, ce soir. Voulez-vous envoyer quelqu’un pour le chercher ?”

 

Parizeau confie cette mission à son attaché de presse, Normand Saint-Hilaire. Lorsqu’il lit le texte, il est déçu, mais une expression surtout le fait sursauter : “l’idéal dans lequel nous croyions”. La lecture d’un tel texte l’incite à une petite indiscrétion : il rencontre les membres de son exécutif à huit heures et leur fait lecture du texte de Lévesque. Ensuite, il se rassoit et ceux qui le suivent depuis des années comprennent. Certains tentent mollement de lui faire retarder sa démission. Quand Parizeau quitte la réunion, il est clair pour tous qu’il démissionnera.

 

Le lendemain, Jacques Parizeau ne bouge pas. Le mercredi, c’est le Conseil des ministres. Dans la moitié des journaux qui ont rapporté la lettre de Lévesque, on lit : “l’idéal dans lequel nous croyons” et dans l’autre moitié, “l’idéal dans lequel nous croyions”. Devant les autres ministres, Parizeau ne pose qu’une seule question à Lévesque : “Il faut que je sache. Est-ce que c’est yions ou yons ? Yions”, répond Lévesque.

Trois heures plus tard, Parizeau présente sa démission. Elle sera suivie de celles de Laurin, de Léonard, de Leblanc-Bantey, de Boucher, de Paquette, de Lazure et de Vaugeois. Sa mésentente avec Lévesque fait beaucoup souffrir Parizeau, à cause de la relation d’extrême confiance réciproque qui les a liés jusque-là. “Moi, j’en ai été chaviré et je pense que lui aussi a été affecté.” »

 

Jacques Parizeau donne sa démission comme ministre le 22 novembre 1984 et comme député le 27 novembre 1984.

La une du journal La Presse. 23 novembre 1984.

Collection Dave Turcotte

La une du journal La Tribune. 23 novembre 1984.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Caricature de Raoul Hunter. Journal Le Soleil. 23 novembre 1984.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Raoul Hunter

René Lévesque

 

Laurence Richard prétend que « les rapports de Jacques Parizeau et de René Lévesque sont empreints de respect et de confiance : “Ce n’étaient pas des rapports d’amitié, précise Jacques Parizeau, parce que nous étions trop différents, mais il existait une confiance totale, dans les deux sens. Je ne me suis jamais méfié de Lévesque et il n’a jamais douté de moi. On avait travaillé tellement longtemps ensemble qu’on n’avait plus besoin de se faire des dessins ! En politique, un degré de confiance pareil, c’est rare. C’est à marquer d’une pierre blanche. Cette confiance est d’autant plus nécessaire que le ministre des Finances est en quelque sorte l’alter ego du premier ministre. Paradoxalement, pendant toutes les années où il occupe le poste de ministre des Finances, alors même qu’il est perçu comme l’éminence grise ou comme le dauphin du premier ministre, il ne rencontre pas René Lévesque ailleurs qu’au Conseil des ministres, une fois par semaine. Autrement, leurs rapports se limitent à des coups de téléphone très rapides pour consulter l’autre.” »

 

Sculptures d’art populaire à l’effigie de René Lévesque et Jacques Parizeau.

Assemblée nationale du Québec

Collection Alain Lavigne

Sculpteur Wyug (Guy Waters)

Retour aux HEC

 

Après sa démission, Jacques Parizeau se retire de la vie publique et retourne enseigner aux HEC. Laurence Richard souligne que tout « le monde sait qu’il est demeuré souverainiste, ce qui ne lui facilite pas toujours la vie. On fait appel à lui en qualité d’expert, souvent pour des travaux très complexes. Mais chacun s’assure de n’être pas compromis avec un affreux séparatiste : “C’est une période extrêmement curieuse, où les ministres des Finances, à Ottawa et à Québec, me sollicitent pour des avis, des expertises, à la condition que cela ne se sache pas !” raconte Parizeau. Il travaille donc pour le gouvernement fédéral et pour le gouvernement du Québec, sur la réforme des institutions financières. Il rédige des rapports sur divers sujets et certaines sociétés lui commandent même d’importants plans de réorganisation, mais toujours en secret. »

 

En 1985 et 1986, Jacques Parizeau est le président de la Commission d’étude sur les municipalités créée par l’Union des municipalités du Québec. En 1987, il est chroniqueur invité au Ottawa Citizen.

 

Photographie de Jacques Parizeau en conférence aux HEC lorsqu'il est ministre. 16 mai 1978.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Armand Trottier


LE MINISTRE
 

Photographie de Jacques Parizeau en discussion avec René Lévesque.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Jacques Nadeau

Mosaïque des présidents et des secrétaires du Conseil du trésor de 1971 à 1991. 1992.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de Jacques Parizeau avec quelques membres du conseil des ministres du gouvernement de René Lévesque. Vers 1981.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographie de Jacques Parizeau en discussion avec Félix Leclerc et Doris Lussier. Ce dernier a dédicacé cette photographie. 1980.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographies de Jacques Parizeau en visite au Festival Western de Saint-Tite. 1979.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographies de Jacques Parizeau en visite au Festival Western de Saint-Tite. 1979.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau


Élection 1976
 

Photographies de Jacques et Alice Parizeau lors de la Saint-Jean-Baptiste à Charlemagne. 24 juin 1976.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Affiche électorale du candidat péquiste Jacques Parizeau dans L'Assomption. 1976.

Collection Dave Turcotte

Invitation à une assemblée publique du Parti Québécois en présence d'Élie Fallu, Jacques Parizeau et Guy Chevrette. 1976.

Assemblée nationale du Québec

Fonds Élie Fallu

Publicité du Parti Québécois mettant en valeur l'équipe du Québec au service des Québécois. Journal La Presse. 13 novembre 1976.

Collection Dave Turcotte

Photographie de Jacques Parizeau en entrevue sur la scène du rassemblement du Parti Québécois au Centre Paul-Sauvé à Montréal. 15 novembre 1976.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Éric Parizeau


Élection 1981
 

Dépliant électoral du Parti Québécois. 1981

Collection Dave Turcotte

Dépliant électoral du candidat péquiste Jean Garon dans Lévis. 1981

Collection Dave Turcotte

Photographies de Jacques Parizeau lors de la soirée électorale du Parti Québécois. 13 avril 1981.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Photographe Antoine Desilets

Le chef de l'opposition

Pressé de toute part, René Lévesque démissionne de son poste de président du Parti Québécois en fin de soirée le 20 juin 1985. Le fils de l'ex-premier ministre Daniel Johnson (père) est élu à la présidence du parti. Il devient par le fait même premier ministre du Québec le 3 octobre 1985. Le 23 octobre 1985, le premier ministre Johnson annonce des élections générales pour le 2 décembre suivant. À cette élection, le Parti libéral du Québec fait élire 99 députés avec 56 % du vote. Le Parti Québécois obtient 23 députés et 38,6 % du vote. Le libéral Robert Bourassa redevient donc premier ministre du Québec. 

 

Le 1er novembre 1987, l'ex-premier ministre René Lévesque meurt d’une crise cardiaque. Jacques Parizeau est dévasté. Pierre Marc Johnson, lui aussi sous pression par les militants et députés de son parti, ne survit politiquement que dix jours au décès du père fondateur du Parti Québécois. Le 10 novembre, il annonce sa démission.

Opposition

Pierre Marc Johnson est élu député du Parti Québécois dans Anjou en 1976 et réélu en 1981 et en 1985. Il est ministre du Travail et de la Main-d'œuvre dans le cabinet Lévesque du 6 juillet 1977 au 6 novembre 1980. Il est ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières du 6 novembre 1980 au 30 avril 1981. Il est ministre des Affaires sociales du 30 avril 1981 au 5 mars 1984. Il est ministre de la Justice et Procureur général du 5 mars 1984 au 3 octobre 1985. Il est ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes du 5 mars 1984 au 12 décembre 1985. Il est ministre par intérim des Communautés culturelles et de l'Immigration du 27 novembre au 20 décembre 1984. Il est élu président du Parti Québécois le 29 septembre 1985. Il est premier ministre du Québec et président du Conseil exécutif du 3 octobre au 12 décembre 1985. Il est chef de l'Opposition officielle du 12 décembre 1985 au 10 novembre 1987, date de sa démission comme président du Parti Québécois, chef de l'opposition officielle et député d'Anjou.

Photographie de presse du nouveau premier ministre Pierre Marc Johnson et de son prédécesseur René Lévesque. 2 octobre 1985.

Collection Dave Turcotte

Photographe Jacques Nadeau

La page une du Journal de Montréal. 11 novembre 1987.

Collection Dave Turcotte

La page une du journal La Presse. 11 novembre 1987.

Collection Dave Turcotte

Laurence Richard explique que « Parizeau subit des pressions de toutes parts pour remettre le PQ sur pied. Quelques jours avant la démission de Pierre Marc Johnson, Gérald Godin a fait une déclaration fracassante exigeant le départ de Johnson et affirmant qu’à son avis Parizeau doit prendre la succession. La corrida est déclenchée ! »

 

Alain Lavigne affirme qu’après « quelques hésitations, Jacques Parizeau accepte finalement de se porter candidat à la chefferie. Il le fera toutefois à sa façon. Le 18 novembre 1987, il se rend d’abord au secrétariat du parti pour y prendre sa carte de membre. Aux journalistes présents, il affirme que sa décision n’est pas prise : “[…] j’ai décidé de redevenir membre du Parti québécois et d’inviter tous ceux, qui, au fil des années, s’en sont détachés, à en faire de même. La réponse à cet appel aura une importance cruciale quant à la décision que je prendrai.”  Fin stratège, il s’assure ainsi qu’en cas de course à la chefferie il pourra compter sur suffisamment de votes pour gagner. Son appel est entendu : “Le 21 décembre, Jacques Parizeau déclare que le Parti québécois compte 7 000 nouveaux membres et que 2 000 cartes sont dans le courrier. C’est suffisant pour qu’il annonce officiellement sa candidature. Celui qui veut faire oublier ‘le concept passéiste d’affirmation nationale’ semble avoir le champ libre. ‘Si le Parti québécois est dirigé par moi, il sera clairement souverainiste et n’hésitera pas de le cacher’, proclame-t-il.” »

Photographie de Jacques Parizeau.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Chefferie de 1988

 

Laurence Richard écrit : « En mars 1988, il accepte donc le défi de remettre le parti en marche et de promouvoir à nouveau la souveraineté du Québec. Le président du Parti québécois étant élu au suffrage universel de ses membres, le nouveau candidat part aussitôt en campagne. Une campagne qu’il mène avec autant de vigueur que s’il avait 12 adversaires alors qu’il n’en n’a pas un seul. C’est l’occasion pour lui de recueillir, partout au Québec, les appuis nécessaires pour revitaliser le Parti québécois et le réorienter vers l’option souverainiste. »

 

Dans une course à la direction où il est finalement le seul en lice, le 18 mars 1988, Jacques Parizeau prend la direction du Parti québécois. Il préside sa première réunion de l’exécutif national du parti le soir même.

Caricature de Raoul Hunter. Journal Le Soleil. 17 mars 1988.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Raoul Hunter

Laurence Richard affirme qu’une « fois élu, le nouveau chef est confronté à deux groupes : un qui a suivi Pierre Marc Johnson en prônant l’affirmation nationale, souvent sans beaucoup d’enthousiasme, mais tout de même avec loyauté, et un second groupe composé des “orthodoxes” rentrés au bercail. C’est un difficile exercice d’équilibrisme auquel est convié le nouveau chef. Presque partout, dans les organisations de comtés, les présidents et les membres des comités exécutifs sont des affirmationnistes. Toute la structure du parti, peuplée d’affirmationnistes, voit surgir en quelques semaines des groupes d’“amis de Parizeau” dont la plupart ont dix ans d’expérience politique. Les rapports entre les deux groupes sont souvent très tendus. […] Le nouveau chef doit consacrer beaucoup de temps à calmer les brebis fringantes qui ont récemment réintégré le bercail. Il leur prêche la correction, la décence et les bonnes manières. Il insiste pour que le virage que le parti s’apprête à prendre soit pris dans le respect des anciens opposants. Le parti réussit à éviter les drames et la transition se fait sans trop de problèmes, sur une période d’un peu plus d’un an. L’exécutif national oppose naturellement plus de résistance que les organisations du comté. Les affirmationistes qui en sont membres adhèrent profondément aux idées de Pierre Marc Johnson. »

 

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau informent qu’en « déclinant l’offre du premier ministre Bourassa de se présenter sans opposant libéral dans la circonscription d’Anjou, laissée vacante par Pierre Marc Johnson, Parizeau consacre ses efforts à solidifier sa formation avant la tenue des élections générales prévues pour 1989. »

Congrès 1988

 

Laurence Richard croit qu’il « est désormais évident qu’une bonne organisation et des campagnes de financement réussies ne suffiront pas à remettre le parti sur pied. La préparation d’un nouveau programme constitue une priorité, Parizeau convoque donc un congrès extraordinaire du parti pour la fin de novembre 1988. Les militants et particulièrement les membres de l’exécutif national se consacrent à l’élaboration du programme. Inutile de dire que l’article 1 sur la souveraineté donne lieu à de nombreuses discussions. “L’affirmation sera remplacée par la souveraineté, sans aucun compromis, quel qu’il soit”, dit Parizeau. Il réussit à obtenir l’adhésion d’un bon nombre des partisans de la tendance Johnson, mais pas de tous. La vice-présidente du parti, Nadia Assimopoulos, le président du Comité des jeunes et quelques présidents de régions quittent le PQ. Le nouveau chef tient à une orientation claire : pas de tergiversations sur les questions de fond, mais des considérations de stratégie, pour permettre une certaine souplesse dans l’action. Au congrès de 1988, le nouveau programme est accepté. »

 

Photographie de Jacques Parizeau au 2e congrès extraordinaire du Parti Québécois tenu à Saint-Hyacinthe. 27 au 29 novembre 1988.

Collection Dave Turcotte

Accord du lac Meech et langue française

 

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau indiquent que la « question constitutionnelle est également dans l’actualité puisque l’Accord du lac Meech, devant permettre au Québec d’adhérer à la constitution avec “honneur et enthousiasme”, est menacé par les réticences de quelques provinces. Signé par les premiers ministres en 1987, cet accord doit être ratifié par les législatures provinciales avant juin 1990, une échéance qui, à mesure qu’elle approche, accentue la pression sur les gouvernements concernés.

 

À cet égard, la grande polémique du dernier mandat fut la décision prise en décembre 1988 par le gouvernement libéral de recourir à la clause dérogatoire, prévue par la constitution, pour maintenir l’affichage unilingue français à l’extérieur des commerces (projet de loi 178). Cette décision est mal accueillie au Canada anglais. Elle donne un élan à ceux qui contestent, et qui auront finalement raison de l’Accord du lac Meech en refusant sa ratification en 1990.

 

Cette période est également marquée par la mobilisation des milieux nationalistes qui, eux, réclament le respect de la Charte de la langue française en matière d’affichage. Le 18 décembre 1988, un Centre Paul-Sauvé survolté ovationne Parizeau lors du “plus important ralliement nationaliste depuis le référendum de 1980”. »

 

 Élection québécoise du 25 septembre 1989 

 

Alain Lavigne souligne que « pour Jacques Parizeau, la campagne électorale de 1989 est une première à titre de chef. Avec le slogan “Je prends le parti du Québec”, le nouveau Capitaine Québec fait face à un Robert Bourassa en plein contrôle de son gouvernement, qui nage en eaux calmes depuis quatre ans. De surcroît, la caisse du PLQ est bien remplie. Elle permet aux libéraux de dépenser 1,211 million $ au cours de la campagne, dont 440 312 $ en publicité. À titre comparatif, le PQ ne dépensera qu’un total de 677 730 $, dont seulement 178 729 $ en publicité.

Autocollant électoral du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Malgré cet écart financier important, plusieurs observateurs s’entendent pour dire que la meilleure campagne a été menée par Jacques Parizeau : “Il étonna d’abord par un langage clair sur l’option fondamentale de son parti. Ensuite, il modifiait son style professoral pour adopter une pédagogie plus populiste se montrant en toutes circonstances serein et confiant et émaillant ses discours de formules chocs qui fixent les idées.” Des journalistes les remarquent et s’en délectent, notamment à l’occasion d’une prise de bec avec le ministre du Revenu Yves Séguin. Parizeau déclare alors que ce dernier s’est littéralement “auto-pelure-de-banalisé”. Fine observatrice des nouvelles expressions colorées du chef du PQ, Lysiane Gagnon rédige une chronique entièrement consacrée à la “langue parizienne”, où elle se délecte de certaines de ces expressions comme celle qui veut qu’il ne faut “pas se mettre à gosser les poils de grenouille !” et celle “se grouiller le popotin”. La population découvre ainsi un Jacques Parizeau spirituel et capable d’humour. […]

 

En misant sur la publicité télé, Parizeau rappelle qu’il est “entré en politique uniquement pour réaliser la souveraineté du Québec et qu’il s’est fixé comme but de laisser à ses enfants et à ses petits-enfants un Québec vert et prospère, socialement plus solidaire à l’intérieur de ce cadre de la souveraineté”. Les messages péquistes les plus fréquents sont ceux où le chef parle de son amour du Québec et ceux où il présente son équipe. »

Affiche électorale du Parti Québécois mettant de l'avant un Québec vert. 1989.

Collection Dave Turcotte

Don de Catherine Dextras, fille de Jean Dextras, agent officiel de la campagne nationale du Parti Québécois en 1989 

Éric Bédard soumet que « Jacques Parizeau avait beau avoir “une idée claire du Québec” — le slogan de sa campagne à la chefferie — et se présenter à tous comme un véritable croisé de l’indépendance, il se gardait bien de proposer une élection référendaire, ni même un référendum sur la souveraineté du Québec. Il savait qu’une telle démarche aurait mené le Parti québécois dans un cul-de-sac. Il était peut-être un croisé, mais certainement pas un kamikaze. Le Jacques Parizeau de cette époque savait s’adapter aux circonstances. Il proposait alors des référendums “sectoriels” sur des enjeux comme la culture ou l’immigration. »

 

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau précisent que « Parizeau propose de tenir des “référendums sectoriels” dans différents domaines — formation de la main-d’œuvre, langue, culture, etc. —, afin de rapatrier au Québec des pouvoirs exercés à Ottawa. Parallèlement à cela, son gouvernement entreprendrait des travaux de mise au point d’une constitution québécoise, avant la tenue d’une consultation sur la souveraineté. Le chef du Parti québécois résume cette approche comme “la mise en place d’un vrai gouvernement, mais aussi d’un vrai pays”. La stratégie péquiste retient l’attention. Selon les sondages, la marge observée en début de campagne se rétrécit et les libéraux n’auraient plus qu’une avance de 7 à 10 points. »

 

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau mentionnent que « Parizeau propose d’accroître les budgets en culture et en éducation, en plus de défendre l’idée d’une taxe de 1 % aux entreprises pour la recherche et le développement. Ses engagements s’élèvent selon lui à environ 3,3 milliards sur 4 ans, une somme qu’il croit obtenir sans hausser les impôts et les taxes des particuliers. »

Photographie de Jacques Parizeau à la rencontre d'un travailleur.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Alain Lavigne relate que « Jacques Parizeau mène sa campagne au rythme d’un marathonien. Le dernier jour, avec sa femme Alice, dont l’état de santé est fragile, il fait la tournée des bureaux de vote dans L’Assomption. »

 

Le 25 septembre 1989, le gouvernement de Robert Bourassa est réélu. Le Parti libéral fait élire 92 députés avec 49,9 % des votes, le Parti Québécois, 29 députés avec 40,2 % des votes et le Parti Égalité, 4 députés avec 3,7 % des votes. Malgré sa déception de ne pas avoir fait élire beaucoup de députés, Jacques Parizeau est réélu dans L’Assomption avec 5 134 voix de majorité.

Résultats de l'élection québécoise de 1989 dans la circonscription de L'Assomption.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau analysent qu’avec « un résultat supérieur à celui de 1985 en pourcentage de voix, de 38,7 % à 40,2 %, il fait élire 6 candidats de plus, soit 29. Du nombre, le chef Jacques Parizeau qui, après cinq ans d’absence, effectuera un retour à l’Assemblée nationale comme député de L’Assomption et chef de l’opposition. Il sera entouré de quelques vétérans du parti qui siégeront, eux aussi, sur les banquettes de l’opposition : Denis Lazure, Jacques Léonard, Pauline Marois, etc. Le parti de René Lévesque a-t-il retrouvé une erre d’aller ? André Préfontaine du Droit le pense, parlant de “la campagne à l’emporte-pièce” du chef péquiste qui “se sera attiré le respect de tous et aura réussi à donner un second souffle à l’option souverainiste”. Le sociologue Pierre Drouilly est plus nuancé. Ce dernier constate l’état “de démobilisation de l’électorat péquiste que la nouvelle équipe dirigée par Jacques Parizeau n’est pas parvenue à remobiliser”. Et ce, malgré par exemple l’appui de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la centrale syndicale qui compte le plus de membres. »

 Devient chef de l'opposition officielle 

 

En obtenant un siège à l’Assemblée nationale, il devient maintenant chef de l’opposition officielle le 28 novembre 1989.

Photographie de Jacques Parizeau lors de son assermentation. Ministère des communications du Québec. 1989.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Louis Rioux

Photographie de Jacques Parizeau échangeant avec Robert Bourassa. Sur la photographie on peut aussi remarquer le député Michel Bissonnet et l'épouse du premier ministre, Andrée Simard. Vers 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Marc Lajoie

Photographie de Jacques Parizeau en compagnie de l'épouse de René Lévesque, Corinne Côté, du premier ministre Robert Bourassa et du Directeur général des élections Pierre F. Côté lors de l'inauguration de l’édifice René-Lévesque logeant à l'époque les bureaux du Directeur général des élections du Québec. 31 mai 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Congrès de 1991

 

Laurence Richard décrit que « quelques années plus tard, maintenant que l’idée de la souveraineté a fait beaucoup de chemin, Parizeau trouve autour de lui des militants qui n’ont que faire d’un référendum et qui veulent proclamer la souveraineté au lendemain d’une élection victorieuse. C’est à son tour de mettre les freins et de demander qu’on s’abstienne de brusquer les gens. Après le congrès de janvier 1991, Jacques Parizeau a le parti bien en main et il le croit plus que jamais apte à réaliser la souveraineté nationale du peuple québécois. »

Affiches du 11e congrès national du Parti Québécois tenu à Québec. 25 au 27 janvier 1991.

Collection Dave Turcotte

Commission Bélanger-Campeau

 

La Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec (commission Bélanger-Campeau) est créée par l'Assemblée nationale du Québec à l'initiative du premier ministre Robert Bourassa, après le rejet de l'accord du lac Meech. Elle a pour mandat « d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler, à cet égard, des recommandations » à l'Assemblée nationale. Elle est présidée par Michel Bélanger et Jean Campeau.

Jacques Parizeau explique que « la commission Bélanger-Campeau fut, paradoxalement, un moment de grand péril. Jamais l’option souverainiste n’avait été aussi forte dans l’opinion publique. Mais il subsistait encore un espoir tenace selon lequel il fallait donner une dernière chance au système fédéral. Donnerait-on une dernière chance au Canada avant de proposer un référendum sur la souveraineté ? Et qui jugerait de la qualité de cette dernière chance ?

 

Sans reprendre dans les menus détails les tractations entre les membres de la commission Bélanger-Campeau, disons simplement que mon entêtement n’est pas venu à bout de l’espoir que continuait de susciter l’idée d’une dernière chance. Mais au moins, la recommandation fut faite de tenir un référendum sur la souveraineté et de le tenir au plus tard en octobre 1992.

 

Les représentants du gouvernement signèrent le rapport Bélanger-Campeau. Le gouvernement présenta un projet de loi (la loi 150) qui reprenait mot pour mot les recommandations de la commission Bélanger-Campeau, mais en les faisant précéder de considérants qui soulevaient des doutes sérieux quant à l’intention véritable de tenir le référendum prévu par la loi. Après que les deux commissions parlementaires créées par la loi 150 eurent siégé pendant des mois (l’une traitant des conséquences de l’accession à la souveraineté, l’autre se penchant sur les balises d’une offre acceptable), le gouvernement annonça qu’il n’y aurait pas de référendum. Les Québécois s’étaient encore fait rouler. »

Photographie de Michel Bélanger et Jean Campeau entourant Jacques Parizeau. 1990.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau

Photographe Marc Lajoie

Photographie de Jacques Parizeau à la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec (Commission Bélanger-Campeau). 1990-1991.

Fonds Assemblée nationale du Québec

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Ministère des Communications du Québec

Photographe Marc Lajoie

Rapport de la Commission sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec. 1991.

Collection Dave Turcotte

Référendum 1992

 

Jacques Parizeau mentionne qu’à « Ottawa, pendant ce temps, on cherche toujours une solution. De commissions d’enquête en spectacles télévisés, on arrive finalement à un accord entre le premier ministre canadien, les premiers ministres des provinces et les chefs autochtones sur un projet de vaste réforme constitutionnelle, projet qui sera soumis à l’approbation des électeurs dans le cadre d’un référendum pancanadien. Ce sera le référendum de 1992 sur l’entente de Charlottetown. Pas celui que je souhaitais. Qu’importe. L’occasion est belle de descendre ce canard de la dernière, dernière chance du fédéralisme canadien. »

 

Sans surprise, Jacques Parizeau agit à titre de président du comité du Non lors de ce référendum. Les résultats sont sans appel. Jacques Parizeau écrit : « Les Québécois votèrent majoritairement contre le projet ; les Canadiens des provinces anglaises se prononcèrent eux aussi majoritairement contre, de même que les autochtones. Le cirque constitutionnel se terminait donc par un vote des trois électorats contre tous les dirigeants du Canada. Du jamais vu ! À partir de là, mon programme devint clair. En 1992, on a gagné le référendum de Charlottetown. En 1993, la majorité de la députation du Québec à Ottawa est composée de souverainistes. En 1994, le Parti québécois reprend le pouvoir au Québec. Et en 1995, le référendum sur la souveraineté aura lieu. »

 

La page une du magazine L'Actualité. 1er novembre 1992.

Collection Dave Turcotte

La page une du magazine Journal de Québec. 27 octobre 1992.

Collection Dave Turcotte


CHEF DE L'OPPOSITION
 


Chefferie 1988
 

Lettre de Jacques Parizeau remerciant le futur député Roger Paquin de son appui. 5 février 1988.

Collection Dave Turcotte

Don de Roger Paquin


Le parti
 

Affiche du Parti Québécois. Entre 1988 et 1994.

Collection Dave Turcotte

Affiche de la campagne de financement du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Carte circulaire de Jacques Parizeau pour remercier les citoyens ayant contribué à la campagne de financement du Parti Québécois. 1993.

Collection Richard G. Gervais

Assemblée nationale du Québec


Élection 1989
 

Affiche électorale du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Bannière électorale du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Affiches électorales du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Bannière électorale du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Macaron électoral du Parti Québécois. 1989.

Collection Dave Turcotte

Invitation à un déjeuner-causerie par Jacques Parizeau le 18 septembre 1989. Le Cercle canadien de Montréal. 1989.

Collection Richard G. Gervais

Assemblée nationale du Québec


Référendum 1992
 

Photographie de Jacques Parizeau lors d'un rassemblement référendaire. 1992.

 Fonds André Gaulin

Assemblée nationale du Québec

Photographies de Jacques Parizeau à une épluchette de blé d’Inde dans la circonscription de La Prairie. Vers 1992.

Collection Dave Turcotte

Don de Serge Geoffrion

Brochure explicative du Directeur général des élections du Québec. 1992.

Collection Dave Turcotte

Autocollant du Comité du Non. 1992.

Collection Dave Turcotte

Affiche du Comité du Non. 1992.

Collection Dave Turcotte

Affiche du Comité du Non. 1992.

Collection Dave Turcotte

Affiche du Comité du Oui. 1992.

Collection Dave Turcotte

Dépliant du Comité du Oui. 1992.

Collection Dave Turcotte

Photographie de presse de Jacques Parizeau lors de la soirée référendaire. AP Photos. 26 octobre 1992.

Collection Dave Turcotte

Photographe Bill Crimshaw

PM

Le premier ministre

 Élection québécoise du 12 septembre 1994 

Éric Bédard se souvient de « la tournée à vélo du Comité national des jeunes du Parti québécois […] lancée le 21 juin à Montréal, en présence de candidats et de députés venus nous encourager. M. Parizeau était également de la partie. Pour le plus grand plaisir des photographes et des caricaturistes, il a vacillé quelques mètres sur un vélo de fortune emprunté à je ne sais qui. Toute l’équipe était fin prête. Nous avions fait faire des t-shirts et une grande banderole ; chaque personnalité rencontrée signait un livre d’or. […] Durant une journée type, nous parcourions de soixante à cent kilomètres. Arrivés à notre destination, nous étions accueillis par nos représentants jeunes de la région ainsi que par le candidat ou le député de la circonscription. Le porte-parole (c’était souvent moi) expliquait à la presse locale les objectifs politiques et symboliques de cette tournée. Nous voulions bien sûr rencontrer les jeunes “du terrain”, les écouter et expliquer notre programme, mais aussi montrer toute notre détermination à faire le Pays. […] Ces points de presse étaient suivis de visites de maisons de jeunes et de groupes communautaires. »

Éric Bédard relate que « la campagne électorale fut déclenchée en plein été par le premier ministre libéral Daniel Johnson. “L’autre façon de gouverner” : tel était le slogan des péquistes en vue des élections de septembre. Une diversion par rapport à l’objectif numéro un du parti, s’indignèrent les libéraux. Même si le Québec de Jacques Parizeau devait rapidement devenir souverain — il promettait clairement de tenir un référendum le plus tôt possible —, ce slogan restait fidèle à la ligne Lévesque du “bon gouvernement”. Les stratèges avaient évalué que, pour obtenir les clés du pouvoir “provincial”, il fallait d’abord faire porter la campagne sur le bilan des libéraux. »

Manteau arborant le slogan électoral du Parti Québécois. 1994.

Collection Daniel Paillé

Alain Lavigne soumet que le « PQ débute la campagne avec un plan de match très clair : les messages viseront à exploiter l’insatisfaction à l’endroit des libéraux et à mobiliser le désir de changement de gouvernement, tout en capitalisant sur la compétence de son chef et sur un programme complet et clair. Le choix du slogan “L’autre façon de gouverner” va dans ce sens. Il met en relief la volonté de changer la façon de diriger les affaires de l’État et souligne les différences de perspectives offertes : “Ce slogan permettait d’associer dans l’esprit des électeurs la critique du bilan libéral, le choix d’une nouvelle équipe et l’option souverainiste.” De plus, Lisette Lapointe, la nouvelle épouse de Jacques Parizeau, est omniprésente lors de la campagne, demandant “à son mari de mettre à sa disposition une équipe de tournée exclusivement pour elle”. »

 

Éric Bédard note qu’en « quelques années, son look avait complètement changé. Finis les complets trois-pièces et les cheveux lissés. Il avait également cessé de fumer et perdu du poids — son épouse s’assurait que les serveurs ne lui apportent aucun dessert ! Il lui arrivait même de laisser tomber la cravate et de se permettre certaines audaces, comme de danser avec nous, les yeux fixés sur Lisette Lapointe, que le regard du public semblait griser. »

Photographie de Lisette Lapointe et Jacques Parizeau allant exercé son droit de vote. 12 septembre 1994.

Collection Dave Turcotte

Photographe Paul Chiasson

Alain Lavigne avance que la « stratégie publicitaire est par ailleurs bien planifiée et compte sur des messages plus diversifiés que l’adversaire libéral : “On a surtout voulu rassurer les gens, on a misé sur les qualités de l’équipe sans pour autant cacher le chef et, surtout, on a insisté sur le fait que le Québec avait besoin de changement et que le Parti québécois représentait ce changement.” parmi les messages télé, trois mettent en scène Jacques Parizeau. Les candidats sont vus, mais ils ne parlent jamais. »

 

Éric Bédard commente que « comme à leur habitude, les libéraux, pour mieux faire oublier leur piètre gestion, répétaient qu’un vote pour le PQ était un vote en faveur de la “séparation”. En 1994, ils avaient cependant raison, c’était précisément le dessein de Monsieur et de tous ceux qui le suivaient. Politicien coriace, Daniel Johnson allait multiplier les discours jusqu’à la dernière minute ; de son côté la direction péquiste, croyant probablement la victoire acquise, avait ralenti la cadence en fin de campagne. »

 

Pierre Duchesne rapporte que Jacques Parizeau reconnaît que ce fut une erreur. « Je fais trop chef d’État, précise-t-il. La dernière semaine, je commence à avoir la grosse tête. Je trouve que ça va trop et très bien, pendant que Johnson “varge” à tour de bras. Mon attitude a coûté 1 ou 2 % des votes. »

 

Alain Lavigne rappelle que devant trois millions de téléspectateurs, branchés sur les ondes de Radio-Canada, TVA et Radio-Québec, le « soir du 29 août, Jacques Parizeau et Daniel Johnson s’affrontent dans un débat télévisé animé par Jacques Moisan. Les attentes sont grandes puisque le dernier débat du genre remonte à la campagne électorale de 1962. Le “Face-à-face 94” ne passera pas à l’histoire. La plupart des commentateurs de l’époque conclurent à un match nul. Pour d’autres cependant : “Jacques Parizeau sembla avoir mieux réussi que son adversaire à tirer son épingle du jeu et à améliorer son image publique en se montrant plus calme et détendu que son adversaire qui, par moment, montra des signes d’agitation.” »

Jean-Herman Guay et Serge Gaudreau soulignent que « signe des temps, les chefs des trois principales formations acceptent aussi de participer, à tour de rôle, à une émission présentée sur Musique Plus. Cette chaîne rejoint surtout les jeunes électeurs. Autre indice révélateur des nouvelles tendances : chaque parti se dote d’équipes en alerte, prêtes à réagir promptement à chaque déclaration ou à chaque incident. Enfin, le Parti québécois ne tient pas de grands rassemblements, comme c’était la coutume, en fin de campagne. Sa soirée électorale se déroule même à Québec, et non à Montréal, une première. »

 

Alain Lavigne écrit que dans « son comté, Monsieur est toujours bien visible dans les pages de L’Artisan. Il est notamment à la une de l’édition du 2 août qui titre : “Parizeau multiplie promesses…” De plus, des publicités sont présentes dans toutes les parutions de l’hebdomadaire au cours des semaines qui suivent. On y avance qu’avec Parizeau et le PQ, ce sera : “Pas de laisser-faire. Juste de la solidarité” (16 août), “Pas de laisser-faire. Juste de l’imagination” (23 août et 6 septembre). »

 

Le 12 septembre 1994, Jacques Parizeau est élu premier ministre suite avec une victoire beaucoup plus serrée qu’il l’espérait. Le Parti Québécois fait élire 77 députés avec 44,75 % des votes, le Parti libéral, 47 députés avec 44,4 % des votes et l’Action démocratique du Québec, un député avec 6,46 % des votes. Dans L’Assomption, Jacques Parizeau est réélu avec une majorité de 10 992 votes.

Résultats de l'élection québécoise de 1994 dans la circonscription de L'Assomption.

Musée virtuel d'histoire politique du Québec

Éric Bédard affirme que « c’était une victoire au goût amer. L’objectif du nouveau gouvernement n’était pas seulement de diriger le Québec, mais d’en faire un pays souverain. Comme Monsieur s’était engagé à tenir un référendum dans les mois qui suivraient l’élection, nous avions tous l’impression que le temps nous était compté, et ce sentiment d’urgence était source de nervosité et d’anxiété. Il faut dire que Monsieur n’était pas du tout satisfait des résultats et qu’il ne se gênait pas pour le faire savoir par l’entremise de Jean Royer, devenu chef de cabinet du premier ministre. Ce dernier fut chargé d’opérer une véritable purge à la permanence. […] Il espérait bénéficier de l’effet de la victoire, maintenir les troupes en haleine, poursuivre la mobilisation jusqu’au Oui final. La courte victoire électorale l’obligeait à écarter ce scénario, du moins en partie. »

 Élu premier ministre du Québec 

Nouvellement élu, Jacques Parizeau est assermenté à titre de premier ministre du Québec le 26 septembre 1994.

Carte professionnelle de Jacques Parizeau. Vers 1994.

Collection Alain Lavigne

Jacques Parizeau confirme que « deux grandes idées s’étaient dégagées de sa campagne électorale. Premièrement, il y aurait dans l’année suivant l’élection un référendum pour réaliser la souveraineté du Québec. Deuxièmement, il fallait régler une foule de problèmes qu’un gouvernement vieilli, usé, avait négligés ou simplement renvoyés aux calendes grecques. Il fallait “bouger”, selon le slogan de la campagne, tout en faisant en sorte qu’après deux ans au pouvoir on cesserait d’emprunter pour les opérations courantes, c’est-à-dire pour payer l’épicerie. J’étais certain que mon gouvernement pourrait préparer le référendum, faire démarrer un certain nombre de projets d’ordre économique et social tout en entreprenant sérieusement d’assainir des finances publiques délabrées. Effectivement, tout cela a été fait. »

 

Pierre Duchesne note que « malgré un style et une personnalité que les Québécois n’apprécient guère, Jacques Parizeau, le mal-aimé de la politique québécoise, devient donc premier ministre. Au-delà de son image, l’électorat lui fait confiance pour ses compétences et sa promesse de bonne gestion. De tous les chefs du Parti québécois, c’est lui qui a parlé avec la plus grande transparence de son intention de réaliser la souveraineté. Avec son arrivée au pouvoir, les Québécois s’attendent donc à devoir voter à nouveau lors d’un référendum. »

 

Alain Lavigne relate qu’aussitôt « au pouvoir, tel qu’il l’avait promis, Jacques Parizeau amorce rapidement le processus qui va conduire au référendum du 30 octobre 1995. Nul doute qu’il pense la raison d’État en homme d’État : « Il croit surtout que le leadership politique doit créer l’histoire et donner une direction aux événements, plutôt que se mettre à leur remorque. » Aux yeux d’un de ses proches collaborateurs, son gouvernement fonctionne avec deux moteurs : l’un pour les affaires de l’état et autre pour préparer le référendum.

 

Dans l’entourage du premier ministre, les conseillers s’efforcent de lui donner une stature présidentielle : “La première conférence de presse se déroule donc au Château Frontenac, un lieu par ailleurs très fréquenté par Jacques Parizeau. On pense un moment à doter le premier ministre d’un porte-parole, tout comme le président américain, puis on se ravise.” »

Résidence officielle

 

Alain Lavigne explique que « Parizeau insiste aussi pour que la capitale fonctionne cinq jours sur cinq. Dans cette optique, il accepte l’idée de la Chambre de commerce de Québec voulant que le premier ministre ait une résidence de fonction dans la Vieille Capitale. Le couple Parizeau s’installe donc au 1080, rue des Braves, une résidence que l’on aura tôt fait de surnommer “l’Élysette”, à la suite du concours d’une radio. »

 

Pierre Duchesne ajoute que « l’enfilade des pièces de l’Élysette est idéale pour les réceptions. La première dame de l’époque se rappelle que “c’est pour ça que la maison de la rue des Braves a été privilégiée”. Tous les jeudis, la résidence accueille des “six à huit” prestigieux qui font la fortune des compagnies de taxi de la capitale. Aux gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre pouvaient se succéder les citoyens émérites de Saint-Georges de Beauce, débarqués en autobus. »  

 

Photographie de la résidence officielle du premier ministre Jacques Parizeau située au 1080, avenue des Braves à Québec. 2021.

Collection Dave Turcotte

Avant-projet de loi sur la souveraineté

 

Éric Bédard souligne que « Jacques Parizeau était l’anti-Robert Bourassa ; avec lui, la volonté était au pouvoir. Nous avions à la tête du Québec un vrai chef qui annonçait ce qu’il allait faire, et qui faisait ce qu’il avait annoncé. On sentait que Monsieur avait un plan et qu’il s’y tenait. C’était inspirant ! […] En quelques semaines, le chef de parti s’était métamorphosé en premier ministre. Ces démonstrations de détermination et de volonté n’étaient cependant qu’une mise en bouche. Le plat de résistance allait être servi aux Québécois le 6 décembre 1994. Ce jour-là, le gouvernement déposait son avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec, dont le premier des dix-sept articles se lisait comme suit : “Le Québec est un pays souverain.” »

 

À cet avant-projet de loi, le premier ministre crée 18 commissions régionales sur l’avenir du Québec. Le soir du 6 décembre, dans un « appel à la nation » télévisé, il invite les Québécois à s’exprimer sur l’avant-projet de loi, notamment en participant activement aux audiences des commissions régionales.

 

Jacques Parizeau précise que son intention est de dire aux Québécois que « nous allons maintenant entrer dans une phase de discussions générales, que tout peut être discuté. Sauf bien sûr l’idée de faire de l’avant-projet de loi un texte orienté vers l’unité canadienne et que la page laissée en blanc sous le titre “Préambule” sera remplie après que nous aurons reçu toutes les suggestions que les citoyens et citoyennes voudront bien exprimer. »

 

En décembre 1994, l’avant-projet de loi est expédié par la poste dans tous les foyers du Québec.

Avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec autographié par Jacques Parizeau. 1994.

Collection Alain Lavigne

Commissions sur l’avenir du Québec

 

Jacques Parizeau affirme que « des commissions régionales itinérantes sont formées pour entendre tous ceux qui souhaitent témoigner devant elles et discuter de l’une ou de l’autre des dispositions ou de l’ensemble de l’avant-projet de loi. Tous les partis politiques qui ont des députés à l’Assemblée nationale ou des députés québécois à la Chambre des communes sont invités à nommer des représentants au sein de ces commissions qui, toutefois, ne comptent pas de députés ou de ministres en fonction. Le Parti libéral du Québec et le Parti libéral du Canada, dirigés respectivement par Daniel Johnson fils et Jean Chrétien, décident de bouder les commissions. Le Bloc québécois, sous la direction de Lucien Bouchard, s’associe dès le début à la démarche. Pour sa part, l’Action démocratique du Québec, entraînée par son chef et seul député à l’Assemblée nationale, Mario Dumont, accepte de participer à l’exercice.

 

Un effort est fait afin d’aller chercher des gens qui, ayant joué un rôle dans les partis politiques, ont maintenant pris un certain recul. Marcel Masse, ancien ministre de Daniel Johnson père et ministre de la Défense nationale de Brian Mulroney, sera le président de la commission de Montréal. Jean-Paul L’Allier, maire de Québec et ancien ministre de la Culture et des Communications de Robert Bourassa, présidera la commission de Québec. De plus, des élus locaux et régionaux, et des personnes qui, souvent dans l’ombre, sont engagées dans leurs milieux de vie ou de travail, parmi lesquelles plusieurs femmes et des jeunes, seront nommés après de longues consultations. 

En janvier 1995, on expédie dans tous les foyers du Québec le guide de participation aux Commissions sur l’avenir du Québec. Le 3 février, les Commissions sont officiellement lancées et commencent à siéger. Il y aura 18 commissions : 16 régionales, plus une commission des aînés et une commission des jeunes. [La commission des jeunes est présidée par l’animateur de l’émission vedette chez les jeunes de cette époque, Marc-André Coallier.] Une fois que les commissions régionales auront déposé leur rapport, une commission nationale fera une synthèse de ces rapports et présentera ses conclusions. Les présidents et présidentes des commissions constituent la Commission nationale sur l’avenir du Québec et élisent leur président. Monique Vézina, ancienne ministre et présidente de la Commission des aînés, sera élue présidente par ses pairs.

Au total, 53 000 personnes assisteront aux séances publiques des commissions. La télévision communautaire à Montréal retransmet les débats. L’audience atteint jusqu’à 400 000 téléspectateurs. L’exercice est admirable tant par l’intensité de la participation du public que par les idées qui en émergent. […]

 

Les rapports [des 18 commissions] sont déposés entre le 13 et le 21 mars 1995. À partir de là, les événements se précipitent. Le 22 mars, j’inaugure les travaux de la Commission nationale sur l’avenir du Québec. […] Le 19 avril, la Commission nationale sur l’avenir du Québec remet son rapport. »

Le camp du changement

 

Éric Bédard raconte qu’aux « journalistes qui le harcelaient au sujet de la date du référendum, le premier ministre Parizeau répondait inlassablement que celui-ci aurait lieu très rapidement, peut-être même en juin 1995, et qu’un Oui donnerait à l’Assemblée nationale le pouvoir de déclarer l’indépendance du Québec. Ce jusqu’au-boutisme apparent avait le don d’exaspérer le chef du Bloc québécois[, Lucien Bouchard,] et d’inquiéter quelques ténors du gouvernement, dont Bernard Landry, influent vice-premier ministre […]. Isolé, poussé dans ses derniers retranchements, le premier ministre avait été forcé de reconnaître, à la conférence de presse de clôture du Grand Rassemblement des jeunes péquistes de Saint-Hyacinthe, que les Québécois n’étaient “pas prêts, maintenant, à voter en faveur de la souveraineté”, mais qu’ils le seraient “d’ici peu”… J’étais à ses côtés lorsqu’il a baissé les bras ; je le sentais las, résigné, déçu de ne pouvoir lancer l’offensive plus rapidement. »

 

Lucien Bouchard est agacé non seulement par le calendrier référendaire, mais aussi par la nature du projet soumis aux Québécois. L’aile jeunesse du Bloc présente un mémoire lors des audiences de la Commission des jeunes sur l’avenir du Québec. Ce mémoire propose un nouveau partenariat entre le Québec et le reste du Canada, fondé sur des institutions politiques communes. Cette approche rappelle celle des dissidents libéraux et de Mario Dumont, qui privilégient une nouvelle confédération à une refondation indépendantiste.

 

Éric Bédard poursuit : « Dans son célèbre discours d’ouverture aux assises du Bloc, prononcé le soir du 7 avril 1995 en présence du premier ministre du Québec, Lucien Bouchard avait annoncé clairement ses couleurs : “Le projet souverainiste doit prendre un virage qui le rapproche davantage des Québécois et qui ouvre une voie d’avenir crédible à de nouveaux rapports Québec-Canada.” Virage : le mot était lancé ! Pour faire bouger l’aiguille des sondages, le chef bloquiste croyait qu’il était urgent de donner un coup de barre, quitte à revenir à une nouvelle mouture de la “souveraineté-association” de René Lévesque. L’heure n’était plus à la rupture avec le Canada mais à une nouvelle entente, un nouveau “partenariat” économique, voire politique, fondé sur l’égalité entre nos deux peuples. […] Peut-être parce qu’il sentait que cette perception commençait à se cristalliser dans les esprits, Lucien Bouchard, à l’occasion d’une entrevue radiophonique diffusée trois jours plus tard, a donné une tournure dramatique aux événements : “Moi, s’il a une chose que je ne veux pas, c’est d’assister ou de participer à une campagne référendaire qui nous conduirait d’une façon assurée à l’échec. Je ne veux pas que le Québec se fasse batter une deuxième fois.” Le chef du Bloc était on ne peut plus clair : le projet de partenariat avec le reste du Canada devait occuper une place beaucoup plus importante, et, à défaut d’être entendu, il s’abstiendrait de “participer” à la campagne référendaire. Avec de telles déclarations, le déni n’était plus possible. La crise entre les deux chefs était majeure, ouverte. »

 

Éric Bédard croit qu’en « politique, découvris-je assez rapidement, rien n’est jamais terminé, à moins d’être l’esclave de son ego. Le succès de l’opération référendaire était entre les mains du premier ministre : s’il campait sur ses positions, nous allions tout droit vers un mur ; s’il mettait de l’eau dans son vin, les bloquistes se vanteraient d’avoir fait plier le chef du gouvernement. Autour de Monsieur, ses conseillers s’activaient pour trouver une porte de sortie honorable. Les conclusions du rapport de la Commission nationale sur l’avenir du Québec, présidée par l’ancienne ministre conservatrice Monique Vézina, permirent au premier ministre de sauver la face et de débloquer l’impasse. Tablant sur ce rapport, le chef du gouvernement, lors d’un discours prononcé le 19 avril au salon rouge de l’hôtel du Parlement, employa pour la première fois le concept de “camp du changement” — immédiatement salué par Mario Dumont. Par rapport aux scénarios d’association future avec le reste du Canada, Monsieur montra une ouverture nouvelle. Si certains de ces scénarios lui semblaient “incontournables” — le libre-échange, par exemple — d’autres pouvaient s’avérer “envisageables”, voire “souhaitables”. Le premier ministre se garda bien de se montrer trop précis. On sentit cependant un déplacement des plaques tectoniques. Quelque chose était en train de passer, les contours du projet se redessinaient sous nos yeux. »

De là, des représentants du Parti Québécois, du Bloc Québécois et de l’Action démocratique du Québec négocient discrètement et avec succès une entente. Alain Lavigne écrit : « Signée le 12 juin, une entente tripartite entre les trois leaders souverainistes, désignée sous le nom du “camp du changement”, établit un nouveau plan quant à la manière de procéder. Dans l’éventualité d’un Oui au référendum, l’Assemblée nationale pourrait proclamer la souveraineté du Québec, mais devrait, au préalable, offrir au Canada de négocier un traité de partenariat économique et politique. Ce virage inversait dès lors les rôles. Les souverainistes pouvaient mener positivement la bataille pour une association avec le Canada. Si cette option échouait, ce sont les fédéralistes qui devraient payer l’odieux du rejet des offres du Québec. »     

Référendum de 1995

 

Jacques Parizeau énumère quelques gestes posés pour préparer les Québécois à cette grande décision. « Les études commandées à divers chercheurs sous la direction de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) visant à clarifier certains aspects de la souveraineté (documents communément appelés “études Le Hir”) commencent à sortir. Le 6 septembre, le projet de préambule préparé par Gilles Vigneault, Marie Laberge, Fernand Dumont et Jean-François Lisée est dévoilé au Grand Théâtre de Québec. Le 21 septembre, enfin, est publié Le cœur à l’ouvrage, qui n’est pas un projet de société, ce serait bien ambitieux, mais une réflexion qui ouvre des perspectives intéressantes sur l’avenir.

Brochures publiées en français et en anglais par le camp du changement présentant des perspectives pour le Québec de l’après-oui. 1995.

Collection Dave Turcotte

Quelques jours auparavant, soit le 7 septembre, l’Assemblée nationale a été convoquée. Le projet de loi sur la souveraineté a été présenté avec le libellé de la question référendaire. […]

 

Acceptez-vous que le Québec devienne un pays souverain, après avoir formellement offert au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente signée le 12 juin 1995 ?

OUI ou NON

 

Le débat sur la question est lancé. Il durera jusqu’au 20 septembre. Le 1er octobre 1995, je fais émettre les brefs pour la tenue du référendum. »

Alain Lavigne analyse ainsi les stratégies de communication des deux camps. La stratégie de la campagne du Oui : « de manière positive, on chercherait à orienter le débat sur le projet de nouveau partenariat afin de rallier les électeurs hésitants. Dans le camp du Non, on attaquerait la crédibilité de l’association économique et les dangers de la séparation.

 

Côté Oui, la campagne d’affichage recourt à des symboles positifs. Les affiches transforment le O du Oui en cinq symboles à connotation positive : “Le partenariat (le dollar canadien) ; la paix (le ‘peace and love‘) ; l’environnement (la marguerite) ; le travail (une affiche de construction) ; l’ouverture (la planète), dans l’objectif de faire consensus et de susciter une adhésion grandissante à son opinion. ” »

Côté Non, c’est le contraire : « Toute la campagne visuelle du camp fédéraliste était bâtie autour d’une simple affiche où l’on pouvait lire “NON à la séparation”, et dans laquelle on avait réuni le rouge et le bleu, la feuille d’érable et la fleur de lys. » En matière de publicité, trois messages télé de 15 secondes reprennent un thème déjà utilisé dans la publicité écrite : « Monsieur Parizeau, pourquoi risquer nos emplois ? » « Monsieur Parizeau, pourquoi affaiblir le Québec ? La séparation c’est NON. On a raison de dire NON. »

Alain Lavigne lance : « Et puis vint une grande annonce [le 7 octobre 1995] : celle de la désignation de Lucien Bouchard à titre de négociateur en chef en prévision des discussions avec le Canada au lendemain d’un Oui. L’annonce donne un nouveau souffle à la campagne, tout en reléguant Jacques Parizeau au second plan. Cette décision difficile pour l’ego du chef, il l’a appuyée en raison des sondages internes démontrant clairement que le nouveau négociateur “sort le plus fort” dans les intentions de vote. »

 

Pierre Duchesne présente l’analyse de Jacques Parizeau sur cette décision. « Sur le plan de l’image, j’ai la possibilité d’avoir une meilleure image que la mienne. La conclusion des sondages, c’est donc qu’on va donner à Lucien Bouchard le premier rôle. » Pierre Duchesne prétend que « quoi qu’il en dise, le premier ministre se rend bien compte que les Québécois sont en train de lui donner un signal non équivoque : ils préfèrent un chef négociateur plutôt qu’un chef de troupe. Son allure de conquérant gêne, tandis que celle du conciliateur rassure. […] Même s’il le voulait, Jacques Parizeau est incapable de reproduire l’image d’un leader indécis et mené par le doute. »

 

Alain Lavigne ajoute : « Rapidement, l’impact de cette décision stratégique se fait sentir sur le terrain : “Bouchard devient le garant du maintien d’un lien avec le Canada après la souveraineté. Partout où il passe, il attire les foules. Des femmes prient pour lui. Un partisan dans une assemblée lui demande de bénir le drapeau du Québec. La venue de saint Lucien, surtout, fouette les troupes qui reprennent confiance et se remettent au boulot. C’est Bouchard, le prestidigitateur, en train de transformer une défaite en victoire.” »

Le 27 octobre 1995, c’est le « love-in » des Canadiens anglais aux Québécois. Cette grande marche pour le Canada au centre-ville de Montréal rassemble 100 000 personnes selon les organisateurs. Il aura un impact certain sur le résultat du 30 octobre et sa légalité fera couler beaucoup d’encre pendant de nombreuses années. 

Alain Lavigne rapporte que « toujours est-il que le soir du 30 octobre, à la fin d’une campagne dont la couverture de presse dépasse la scène nationale, les résultats demeurent extrêmement serrés jusqu’à ce que le Non se détache finalement et l’emporte de justesse avec 50,58 % des votes : « La défaite est d’autant plus amère pour les partisans du Oui qu’elle se solde par une nouvelle controverse : les déclarations du premier ministre Parizeau sur le rôle “de l’argent et des votes ethniques” dans la victoire du Non. » Pourtant, ce soir-là, Jean-François Lisée avait préparé des notes pour un discours de défaite. Le texte de quatre pages, titré « Un extraordinaire événement s’est déroulé aujourd’hui », est lu rapidement par chef avant de prendre place sur la tribune. Il le plie en deux et le glisse dans sa poche de veston… et il y restera. »

 

Pierre Duchesne avance que « le discours de Jean-François Lisée a beau être noble, Jacques Parizeau peut difficilement s’y identifier. Cela équivaudrait à le voir prôner la rectitude politique contre laquelle il s’est toujours opposé. Jacques Parizeau fera ce qu’il a toujours fait : il dira ce qu’il pense et ce qu’il ressent. Il le dira dans ses mots à lui, au risque de déplaire… une dernière fois. »

Page une du Journal de Montréal. 30 octobre 1995.

Collection Dave Turcotte

Démission

 

Le 31 octobre 1995, le lendemain du référendum, il annonce son intention de démissionner comme député et premier ministre. Une course à la direction au sein du Parti Québécois s’organise. Jacques Parizeau démissionne officiellement le 29 janvier 1996, laissant le poste de premier ministre à Lucien Bouchard.

Page une du journal Le Soleil. 1er novembre 1995.

Collection Dave Turcotte

Bilan du gouvernement Parizeau

 

Parmi les réalisations du gouvernement Parizeau, il faut souligner la création en 1995 du premier Carrefour jeunesse-emploi (CJE) à Gatineau. Séduit par le travail de l’organisme, le premier ministre demande alors aux députées et députés de travailler à la création de CJE sur tout le territoire. Aujourd’hui, ils sont 112 répartis dans les 17 régions du Québec.

 

Au cours de son mandat, le gouvernement Parizeau a également :

  • instauré la perception automatique des pensions alimentaires;

  • réglementé de nouveau la construction résidentielle;

  • introduit le concept de recyclage au gouvernement du Québec;

  • créé le Secrétariat à l’action communautaire autonome et le Fonds d’aide à l’action communautaire autonome;

  • lancé le premier site Web du Gouvernement du Québec.

 

Photographie de la dernière séance du conseil des ministres de Jacques Parizeau. 24 janvier 1996.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Fonds Jacques Parizeau


PREMIER MINISTRE
 


Élection 1994
 

Affiche électorale du Parti Québécois. 1994.

Collection Dave Turcotte

Page une du Journal de Montréal. 13 septembre 1994.

Collection Dave Turcotte

Page une du Journal de Québec. 13 septembre 1994.

Collection Dave Turcotte


Référendum 1995
 

Affiches du Comité national du OUI. 1995.

Collection Dave Turcotte

Affiche du Comité des Québécoises et des Québécois pour le NON. 1995.

Collection Dave Turcotte

Citoyen

Le citoyen

Redevenu simple citoyen, Jacques Parizeau continue néanmoins de commenter publiquement la situation politique du Québec. Il offre régulièrement des conférences sur l’économie et la politique, demeurant un invité particulièrement apprécié par les jeunes dans les institutions d’enseignement du Québec.

 

Loin d’être surprenant, Jacques Parizeau a toujours cru en la jeunesse québécoise. Éric Bédard se souvient d’avoir « été frappé par l’importance qu’il accordait au soutien de la jeunesse. Rien ne le galvanisait davantage qu’une salle remplie de jeunes gens venus l’entendre. Après être devenu premier ministre, un jour que je l’accompagnais dans le grand amphithéâtre de l’Université de Montréal, je l’ai entendu donner une consigne claire aux gardes du corps qui l’entouraient : “Ne vous tenez pas trop près, s’il vous plaît…” Il souhaitait serrer la main de ces jeunes, sentir leur énergie et leur enthousiasme. Ses adversaires ne cessaient pourtant de claironner que Monsieur incarnait la “vieille garde”, que son parti et sa cause appartenaient au passé. Rien n’était plus faux, bien sûr — nous tous qui le suivions, n’en étions-nous pas la preuve vivante ? Mais cette idée était tellement répétée qu’elle tenait de l’évidence pour la plupart des commentateurs politiques. Cette perception négative, qui nuisait considérablement à l’image du parti et de la cause, s’était incrustée dans les esprits comme de petites taches de moisissure. »

 

En 2014, Jacques Parizeau est chroniqueur invité au Journal de Montréal. Soulignons aussi qu’il est l’auteur des ouvrages :

 

  • Pour un Québec souverain (1997) ;

  • Le Québec et la mondialisation : une bouteille à la mer ? (1998) ;

  • La souveraineté du Québec. Hier, aujourd’hui et demain (2009) ;

  • An Independant Quebec : The Pass, The Present and the Future (2010).

Distinctions

 

Jacques Parizeau est le récipiendaire du prix Louis-Joseph-Papineau remis par le Rassemblement pour un pays souverain le 22 mai 2006. Il est décoré de l’Ordre national du Québec le 19 juin 2008. Il reçoit un doctorat honorifique de l’Université de Montréal en octobre 2014.

 

Décès

 

Jacques Parizeau meurt le 1er juin 2015 à l’âge de 84 ans et 9 mois. Son épouse, Lisette Lapointe, en a fait l’annonce en s’exprimant ainsi : « Immense peine ce soir. L’homme de ma vie est parti. Tout en douceur, entouré de plein d’amour. Après un combat titanesque, hospitalisé durant cinq mois, traversant les épreuves, les unes après les autres avec un courage et une détermination hors du commun, il a dû rendre les armes ce soir, 1er juin, un peu avant 20 heures. Nous sommes dévastés. Nous l’aimons et l’aimerons toujours. »

 

Dans les jours suivants, des milliers de personnes défilent devant sa dépouille, exposée en chapelle ardente à Montréal, à l’édifice de la Caisse de dépôt et placement, puis à Québec, au salon Rouge de l’Assemblée nationale du Québec. Des funérailles d’État sont organisées en son honneur le 9 juin en l’église Saint-Germain-d’Outremont, auxquelles participent le premier ministre Philippe Couillard et cinq anciens premiers ministres. Il est inhumé au cimetière de Laval et son monument funéraire porte l’épitaphe « N’ayez pas peur ».

 

Monument funéraire de Jacques Parizeau au cimetière de Laval portant l’épitaphe « N’ayez pas peur ». 2021.

Collection Dave Turcotte


LE CITOYEN
 

Page une du journal Le Devoir. 3 juin 2015.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Page une du journal La Voix de l'Est. 3 juin 2015.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Page une du journal Le Soleil. 3 juin 2015.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Page une du journal Le Nouvelliste. 3 juin 2015.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Page une du journal La Tribune. 3 juin 2015.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Je me souviens

Le 9 juin 2015, Jacques Parizeau est désigné personnage historique en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel.

 

La mémoire de Monsieur est immortalisée dans deux chansons : l’une par Lynda Lemay en 2013, sous le titre Jacques, l’autre par Alexandre Belliard en 2016, sous le titre Monsieur.

 

Jacques Parizeau est aussi commémoré dans la toponymie québécoise : l’édifice accueillant le bureau principal de la CDPQ à Montréal (2015), une rue à Québec (2016), un parc dans l’arrondissement d’Outremont à Montréal (2016) et un à Drummondville (2017) ainsi qu’une résidence d’artistes à L’Assomption (2020).

 

Le 1er juin 2022, un monument en hommage à Jacques Parizeau réalisé par les sculpteurs Jules Lasalle et Annick Bourgeau est dévoilé du côté sud-ouest de l’Hôtel du Parlement, à Québec. Le texte de la plaque commémorative reprend ses paroles devenues légendaires :

 « N’ayez pas peur. N’ayez pas peur de vos rêves;

N’ayez pas peur de construire une société

 qui soit à l’image de vos ambitions. N’ayez pas peur des

 obstacles que vous trouverez sur votre route. N’ayez pas peur de rêver. »

Lieux de mémoire

Découvrez (virtuellement) les régions du Québec à travers la vie de nos premiers ministres. Cette carte interactive vous fera découvrir où ils sont nés, où ils ont habités, étudiés, travaillés ainsi qu’où ils sont décédés et enterrés. Elle indique aussi les quelques musées à visiter, les monuments en leur honneur ainsi que les lieux rappelant leur mémoire par la toponymie. Cette carte est loin d’être exhaustive. Elle sera toujours en développement. 

Légende de la carte

Jemesouviens


JE ME SOUVIENS
 

 

Photographies de panneaux de voies de communication et de lieux rendant hommage au premier ministre Jacques Parizeau. 

Collection Dave Turcotte

 

Monument Jacques Parizeau situé à l’intersection des rues Jacques-Parizeau et des Parlementaires à Québec. 2022.

Collection Dave Turcotte

 

Médaille souvenir du Fonds Jacques Parizeau pour financer le monument Jacques Parizeau. 2023.

Collection Dave Turcotte

 

Livre Jacques Parizeau, un bâtisseur par Laurence Richard. 1992.

Collection Dave Turcotte

 

Biographie de Jacques Parizeau en trois tomes par Pierre Duchesne. 2001, 2002 et 2004.

Collection Dave Turcotte

 

Livre Monsieur Parizeau, la plus haute autorité par Victor-Lévy Beaulieu. 2015.

Collection Dave Turcotte

 

Livre Parizeau : oui au marketing d’un pays par Alain Lavigne. 2023.

Collection Dave Turcotte

 

Affiche du documentaire Jacques Parizeau et son pays imaginé par Jean-Pierre Roy et André Néron. 2023

Collection Dave Turcotte

Sources

Livres

Beaulieu, Victor-Lévy Beaulieu (2015). Monsieur Parizeau, la plus Haute Autorité. Paroisse Notre-Dame-des-Neiges : Éditions Trois-Pistoles

Bédard, Éric (2015). Années de ferveur 1987-1995 : récit d'une jeunesse militante. Montréal : Les Éditions du Boréal.

Blais, Christian, Gilles Gallichan, Frédéric Lemieux et Jocelyn Saint-Pierre (2008). Québec, quatre siècles d'une capitale. Québec : Les Publications du Québec.

Commission de la Capitale nationale du Québec (1999). Je me souviens. Les monuments funéraires des premiers ministres du Québec. Québec : Commission de la Capitale nationale du Québec.

Guay, Jean-Herman et Serge Gaudreau (2018). Les élections au Québec : 150 ans d’une histoire mouvementée. Québec : Les presses de l’Université Laval.

Imbeault, Sophie (2023). Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec : Soixante ans d’histoire, 1962-2022. Québec : Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.

Lamarche, Jacques (1997). Les 27 premiers ministres. Montréal : Éditions LIDEC.

Lavigne, Alain (2023). Parizeau : oui au marketing d'un pays. Québec : Les éditions du Septentrion.

Parizeau, Alice (1991). Une femme. Montréal : Leméac Éditeur.

Parizeau, Gérard (1973). Joies et deuils d'une famille bourgeoise, 1867-1961. Trois-Rivières : Éditions du Bien public.

Parizeau, Jacques (1997). Pour un Québec souverain. Montréal : VLB éditeur.

Richard, Laurence (1992). Jacques Parizeau, un bâtisseur. Montréal : Les Éditions de l'Homme.

Articles

Amiot, Marie-Andrée (23 mai 2010). « Un brin de Louisiane face au fleuve ». Journal La Presse. 

Côté, Roch (19 mars 1988). « Jacques Parizeau, à sa façon, a choisi la vie d'artiste ». Journal La Presse, 104e année, numéro 148. 

Tremblay-Lamarche, Alex (2016). « La transformation des capitaux culturel et social en région au xixe siècle dans un contexte de renouvellement des élites : l’exemple de Saint-Jean-sur-Richelieu. ». Mens, Volume 17, Numéro 1-2 (Ottawa).

Sites 

Assemblée nationale du Québec (Antonio Barrette)

Assemblée nationale du Québec (Damase Parizeau)

Assemblée nationale du Québec (Daniel Johnson, père)

Assemblée nationale du Québec (Jacques Parizeau)

Assemblée nationale du Québec (Jean-Jacques Bertrand)

Assemblée nationale du Québec (Jean Lesage)

Assemblée nationale du Québec (Lisette Lapointe)

Assemblée nationale du Québec (Lomer Gouin)

Assemblée nationale du Québec (Pierre Marc Johnson)

Chaîne du Québec

Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques

Commission de toponymie (Rue Bisaillon)

Généalogie du Québec et d'Amérique française
Prix Gérard-Parizeau

Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Ville de Boucherville

Wikipédia (Alice Parizeau)

Wikipédia (Damase Parizeau)

Wikipédia (Élection 1981)

Wikipédia (François-Albert Angers)

Wikipédia (Gérard Parizeau)

Wikipédia (Jacques Parizeau)

Wikipédia (Lisette Lapointe)

Wikipédia (Télesphore Parizeau)

WikiTree

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